Nous avons un autel du sacrifice...

(HÉBR. 13, 10)

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Frédéric FERMIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Hollande est le pays où le calvinisme a pris racine le plus profondément et a donné au peuple un caractère très particulier. L’Église catholique y a vécu des temps difficiles. En 1853 seulement, la Hiérarchie pouvait être établie et encore sous un orage de protestations, bien que depuis 1798 la Constitution ait reconnu la liberté religieuse et l’égalité politique des catholiques. L’Église s’y développa de manière extraordinaire pendant les cinquante dernières années. Les catholiques forment aujourd’hui le parti politique le plus fort et le plus ferme. Les tendances anticatholiques n’en sont pas pour autant éteintes : on le vit en 1933, lors de la conversion de l’ancien ministre de l’éducation, le Dr Marchant.

Frédéric Fermin est originaire de ce pays en majorité calviniste. Il vient de cercles plutôt indifférents. Dès son enfance et ses années d’études, le catholicisme l’attirait. La messe l’intriguait, mais le chemin devait encore être long jusqu’à sa conversion. Le service à l’étranger l’amena en Asie. C’est là qu’il entra dans l’Église catholique en 1953. Depuis, il a résigné son poste et est entré chez les Dominicains.

 

 

 

 

Dieu ne m’a pas appelé de façon dramatique ; ce ne fut pas une « sensation ». Son murmure était si léger que je l’aurais plutôt pris, dans mon ignorance, pour un produit de mon imagination, comme quelqu’un qui n’arrive pas à déterminer le bruit qui frappe son oreille.

Comme il est digne d’amour ce Dieu qui nous attire à Lui, dans sa bonté et sa patience ! Nous ne remarquons pas même au début que c’est sa main qui nous conduit, tant elle est douce ! Et si nous le reconnaissons plus tard, nous cherchons à le nier, car nous préférons errer selon notre plaisir au lieu de nous laisser guider par Lui, nous repoussons sa main et Lui tournons le dos. Il nous laisse alors donner de la tête contre le mur, sans pourtant se rire de nos larmes. Quand nous en avons assez d’errer et que nous commençons à nous tourner vers Lui, tout en continuant d’affirmer que nous ne Le cherchons pas, c’est alors qu’Il nous attend dans son tendre amour.

Quels évènements m’ont amené à me tourner peu à peu vers Dieu ? Quels souvenirs sont comme des bornes sur le chemin qui m’a conduit à l’Église et à l’Ordre dominicain ?

 

Jeunesse peu religieuse            

 

Mes plus anciens souvenirs de jeunesse sont inséparables de ma grand-mère qui était une pieuse catholique. À ma naissance, elle m’avait fait cadeau d’une médaille que je n’ai jamais portée. De temps à autre, je regardais ce cadeau étrange et nullement pratique. Lorsqu’elle m’invitait à manger chez elle, je pouvais observer son visage si calme pendant la prière des repas. Pourquoi levait-elle alors ses yeux si expressifs et si doux vers en haut ? Je m’intéressais aux nombreux tableaux et objets religieux de sa maison ; mon père avait été dessinateur d’art religieux. J’aimais surtout un reliquaire avec une particule de la sainte Croix.

Vraisemblablement, l’existence réelle de Dieu n’avait encore aucun sens pour moi. Mais dans les châteaux de mes rêves il y avait toujours une chapelle où je me voyais à genoux devant l’autel, dans un sentiment de paix selon l’esprit de Celui dont je ne connaissais pas encore la voix.

À huit ou neuf ans, j’entendis les histoires les plus connues de l’Ancien et du Nouveau Testament, et je suivis à l’école un cours sur la Bible. Je participais de même à certaines manifestations religieuses pour les enfants. La rencontre avec la Bible n’a pas été un évènement pour moi.

Plus tard, je me rendis compte que mon bagage religieux était très léger. Allais-je croire en Jésus, comme ce peuple prétend le faire ! Alors, je ne pourrais plus parler de lui sans respect ou ne penser à lui qu’à Noël ou le dimanche.

Vers ce temps-là, je vis un film où un chœur d’enfants chantait. Un je ne sais quoi m’attirait ; comme ce serait beau de pouvoir chanter dans une église ! On ne me permit pas de devenir petit chanteur, mais lorsqu’un chœur d’enfant d’Amsterdam dut être renforcé pour chanter la Passion selon saint Matthieu de Bach, j’y fus admis. La musique élevait mon âme vers Dieu, mais pourquoi fallait-il que cette exaltation tombât si tôt ? Dans mon esprit, le célèbre chef d’orchestre Mengelbert était plus que le Christ que je connaissais trop peu.

