De la bonne volonté

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

A.-M. BEAUDELOT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La pratique de la vie nous invite à prendre, en toutes choses, le chemin le plus court et le plus sûr pour atteindre le but que nous poursuivons ; et cette méthode convient à tous les problèmes dont nous cherchons la solution.

Nous avons, en effet, maintes fois constaté que le temps nécessaire à l’accomplissement d’une tâche, quelle qu’elle soit, nous faisait défaut et, si nous voulons être sincères, nous ne nous plaindrons pas du temps, mais de nous-mêmes qui n’avons pas su ou voulu l’utiliser, lorsqu’il était à notre discrétion. Comme un auxiliaire fidèle, il est venu à l’heure favorable, et il a semblé nous dire : « Me voici, profite de moi, je te suis tout dévoué » ; mais, alors, nous n’avons pas accordé à son intervention la considération qu’elle méritait et nous l’avons laissé partir sans utiliser ses précieux services, sans penser que leur perte était irréparable : il a passé et il ne reviendra pas.

Ne serait-ce pas le cas de nous rappeler ce que dit Sénèque à ce propos : « Réfléchis bien et tu verras qu’une partie de la vie se passe à mal faire, la plus grande partie à ne rien faire, la totalité à faire tout autre chose que ce que l’on devrait... Empare-toi du présent, tu dépendras moins de l’avenir. Pendant qu’on se propose de vivre, la vie se passe. Tout le reste est d’emprunt, le temps seul est à nous. Cette chose rapide, fugitive, voilà la seule propriété que nous ait assignée la nature. » Combien sont encore d’actualité les conseils de cet ancien auteur !

 

 

Si nous demandons à un sage quel est le but de la vie, il nous répondra qu’elle a pour objet de nous faire apprendre ce qu’il faut que nous sachions. La vie, en effet, est entièrement consacrée à l’acquisition de connaissances variées, générales ou spéciales et mieux l’une et l’autre à la fois, afin de nous procurer une vue d’ensemble nécessaire à la détermination de son but. Dès que l’homme a acquis cette science, il peut orienter avec exactitude sa conscience et ses efforts vers ce but, harmoniser ses aspirations avec ses obligations et marcher sûrement vers la réalisation de son idéal. Il importe donc à son bonheur de ne pas perdre de temps.

Tous les âges ont leurs devoirs, leurs exigences, leurs nécessités plus ou moins immédiates, mais toujours inéluctables. L’enfant doit apprendre aussitôt que possible les notions indispensables à la vie matérielle, intellectuelle et morale. Dès l’âge des responsabilités, l’homme s’applique à utiliser ses connaissances acquises, à les développer et à les réaliser pour le bien-être individuel et collectif, et toujours sous leur triple aspect matériel, intellectuel et moral, afin que son savoir soit aussi complet et utile que possible. C’est en suivant cette voie avec fidélité, courage et confiance qu’il acquerra l’expérience, c’est-à-dire la science que donnent les épreuves de la vie vaillamment acceptées. La vieillesse lui sera légère, car il possédera la sagesse rayonnante de l’homme de bien. Son âme, éclairée par le flambeau de sa constante et sereine activité, jouira pleinement des harmonies divines avec lesquelles elle se sera efforcée d’accorder les efforts de sa bonne volonté.

 

 

Nous venons de parler de Fidélité, de Courage, de Confiance, dont nous devons faire les auxiliaires de nos efforts et de notre labeur ; il n’est pas de force plus stable ni plus efficace, car elle nous vient de notre mental, c’est-à-dire de l’état d’esprit que nous nous sommes faits par notre volonté. Cet état d’esprit nous prédispose à satisfaire à toutes les obligations prévues ou non prévues qui surviennent pendant l’accomplissement de notre tâche.

On dit que « l’habitude est une seconde nature ». Nous pensons que rien n’est plus vrai. Un lâche se corrigera de ce défaut par la culture constante de la bravoure. La paresse, le mensonge, etc., ont leur correctif naturel dans le mépris que l’on professe pour le paresseux et le menteur ; on se crée un programme d’activité et de sincérité que l’on suit avec persévérance et l’on arrive à se faire une mentalité ou un état d’âme avide d’activité et d’occasions de se développer par l’exercice des qualités que l’on veut acquérir. Sans doute, il faut vouloir, et il est, pour justifier la volonté, un proverbe d’une efficacité incontestable : Aide-toi et le Ciel t’aidera. Il faut aider le Ciel par la persévérance de notre foi dans un Idéal, par l’amour de la Fermeté dans nos résolutions et la Foi dans l’efficacité de notre action. Qu’est-ce que toutes ces conditions de succès dont nous nous approvisionnons, sinon un entraînement de notre bonne volonté mise au service des réalisations que nous avons projetées ?

Si nous nous demandons d’où vient notre bonne volonté ? Mais c’est un bien que le Ciel nous offre et que nous n’avons qu’à accepter. Ne sommes-nous pas, par notre esprit, en relation avec le Ciel, n’est-ce pas le canal par lequel nous recevons ses dons ? Notre expérience de la vie ne nous prouve-t-elle pas que notre bonne volonté constante, soutenue, vient à bout de tout. Sans doute, nous avons à faire plus ou moins longtemps l’éducation de nos organes et de nos facultés avant d’atteindre le résultat, mais il n’est pas de preuve que la bonne volonté constante et soutenue dirigeant nos activités vers un but sage et louable n’ait permis d’atteindre le but poursuivi.

 

 

Qu’est-ce encore que la bonne volonté sinon un acte de soumission aux lois d’harmonies imposées par le Créateur ? Et un état de soumission complète aux lois divines n’est autre chose qu’un état permanent de prière, un élan d’amour permanent qui s’adresse à l’Auteur de la loi, qui nous offre le moyen de réaliser le bien qu’il désire nous voir exécuter. En faisant le bien, nous satisfaisons donc aux lois d’harmonie qui enveloppent tous les êtres dociles et nous obéissons à la loi divine.

Notre action dans ce sens équivaut à une prière, la meilleure, la plus réelle, la plus efficace. Nos lèvres formulent-elles une prière, même dictée par le cœur, il peut y avoir loin de la parole au geste ; mais lorsque le geste est accompli, la prière ne peut manquer d’efficacité, parce que nous avons satisfait à la volonté divine et le Ciel n’est jamais en retard de générosité avec nous. Soutenir le contraire serait une aberration, un blasphème.

 

 

La conclusion est toute simple, c’est que nous avons bien moins à nous efforcer par toutes sortes de paroles à rendre le Ciel attentif à nos prières qu’à nous mettre en état de recevoir les dons dont il nous comble, l’aide qu’il nous offre sans cesse. La Bonne Volonté Constante et Confiante est le moyen le plus efficace que nous possédions pour réaliser la loi d’harmonie et par conséquent le bonheur que nous cherchons ; seule l’ignorance de Sa générosité nous prive de ses trésors. N’accusons donc pas le Ciel de nos insuccès, mais nous-mêmes.

 

 

 

A.-M. BEAUDELOT.

 

Paru dans Psyché, revue du spiritualisme intégral

en mars-avril 1923.

 

 

 

 

 

 

 

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