Troisième lettre sur Ernest Renan

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

Ferdinand BRUNETIÈRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dinard, 14 septembre 1903.

 

 

MONSIEUR,

 

L’un des meilleurs livres que l’on ait consacrés à Ernest Renan, est celui de M. G. Séailles, membre de la Ligue des Droits de l’homme, professeur de philosophie à la Faculté des lettres de Paris, et auteur d’un livre tout récent qui a pour titre : les Affirmations de la conscience moderne. C’est un beau titre, que j’aurais cependant aimé plus modeste, et moins impertinent. Car, enfin, Monsieur, qui donc a délégué M. G. Séailles – dont vous entendez bien d’ailleurs que je fais le plus grand cas du monde – au département des « affirmations de la conscience moderne » ? et, par hasard, si nous étions tentés, vous ou moi, de nier ce que M. Séailles affirme, est-ce que nous manquerions de « conscience » ou si nous n’en posséderions qu’une « très ancienne », une conscience qui daterait du temps de Pascal ou de Malebranche, et qui n’aurait pas profité des leçons de l’Abbesse de Jouarre ou du Prêtre de Némi ? C’est une question qu’il faudra que je pose quelque jour à M. Séailles.

Mais ce n’est point aujourd’hui des « affirmations de sa conscience » que je voulais vous parler, c’est de son livre sur Ernest Renan ; et je voulais vous dire que, l’ayant fait venir en poste de Paris, pour le relire, je me suis un instant demandé s’il ne me suffirait pas aujourd’hui d’en copier quelques pages, et de vous les envoyer. Il y en a de fort belles, encore qu’un peu déclamatoires. « Le temple d’Athéné est désert, son fronton brisé, mais l’immortelle déesse a autant de sanctuaires qu’il est d’âmes qui se vouent à son culte, autant de statues qu’il est d’esprits, qui, se modelant selon les rites, sculptent en eux son image. » Êtes-vous homme à trouver là dedans quelque galimatias ? Non ! c’est de « la vérité qui se réalise en beauté 1 ». Et croyez-vous qu’après avoir ainsi commenté la Prière sur l’Acropole, M. G. Séailles ne saurait être qu’un apologiste de Renan ? Détrompez-vous, Monsieur ! Si demain, à Tréguier, sous la protection des baïonnettes, M. le Ministre de l’instruction publique, au lieu de lire un discours qui lui aura coûté sans doute beaucoup de mal, lisait quelques pages du Renan de M. Séailles, ah ! je vous assure que les « Bleus de Bretagne » n’y reconnaîtraient pas un membre de la Ligue des Droits de l’homme ; et je croirais m’entendre moi-même !

Serai-je jamais aussi sévère pour Renan que M. G. Séailles ! J’y tâcherai, mais je n’ose en répondre. J’aurai du moins signalé son livre, et ceux de vos lecteurs qui me trouveraient trop indulgent pour les erreurs séniles de l’auteur de l’Abbesse de Jouarre sont priés de s’y reporter. Ce M. Séailles est un terrible homme !

 

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Une chose bien curieuse, mon cher Monsieur, c’est qu’on ne puisse admettre, dans une certaine école, qu’il y ait le moindre rapport entre les questions religieuses et les questions morales, et que, cependant, personne, pas même Renan, ne puisse parler de religion sans en arriver à parler de morale. Il y a donc un Renan moraliste. On serait même tenté de croire qu’il y en a plusieurs, et qu’ils se contredisent. Mais la réalité est plus triste encore, et il n’y a bien eu qu’un moraliste du nom de Renan, mais l’histoire des variations de sa morale n’est que celle de sa longue démoralisation, je veux dire de son lent passage de la morale la plus haute à l’épicurisme le plus vulgaire et le plus bas.