Vraiment j’avais la nostalgie de Dieu. Je pris en cachette une Bible pour y apprendre le Notre Père par cœur. Je craignais d’être surpris avec ce livre, pourtant j’aurais dû être certain que personne ne me l’aurait reproché. J’appris plus tard le Je vous salue. Comme j’avais découvert par moi-même ces deux prières, elles devinrent ma propriété et une sorte de relation privée avec Dieu.

Comme étudiant, je devais prendre part aux cours de religion d’un professeur libéral. J’y trouvais de l’intérêt, mais non pas de l’enthousiasme. Mes souvenirs sont aujourd’hui trop estompés pour que je prenne une position de critique. Je ne peux pourtant pas m’empêcher de penser que, malgré toute sa largeur d’esprit, le protestantisme libéral reste très ignorant, non seulement des vérités fondamentales du christianisme, mais aussi de l’essence de la religion et de la relation de l’homme à Dieu. Les circonstances ont fait que ma génération est entachée d’indifférence et de négation religieuse ; l’enseignement que j’ai reçu ne m’a pas mené beaucoup plus loin.

Les conversations avec mon professeur de piano ont été plus fructueuses. Il était converti et sans doute plein de zèle apostolique, mais jamais il n’aborda de lui-même le problème religieux. Dans tous les domaines, ses idées reposaient sur un fondement solide, sur les principes de l’Église. Il me fit voir dans l’Église une source d’idées saines et une excellente structure sociale.

 

La messe            

 

Est-ce lui qui m’a invité à participer à la messe, ou une amie catholique que j’appréciais à cause de l’assurance et de la joie qu’elle trouvait dans sa religion ? Je ne m’en souviens plus exactement. Suis-je allé seul ou avec un autre ? Depuis j’y suis allé plus souvent. J’ai acheté un missel, une explication de la messe et je ne me suis plus senti comme un intrus dans l’église. Sans doute, c’était la musique, les cérémonies qui m’attiraient. J’allais dans différentes églises, préférant celles où l’on célébrait la messe avec plus de pompe. J’allai même une fois jusqu’à la ville voisine pour assister à un office pontifical.

Bien plus : à la messe je vis que je pouvais concilier mes prières personnelles avec les prières liturgiques. C’était une prière tout autre qu’à la maison. Non pas que j’aie cru à la présence réelle du Christ au saint Sacrement, cela dépassait mon intelligence. Pourtant je me mettais à genoux, car je voyais bien que le moment de l’élévation était le sommet de la célébration.

 

Problèmes            

 

Je devais inévitablement faire plus que de me laisser attirer par le catholicisme. Je me procurais une apologie, œuvre, si je ne me trompe, du Professeur Klug. Le livre me révéla, me donna la conviction que l’Église de Rome devait être l’Église de Dieu. Mais comment arriver à la certitude, à une preuve réelle que les prétentions de Rome étaient la vérité, que l’Église de Rome était le Corps mystique du Christ ?

Je voyais bien que dans tous les domaines nous sommes dépendants du témoignage des autres et que nous admettons, sans le moindre doute, mille choses sur leur simple autorité. L’idée protestante, que chacun est le meilleur juge dans les choses religieuses était profondément ancrée en moi. Voulais-je m’approcher de l’Église, sans avoir auparavant un gage de la vérité de ses affirmations, je craignais alors de céder uniquement à un désir idéaliste d’un monde plus ordonné, où la bonté, l’amour, la beauté seraient à leur vraie place.

Mon professeur de piano m’avait fait connaître l’Église comme gardienne de la culture. La messe m’avait montré comment l’Église sait prier. Le livre du professeur Klug me la présentait comme un système merveilleusement logique. De nombreux amis me firent voir ce qu’est le catholicisme dans la vie quotidienne. J’étais étonné de constater que la foi avait conservé chez ces hommes tant de solidité et de clarté rationnelle, aussi bien dans la vie privée que dans le cercle de la famille. Je venais à l’Église, non plus par intérêt, mais par conscience. Je fus introduit chez les Jésuites d’Amsterdam pour le catéchisme de conversion. J’avais environ vingt ans.

