L’esplanade de Lourdes

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Auguste-Jean BOYER D’AGEN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce n’est plus tant l’œuvre de pierre qui frappe, ici, moins le cœur qu’elle n’enchante les yeux. En regardant cette esplanade circulaire vide ou pleine, on y sent battre, à chaque heure du jour et de l’année, un cœur immense dont elle a pris la forme, en effet. C’est ce même cœur de l’humanité chrétienne, dont on compte les palpitations ardentes sur chaque dalle dont est pavée la Place de Saint-Pierre et qui y figure un cœur, elle aussi. Mais là-bas, c’est le cœur du catholicisme triomphant, devant un chef-d’œuvre de pierre que symbolisa le génie souverain de la papauté souveraine. Ici, c’est le cœur de la catholicité souffrante et implorant, à deux genoux, la divinité compatissante pour les nations blessées et guérissables. Sur ces pierres, déjà usées par le passage d’un demi-siècle de générations gémissantes, que de larmes brûlantes ont coulé auxquelles des patries moribondes doivent de vivre encore, sinon d’avoir ressuscité tout à fait ! Que de paralytiques sont venus s’y étendre, sur le passage du Fils du charpentier de Nazareth qui leur a dit : « Levez-vous ! » et ils ont emporté leurs grabats. Que d’aveugles ont crié à Jésus : « Fils de David, fais que je voie ! » et ils ont vu. Que de mères ont redemandé ici la vie de leurs enfants, que de femmes – épouses ou fillettes – celle de leurs maris ou de leurs pères, vie de l’âme tarie ou du corps épuisé... Ô Lourdes ! terre du miracle visible et du prodige manifeste, quand parleront tes pierres pour dire à l’homme ingrat qu’il n’aura trouvé grâce pour ses crimes, devant son juge suprême qui les compte, que parce qu’ici des yeux de femmes auront pleuré en regardant pleurer aussi, dans sa grotte mystérieuse, la Femme de toutes les douleurs et la Mère de toutes les espérances ? Et même, si la fontaine miraculeuse, – qui coule sous les pieds de la Vierge de Lourdes, à 122 000 litres par jour, d’une pierre aride jusqu’à l’heure de l’Apparition, – n’est-elle pas si abondante et si intarissable que parce que des millions de larmes l’alimentent, tombant silencieusement de ces autres sources sacrées, les yeux de nos mères et de nos femmes de France que la mère de Dieu a reconnues et adoptées, à Lourdes, pour ses filles ?

 

 

 

Auguste-Jean BOYER D’AGEN,

Lourdes, p. 9.

 

Recueilli dans

Anthologie des meilleurs écrivains de Lourdes,

par Louis de Bonnières, 1922.

 

 

 

 

 

 

 

 

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