Je ne parle ici, vous l’entendez bien, – et à peine ai-je besoin de le dire, – que de la doctrine, et non de l’homme. « Je suis fort égoïste », nous disait-il l’autre jour ; et peut-être exagérait-il. À la vérité je connais peu d’œuvres d’où la pitié soit plus complètement absente que de la sienne ; et je dois avouer que peu d’hommes ont pris plus galamment leur parti de la misère des autres. Mais sa vie privée n’en a pas moins été parfaitement digne, et parfaitement noble. Il n’a vécu que de son travail, et que pour son travail. Ses ambitions n’ont guère été que de l’ordre intellectuel, et elles n’ont ni dépassé, ni peut-être atteint son mérite, je veux dire celui qu’il était en droit de s’attribuer, du consentement, ou d’après le jugement de ses contemporains. Il a eu, sans l’affecter, ni surtout l’étaler, le mépris de l’argent. Nous lui en saurons gré, si nous sommes justes. Ce sont en effet là presque autant de vertus. Mais, après cela, je ne saurais trop regretter – pour lui – que, connaissant ainsi le prix, et peut-être la difficulté de la vertu, son dilettantisme se soit fait un jeu, sur ses vieux jours, de l’abaisser au rang du vice, et de parler de l’une et de l’autre comme indifféremment, avec le geste incertain et la langue pâteuse d’un Silène libidineux. Relisez l’Abbesse de Jouarre, ou encore tel discours de Renan à la jeunesse des écoles, si ces expressions vous paraissaient trop fortes.

 

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Rien n’est plus grave, et on pourrait presque dire plus pieux, que les premiers écrits de Renan, ceux qu’il a réunis plus tard pour en former ses Études d’histoire religieuse et ses Essais de morale et de critique. Vous savez que ce sont aussi quelques-unes de ses meilleures pages. Son étude sur les Religions de l’Antiquité et sur la Poésie des Races celtiques sont demeurées et, je le crois, demeureront à bon droit classiques. On eût dit, véritablement, qu’en sortant de Saint-Sulpice il en eût emporté la résolution de montrer au monde que la rupture d’un prêtre avec le christianisme peut quelquefois s’inspirer des plus louables motifs, – à plus forte raison celle d’un simple séminariste, – et n’être ainsi, de leur part à tous deux, qu’une sorte d’engagement à vivre d’une vie plus sévère, plus retirée, presque ascétique, et qui soit comme un exemple de vertu dans l’incrédulité.

Je crois aussi reconnaître là l’influence de sa sœur Henriette 2.

On n’a pas assez parlé d’Henriette Renan. Instruite, intelligente, esprit viril, plus impérieuse qu’aimante, aigrie par la pauvreté, par l’exil, par les humiliations du préceptorat, incrédule avec passion, comme on l’était au dix-huitième siècle, Henriette, qui, plus que personne, – et beaucoup plus qu’aucun motif d’exégèse ou de philosophie, – avait poussé son frère aux résolutions suprêmes, avait compris admirablement que ce que, dans un siècle de doute, on peut opposer de plus fort au christianisme, c’est une vie toute d’honneur, de sacrifice et de vertu, qui, pour se soutenir, ne semblerait avoir eu besoin ni de ses leçons, ni de son appui, ni de ses promesses. Elle avait voulu que son frère fût cet homme, et cette vie sa vie. C’est pourquoi, tout en rejetant le dogme, et sans dire expressément ce qu’il en repoussait, – et qui n’était peut-être, à ce moment de sa vie, que l’obligation générale de croire et de se « soumettre », – Renan garda fidèlement la morale de ses maîtres, et ne la modifia d’abord qu’en donnant pour but à son activité le progrès de l’esprit au lieu de la perfection du cœur.

Et il est vrai que c’était la modifier assez profondément, si c’était faire de l’orgueil le maître de sa vie. Quomodo cecidisti, Lucifer ? C’est ainsi que sont tombés les anges... Mais Renan ne s’en aperçut pas tout de suite, ni ses premiers lecteurs ; et, au contraire, dans la littérature de son temps, que le naturalisme, ou le matérialisme commençait d’envahir, quelques articles, tels que ceux que nous venons de rappeler, ou comme encore ses articles sur la Farce de Patelin et sur la Théologie de Béranger, qu’il traitait avec le dernier mépris, faisaient de lui le représentant de l’idéalisme, et, généralement, de tout ce que les Baudelaire et les Leconte de Lisle, les Dumas et les Flaubert, les Taine et les Littré semblaient alors menacer d’une ruine prochaine.