 

Un pas en avant, deux en arrière            

 

L’état de guerre ne favorisa pas un enseignement régulier. Après quatre, cinq mois, je cessai toute visite. C’était étonnant comme le Père avait insisté sur la nécessité de la prière pour arriver à la foi. J’étais prêt à accepter tout ce qu’il me disait, mais, pensais-je, il faut qu’il m’apporte des faits, des preuves. Ce n’était pas lui, disait-il, qui devait faire le travail à ma place, il fallait que je prie. Voilà qui ne me plaisait pas.

L’armistice en 1945 apporta bien des changements dans ma vie. Je partis dans une autre ville pour entrer à l’université. Je connus de nouveaux amis, j’eus de nouveaux centres d’intérêt qui me firent oublier les problèmes religieux auxquels je n’avais pas encore trouvé de solution. Le Père jésuite étant mort entre-temps, je n’avais pas renoué de relations en vue de ma conversion. Je cessai d’aller à l’église et même de prier à genoux le Notre Père, ce que j’avais fait chaque soir. Mon désir de trouver Dieu s’éteignit peu à peu avec la cessation de la prière. Dans mes voyages à l’étranger, il m’arrivait d’entrer dans une église artistique ; alors la beauté de la messe parlait de nouveau à mon cœur.

 

Prudence mondaine            

 

Qui ne met pas sa vie au service de Dieu ou de l’humanité semble être mû par des motifs d’orgueil afin de se libérer aussi longtemps que possible de tout devoir familial. J’avais une haute idée de l’homme que je voulais être et de la vie que je souhaitais. Les circonstances me favorisaient ; je n’avais aucune raison de ne pas jouir de la vie et de ne pas accepter ce que je désirais recevoir d’elle.

Même lorsque la route est belle et le voyage agréable, le goût d’aller plus loin s’estompe dès que l’on s’aperçoit que la fin du voyage est aussi notre propre fin. Et quel plaisir d’aller plus loin, lorsqu’on ne croit même plus à la réalité du bonheur ?

Le meilleur mode de vie me parut un état d’équilibre si parfait que ni les influences externes, ni les penchants du cœur ou de la chair ne pourraient le détruire... La folie d’une telle façon de penser ne m’apparut que lorsqu’elle se fut avérée irréalisable, qu’après m’être longtemps fourvoyé. Le plus léger froissement, le moindre évènement suffisait à détruire l’équilibre. La domination de moi-même et la puissance que je voulais obtenir furent, en fin de compte, insignifiantes ou nulles. Peu à peu je compris qu’il était impossible d’établir un équilibre avant d’avoir trouvé un point stable, indépendant de ce qui doit être lui-même mis en équilibre...

 

Lumière salutaire            

 

Une nuit, je compris avec une certitude irréfutable que je devais de nouveau vivre en relation avec Dieu, si je ne voulais pas rester dans une solitude cruelle et ne jamais trouver une assiette stable, tant que je persisterais à ne chercher un sens à ma propre existence qu’en moi-même. Cette lumière était plus une révélation que le résultat de mes réflexions. Pour ne pas oublier avec quelle force cette vérité m’avait atteint, je pris, en un clin d’œil, une résolution que je mis par écrit dans une lettre à un ami qui m’avait toujours pressé de ne pas vivre sans religion.

Par bonheur j’écrivis cette lettre ; car j’étais alors lié, bien que j’aie passé des mois sans rien faire pour Dieu. Je n’ignorais pas ce que je devais faire, car je savais le lieu où je devais rencontrer Dieu : l’Église.

Un autre ami m’avait exhorté plusieurs fois à ne pas laisser la religion de côté ; quoique protestant, il allait chaque dimanche à l’office. Il me disait qu’on devrait au moins consacrer une heure à Dieu, car n’a-t-on pas beaucoup de temps pour ses amis, pour la société ? Son sens du devoir, sa piété m’en imposèrent. Je trouvais là une mentalité autre que celle de l’attente de l’inspiration sans aucune préoccupation personnelle de Dieu. Je vis que je devais imiter l’exemple de mon ami. Je devais aller régulièrement à la messe, si je voulais que Dieu me prenne au sérieux.

 

Nouvelle patrie            

 

Bien que j’aie vécu alors à l’étranger et qu’il m’aurait été impossible de vivre à ma guise, sans crainte d’être montré du doigt, j’étais tout d’abord importuné d’aller de nouveau à l’église. J’étais de nouveau le gamin qui ne voulait pas être découvert alors qu’il apprenait le Notre Père ! L’église que je fréquentais n’était pas très attirante ; les cérémonies, le chant, la prédication n’avaient rien de soigné, mais la messe me parlait comme il y avait neuf ans. Et comme je désirais pouvoir aller à la table sainte et croire que je recevrais le Christ !