 

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C’est sur ces entrefaites qu’éclatait l’affaire du Collège de France. Nommé à la chaire de langue et de littérature hébraïques, Renan prononçait, en en prenant possession, sur la Part des Peuples sémitiques dans la civilisation, un discours dont une phrase excitait un tel tumulte que le ministre d’alors – c’était Victor Duruy – croyait devoir lui interdire la parole. En même temps, et comme compensation, il lui offrait à la Bibliothèque nationale une place de conservateur des manuscrits, que Renan refusait en enveloppant son refus de la phrase célèbre : Pecunia tua tecum sit ! Il n’en fallait pas davantage, en ce temps-là, dans le silence de l’Empire, pour conférer à un homme toute la notoriété dont les journaux disposent, et, le succès – ou le scandale – de la Vie de Jésus s’y ajoutant à quelques mois d’intervalle, Renan devenait un personnage dans l’opinion 3.

Il n’y devait pas résister ; et il faut convenir que jamais, peut-être, popularité plus rapide et plus étendue ne produisit sur un homme d’effets plus désastreux. On vit alors un nouveau Renan, disons mieux, le vrai Renan se dégager de l’humble et modeste hébraïsant qu’on avait connu jusqu’alors. L’orgueil, un incommensurable orgueil, qu’il excellait à cacher sous les dehors de la bonhomie, le libéra des contraintes que sa pensée s’était imposées jusqu’alors. Fort de l’inattaquable dignité de sa vie, plus laborieuse et plus diversement occupée que jamais, c’est alors qu’il donna carrière à la légèreté de son dilettantisme ; qu’il se crut spirituel en reprochant à Jésus de « n’avoir pas eu le don de sourire de son œuvre », ce qui est la qualité essentielle d’« une personne distinguée » ; qu’il feignit de regretter que « saint Paul ne fût pas mort sceptique, naufragé, abandonné, trahi par les siens » dans le doute et le désespoir ; qu’en revanche il essaya de réhabiliter Néron, pour ses talents de chanteur, et qu’il en fit, pour ses inventions obscènes, le révélateur de la « pudeur chrétienne ». C’est à M. G. Séailles que, n’ayant pas ici les Origines du Christianisme sous la main, j’emprunte ces exemples. Mais le lecteur me fera confiance si je le prie de croire que les semblables abondent dans les volumes qui ont suivi l’Antéchrist. « C’est une terrible tentation, a-t-on dit, que de n’avoir personne au-dessus de sa tête. » Je ne sais si ce n’en est pas une aussi terrible – je dis moralement – que de n’avoir autour de soi que des applaudisseurs. L’histoire de la lente démoralisation de Renan peut en servir d’une triste preuve.

Car, ce qui suivit, nul sans doute ne l’ignore. C’est ce que l’on connaît le mieux de la biographie de Renan ; et, comme dit l’historien, il serait peut-être plus sage – et plus respectueux pour un grand écrivain – de se contenter de le regretter, que de le raconter : Quæ secuta sont defleri magis quam narrari possunt. Hélas ! avoir écrit, au temps de sa jeunesse, l’Avenir de la Science ! et s’être fait du savoir « une religion » ! avoir enseigné, pendant trente ans, le mépris de tout ce que le « monde » estime, le dédain des plaisirs grossiers, la haine des pensées vulgaires ! avoir placé si haut son idéal qu’un moment les hommes aient pu douter s’il ne remplacerait pas l’ancien ! et finir par le Prêtre de Némi, par l’Abbesse de Jouarre, par les articles et les discours qui forment le volume intitulé : Feuilles détachées ! « Sitôt que j’eus montré le petit carillon qui était en moi, a-t-il écrit dans ses Souvenirs de Jeunesse, le monde s’y plut, et, peut-être pour mon malheur, je fus engagé à continuer. » Il a raison de dire : pour son malheur ! et la fin de sa carrière, en en éclairant le commencement d’une lueur suspecte, le gâtera toujours.

 

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Quelles leçons, en effet, ce vieillard a-t-il données à la jeunesse ? Quel usage a-t-il fait de l’autorité que lui avait conquise quarante ans de travaux ? quel compte a-t-il tenu de la responsabilité que lui imposaient ses origines, son début dans la vie, les admirations qu’il traînait à sa suite, le respect de son propre labeur, de sa réputation et de sa gloire ? « M’étant peu amusé quand j’étais jeune, j’aime à voir s’amuser les autres. Ceux qui prennent la vie ainsi sont peut-être les vrais philosophes. » C’est le suprême conseil du maître, celui qui résume ou qui contient tous les autres ! Et comme on pourrait douter de ce qu’il entend par « s’amuser », lui-même a pris soin de spécifier qu’il n’excluait du nombre des « amusements » ni la débauche, ni l’ivresse, ni « les femmes », ni l’alcool, ni la « morphine ». Était-ce bien la peine de maltraiter si fort l’auteur du Dieu des bonnes gens, et de lui reprocher, si crûment, d’avoir « en un siècle préoccupé de problèmes aussi sérieux que ceux qui nous obsèdent, accepté devant le public un rôle de faux ivrogne et de faux libertin 4 » ?

Ce rôle, Renan ne l’a pas « accepté » seulement ; il l’a sollicité. Comme un vieil acteur, et, entre deux crises de rhumatisme, le bras en écharpe, nous l’avons vu monter en scène aux applaudissements d’un public dont il ne semblait plus comprendre ce que le rire avait d’irrespectueux et de dérisionnaire. C’est le châtiment de l’ironie ! L’habitude de rire de tout semble donner aux autres comme un droit de rire de nous ; et, en effet, si nous nous faisons un jeu de ne rien respecter, pourquoi nous respecteraient-ils ! Renan s’est plus d’une fois mépris, dans ses dernières années, sur la qualité du rire qu’il excitait ; et il n’a pas senti que ce n’était plus de ce qu’il disait qu’on riait, mais de lui qui le disait, et – parce que la jeunesse est cruelle – de ce qu’il y avait de plus lamentable encore que de risible à le voir profaner, sous son masque de curé rabelaisien, tout ce qu’il avait jadis adoré !

Et on ne pouvait s’empêcher de faire une comparaison ! On songeait vaguement, mais irrésistiblement à Taine, son rival de gloire et de popularité, qui, tandis que l’ancien séminariste blasphémait dans la « chaleur communicative des banquets », donnait, au contraire, lui, l’ancien normalien, à sa courageuse et âpre recherche de la vérité, je ne sais quel caractère ou quel accent de plus en plus voisins de la prière.

La comparaison se précisait et se prolongeait en parallèle.

On se rappelait qu’au temps où Renan défendait contre les assauts du matérialisme la « Catégorie de l’Idéal », c’était le temps où le naturalisme se réclamait de Taine ; – et il semblait alors qu’il en eût le droit.

On se souvenait encore que, tandis que Taine, en faisant l’éloge de La Fontaine, célébrait les vertus de l’« Esprit gaulois », c’était l’époque où Renan, lui, n’y voyait que l’expression du « vice égrillard », la « coquetterie de l’immoralité », la « gentillesse du mal », et généralement les qualités que nos pères faisaient profession d’admirer dans les Oies du frère Philippe, ou dans Mazet de Lamporecchio.

On se rappelait que l’opuscule de Renan sur sa Sœur Henriette, où il affirmait plus énergiquement que jamais sa foi dans la « réalité supérieure du monde idéal », était contemporain, ou à peu près, de la phrase devenue quasi proverbiale de Taine sur le vice et la vertu « qui ne sont que des produits comme le vitriol et le sucre ».

On essayait de mesurer le chemin parcouru.

Et on s’apercevait que, tandis que la pensée de Taine, de jour en jour plus maîtresse d’elle-même, s’était élevée pour ainsi dire avec l’objet de ses méditations, au contraire, celle de Renan, lui échappant de jour en jour, s’était abaissée comme insensiblement au niveau, nous ne pouvions plus dire de celle de Béranger, mais du pharmacien Homais. Ô misère ! ce lévite s’égayait maintenant lui-même d’être « un curé raté » ! Et, de cette évolution contradictoire, ou inverse, des deux grands écrivains rivaux, quand on cherchait la raison, on la trouvait dans cette observation que, décidément, la pensée ne se suffit pas à elle seule ; qu’elle a besoin, pour se soutenir, d’un autre support qu’elle-même ; et que, quand il lui manque, elle tombe de plus ou moins haut, mais elle tombe toujours !

 

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Je ne crois pas, mon cher Monsieur, que cette conclusion sur « la morale de Renan » soit pour déplaire à nos lecteurs.

Mais ils apprendront certainement avec plaisir, qu’elle est conforme à celle de l’auteur des Affirmations de la conscience moderne, M. G. Séailles, dont je vous disais deux mots au début de cette lettre. « Pour avoir voulu s’élever au-dessus de la vie, faire le grand seigneur, on tombe à la pauvreté de la bête, à la misère d’un moi individuel, qui ne se soutient que par l’illusion d’exister. » Ce sont les propres paroles de M. G. Séailles, à la page 355 de son Ernest Renan, 3e édition ; et je ne doute pas, ni vous non plus, qu’en les énonçant, il ne se soit souvenu de Pascal. Mais alors ?... Qui le retient donc ou l’empêche d’aller jusqu’au bout ?... Si je le lui demandais, il me dirait peut-être que cela ne me regarde pas ; et vous, Monsieur, vous me feriez observer à bon droit que ce n’est pas aujourd’hui le point.