Chaque fois que la miette de bonne volonté voulait correspondre à la grâce et que je voulais aller à la rencontre de Dieu, il me semblait que mon être tout entier s’y opposait. Il me fallut trois mois et une bonne dose de renoncement avant de reprendre contact avec les Pères jésuites. Par bonheur, ils avaient une maison dans la ville où le Ministère hollandais à l’étranger m’avait confié un poste. Je bénis l’heure que j’avais tellement redoutée et qui fut si agréable ! Je repris peu après les cours de religion. C’était comme si je voyageais dans un pays qui m’était connu par des récits de voyage. Je retrouvais avec plaisir des choses que je connaissais par mes lectures et je vis qu’elles n’étaient pas seulement un monde de spéculation, mais aussi un monde bien réel. Je priais pour recevoir la foi et je découvris que Dieu exauçait mes prières avant que je ne les aie formulées.

J’étais tout à fait convaincu que je deviendrais catholique et que j’entrerais dans l’Église. Pourtant le dernier pas et le choix de la date ne furent pas chose facile. J’avais pu éprouver deux fois la solidité de mes convictions : tout d’abord à l’occasion de la correspondance avec un ami non-pratiquant ; loin d’éveiller des doutes cela ne fit que fortifier ma foi. L’autre occasion me fut donnée lors d’une conversation sur un navire de guerre hollandais ; après la discussion des problèmes religieux, on me posa la question : « Allez-vous entrer au couvent que nous voyons là-bas en face ? » L’idée d’entrer dans un Ordre ne m’était jamais venue. Une année plus tard, je quittais mon poste au ministère hollandais et je prenais l’habit dominicain au couvent dont il avait été question.

La réponse à la question : « Comment suis-je devenu catholique ? », c’est que je pris la décision de me faire baptiser. Mon récit serait donc terminé. J’ai trouvé cependant qu’il y a encore beaucoup de choses liées à ce fait. Pendant un certain temps, je pensais que le baptême allait sceller ma paix avec Dieu : je reconnaîtrai fidèlement Dieu comme mon Créateur et Seigneur et il me comblerait de sa grâce, de sa miséricorde, je ferais tout pour être un bon ouvrier et il me récompenserait par une vie pleine et pacifiée. Je pensais que les sacrements allaient fortifier ma soumission à Dieu. Ma foi en l’Église était ferme, mais je ne savais pas encore ce que signifiait être incorporé au Corps mystique du Christ. Je croyais aux sacrements, sans pourtant savoir dans quelle mesure et de quelle manière ils nous transmettent la vie de la grâce et transforment notre âme. Je croyais en Dieu, mais je ne m’attendais pas à ce qu’il fasse irruption dans ma vie et prenne réellement la place que je lui avais réservée.

J’étais remué dans mes profondeurs de recevoir bientôt le baptême 1 et j’avais décidé d’aller chaque jour à la messe pour remercier Dieu. Je sentais la nécessité d’une aide spéciale pour le jour de ma conversion.

L’église la plus proche de ma maison était donc l’église des Dominicains et je pouvais y assister à la messe à l’heure qui me convenait. Je n’oublierai jamais le premier matin où j’entrai dans l’église conventuelle : j’étais le seul laïc, les moines chantaient les psaumes dans le chœur et la messe était célébrée à tous les autels. Je me voyais comme un étranger, un intrus et je pensais aux catéchumènes de l’Église primitive exclus du sacrifice proprement dit. Cela m’apprit à rester modeste, et, après la messe, j’étais heureux.

Je compris qu’une fois entré dans l’Église je ne pourrais pas renoncer facilement à mes visites au couvent. Mes jours étaient pleins de bonheur et d’attente. De plus, je considérais que c’eût été avarice de ma part que de négliger ma reconnaissance envers Dieu alors qu’il devenait toujours plus généreux à mon égard.

 

L’Église vue du dedans            

 

Le baptême me donna l’impression d’un immense allégement. Les non-catholiques peuvent difficilement croire que l’efficacité des sacrements soit autre chose que de l’autosuggestion. Pour eux, ma conversion n’est qu’un fait psychologique. Il ne vaut pas la peine de les contredire ! Dernièrement, une amie m’écrivait qu’elle avait fait une expérience intéressante lors de la visite d’une cathédrale catholique. « C’était comme si un rayon d’amour, de paix, m’avait entourée de sa lumière. » Elle ajoutait : « Même s’il ne reste qu’un souvenir de cette expérience, c’est là encore une bénédiction agissant comme un baume sur les plaies du cœur. »

Notre cœur toujours si inquiet trouve la paix dans l’eucharistie. Les blessures sont guéries et l’âme est baignée d’une pure lumière d’amour.