Contentons-nous donc de dire avec M. Séailles que, si le « grand penseur breton » fut, comme nous l’avons vu, un pauvre philosophe, il ne fut pas un meilleur moraliste ; et, comme ils essayeront de soutenir le contraire, à Tréguier, j’avais à cœur de mettre le public en garde contre leur manière « d’aimer la vérité ». Les pires sophistes que l’on connaisse n’ont pas donné à la jeunesse de pires leçons qu’Ernest Renan. Il écrivait peut-être comme Platon, mais il a pensé comme Gorgias ! Et, en vérité, j’aimerais mieux mettre aux mains des jeunes gens... les Liaisons dangereuses, voire les romans de Crébillon fils, que « le petit volume in-18 relié en maroquin noir », où, joignant le blasphème à l’ironie, « il voulait réunir quelques pages sincères pour ceux ou celles à qui le vieux missel ne suffit plus » !

J’examinerai, Monsieur, dans une quatrième lettre, l’œuvre de Renan comme historien, et dans une cinquième, si vous le voulez bien, – après que l’éloquence officielle aura coulé, – nous conclurons sur la nature et la portée de son œuvre en général, et de son influence.

 

 

 

Ferdinand BRUNETIÈRE,

Cinq lettres sur Ernest Renan, 1910.

 

 



1 Il ne serait pas impossible qu’il y eût aussi quelque galimatias dans la Prière sur l’Acropole, et M. G. Séailles ne serait critiquable que d’avoir imité trop fidèlement son modèle.

2 J’ai plusieurs fois signalé l’influence d’Henriette Renan sur son frère. Il faudra lui faire un jour, dans les biographies qu’on écrira d’Ernest, une place qu’on ne lui a pas encore faite, quoique Mme Duclaux l’ait indiquée, dans sa Vie de Renan. Henriette a été véritablement, dans la crise décisive de 1845, « la conscience » de son frère. Voyez à cet égard, dans leur Correspondance, les lettres datées de cette année, et rapprochez-les des paroles de Renan dans son opuscule : Ma sœur Henriette : « Henriette m’avait devancé dans la voie, ses croyances catholiques avaient complètement disparu ; mais elle s’était toujours gardée d’exercer sur moi aucune influence à ce sujet. Quand je lui fis part des doutes qui me tourmentaient, et qui me faisaient un devoir de quitter une carrière où la foi absolue est requise, elle fut ravie... Ses lettres exquises furent, à ce moment décisif de ma vie, ma consolation et mon soutien. »

3 Ce passage demande une courte rectification. Ce n’est pas Victor Duruy, c’est M. Rouland qui dut suspendre le cours de Renan ; mais la suspension n’était pas une solution ; et ce fut Victor Duruy qui se trouva quelques mois plus tard hériter de l’affaire. La Vie de Jésus avait paru dans l’intervalle. Mais ce fut bien encore Victor Duruy qui proposa la compensation de la Bibliothèque nationale, et Renan ne la refusa pas tout de suite. Il négociait encore quand il lança son Pecunia tua tecum sit, et Victor Duruy, dans ses Notes et Souvenirs, estime, et à bon droit, qu’il n’avait pas mérité, lui, Duruy, de recevoir au visage cette réplique un peu emphatique.

Voyez sur l’affaire, en même temps que les Notes et Souvenirs de Victor Duruy, le volume de Renan : Questions contemporaines : La chaire d’hébreu au Collège de France. La leçon d’ouverture du cours du Collège de France, occasion et cause première de la révocation de Renan, parue d’abord en brochure 1862, a été réimprimée en tête du volume intitulé : Mélanges d’histoire et de voyages, 1890.

4 Une comparaison tout à fait instructive à cet égard, est celle que l’on pourra faire de l’article sur la Farce de Patelin avec les articles sur le Journal d’Amiel ; ou de l’article sur la Théologie de Béranger avec le Discours à l’Association des étudiants, 1886.

 

 

 

 

 

 

 

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