Le sacrement de pénitence lui-même, si pénible que puisse être la confession, laisse en nous une paix extraordinaire. Non pas que ce sacrement soit, comme le pensent à tort certains, une sorte d’ardoise où les péchés sont effacés et sur laquelle nous recommençons à écrire les mêmes péchés. Au contraire, notre âme est fortifiée par ce sacrement afin d’être libre, afin de vivre en beauté et d’avoir la vie en abondance. Notre nature déchue, hélas ! ne nous ramène que trop vite au péché. Mais n’a-t-on pas, précisément après la confession, le sentiment qu’on ne pourrait plus offenser Dieu ?

Je sus peu après mon entrée dans l’Église que je devais être religieux. J’avais assisté chaque jour à la messe et reçu autant que possible la sainte communion. Il m’allait pourtant falloir entrer dans un tout autre genre de vie et ce ne serait pas facile. Mais Dieu ne nous laisse jamais dans les difficultés sans nous donner les moyens de nous en rendre maîtres. Huit mois après mon baptême, j’étais admis dans l’Ordre de saint Dominique.

Ce n’est qu’après avoir trouvé le chemin de l’Église qu’on se rend compte de l’efficacité merveilleuse de la grâce. Alors que l’âme se croyait seule à se débattre pour arriver à la lumière, une aide divine était là.

 

Ave Maria            

 

Le protestant moyen connaît très peu le culte catholique ; il sait pourtant que nous vénérons Marie. Et c’est là, souvent, l’unique raison qui le retient de passer à l’Église catholique. Le culte de la Mère de Dieu fut une des premières choses que je sus des catholiques. J’étais aussi d’avis que Dieu seul a droit à tout honneur et toute gloire. Dans le malheur, je priais pourtant le « Je vous salue » que j’avais appris en même temps que le Notre Père. Je connaissais peu de choses de la Vierge Marie ; je savais que Noël était impensable sans elle, que des cathédrales célèbres portent son nom et que des tableaux fameux lui doivent leur renommée. Elle a dû voir, même lorsque mes pensées étaient très loin d’elle, que mon âme appelait la Mère que le Christ nous a donnée à tous.

Les incroyants trouveront mon récit sot et peu convaincant, une banalité. Il en est de la religion comme de l’amour : qui ne l’a pas éprouvé ne sait pas l’apprécier. Un cœur d’homme qui n’a jamais ressenti le désir de Dieu tient le récit d’un croyant pour du verbiage. À ceux qui ont perçu la même inquiétude religieuse que moi, je donnerai ce simple conseil, résumé de tout mon récit : priez chaque jour le Notre Père et le Je vous salue Marie. La grâce de Dieu ne sera pas sans effet, s’ils l’appellent du fond du cœur. J’aimerais enfin faire remarquer aux catholiques qu’ils ne peuvent pas savoir si quelqu’un à la recherche de la vérité s’est rapproché de l’Église grâce à eux, ou si au contraire il s’en est éloigné à cause d’eux. Celui qui recherche la vérité est en général le critique le plus tranchant. Ignorance et manque de zèle de la part des catholiques et surtout de la part du prêtre peuvent l’éloigner de l’Église pour toujours. L’exemple discret des catholiques peut influencer ceux du dehors incomparablement plus que les raisons les plus éclairantes. Je n’ai pas encore répondu à la question : « Pourquoi suis-je devenu catholique ? » Voici ma réponse : parce que j’ai trouvé que je pouvais croire et que je croyais réellement ce que l’Église enseigne et parce que j’ai fait cette découverte splendide : il y a une Vérité et elle s’est révélée à nous dans le Verbe de Dieu fait chair.

 

 

 

Frédéric FERMIN, dans Les pourchassés de la grâce,

témoignages de convertis de nos jours,

rassemblés et présentés par Bruno Schafer,

Apostolat de la presse, 1962.

 

 

 

 

 



1 Si l’église catholique baptise sous condition le converti qui vient d’une autre confession chrétienne, c’est seulement dans le cas où le baptême aurait été invalide par manque de forme ou d’intention.

 

 

 

 

 

 

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