Lettre ouverte à Monsieur X...
par
GÉORGOS
Vous m’avez demandé, Monsieur, de bien vouloir vous dire ce que vous deviez faire pour devenir Rose Croix.
Croyez bien que je ne me reconnais aucune qualité pour vous donner un enseignement sur un sujet aussi profond. Ce que je puis faire, ce que je dois faire par conséquent, c’est de vous dire le peu que je crois savoir ; la vérité, Monsieur, c’est Dieu. N’attendez donc pas qu’un humain vous fasse « devenir vérité ».
Tout d’abord, je crains de voir en votre question un espoir qui va être déçu. Vous vous attendez à lire une réponse qui contiendra à peu près ceci. « Vous voulez être Rose Croix, Monsieur, rien n’est plus simple : Veuillez envoyer votre cotisation à Monsieur Un Tel, secrétaire de telle société, avec le nom de deux parrains et vous aurez le droit d’assister à toutes les réunions ; là, vous trouverez des initiés qui vous initieront à votre tour. »
Non, Monsieur les R.+C. ne sont pas une société, bien qu’il y ait des sociétés qui aient pris ce titre.
Les R.+C. ne se connaissent pas tous entre eux sur terre et beaucoup sont de l’Ordre sans le savoir – ils sont une Race – mieux qu’une Race – il est difficile d’exprimer ces choses avec nos mots humains : ils sont l’ensemble de tous les êtres qui ont entrepris de lutter fermement pour le Règne de l’Esprit ; à quelque Religion, à quelque race terrestre qu’ils appartiennent, ils se crucifient pour que la fleur s’épanouisse.
Tracez devant vous leur symbole et tâchez de pénétrer la signification d’une rose qui s’ouvre au centre d’une croix. Cherchez une correspondance ; la Croix se compose de quatre branches, rapprochez ce nombre d’autres nombres quatre : il y a quatre éléments ; il y a aussi quatre règnes : minéral, végétal, animal, spirituel. – Mais où placez-vous l’homme ? – Il y a des hommes-esprits et des hommes-animaux, de même qu’il y a des plantes qui ont des caractères du règne animal ; le minéral passe successivement par les quatre règnes jusqu’à l’Esprit, avec l’aide des éléments, mais il n’y a pas de marche d’escalier, c’est une pente douce.
Ces quatre branches partent d’où ? D’UN point n’est-ce pas ? C’est un sacrifice pour cet UN de devenir quatre... sacrifice et joie...
Qu’est-ce que la rose ? La fleur du rosier, c’est-à-dire l’épanouissement de sa Vie. Le rosier, lui, est une plante, il a donc des racines (1) qui vivent dans la terre, des branches et des feuilles (3) qui vivent dans l’air et une tige (2), qui relie la racine aux branches. – Mais n’y a-t-il pas une quatrième chose qui circule également dans les trois ? – Oui, il y a la sève (4).
Pour que les roses soient belles, il faut que la sève circule dans les trois parties du rosier, sans rupture d’harmonie. Songez à ce qui adviendrait si la sève, au lieu de circuler, se concentrait dans la racine : la plante mourrait.
Eh bien ! Monsieur, puisque le plan de la Création est UN, ne croyez-vous pas que l’homme soit comme une plante 1, qu’il y ait entre eux une correspondance ? L’homme est triple : corps, âme, esprit 2 ; il vit dans trois milieux, le corps (1) est dans la terre, l’Esprit (3) dans le ciel, l’âme (2) les relie, mais la Vie (4) circule clans les trois. Par la chute, l’homme concentre sa vie dans la racine, les uns dans la chair, les autres dans le mental, la plante va mourir s’il n’y a rédemption. Que faire ? – Monsieur, ceci est extrêmement simple, mais extrêmement pénible à réaliser et la réalisation est tout.
Il faut vivre le Sermon sur la Montagne.
Prenez l’Évangile : Matthieu V, VI, VII, il faut que vous l’ayez présent à l’esprit à chaque minute de votre vie ; vous ne pouvez vivre avec votre livre ouvert à la main, il faut donc avoir en vous ce qu’il contient, que vous vous l’assimiliez. Mais je vous le répète, comprendre n’est rien : c’est de l’intellect. Notre Maître nous l’a dit : « réaliser est tout », cela c’est de la vie, c’est « devenir la vérité ». Voyez surtout les paragraphes VII, 24 à 29, et prenez-les à la lettre.
Donnez à votre ennemi le baiser de Paix et mettez la main à l’ouvrage ; coupez, taillez, brûlez, ne gardez que la branche qui donnera la Rose et pour cela : mettez-vous en Croix.
Mais dans tout cela, me dites-vous, que devient mon initiation, je veux bien me donner du mal, mais je veux savoir ? – Oh ! alors, monsieur, ne commencez pas : vous n’avez pas encore assez souffert, attendez. La souffrance est la charrue qui ameublit et aère notre terrain, opération sans laquelle la graine ne peut germer ; en germant elle meurt à elle-même, sa personnalité disparaît.
Si vous voulez travailler pour vous, arrêtez-vous et ne faites rien : « Qui veut sauver son âme la perdra. »
Travaillez en serviteur inutile ; le jour où il sera nécessaire, pour le travail qui vous est dévolu, que vous sachiez une chose, Dieu vous en donnera connaissance si vous en êtes digne – et cela directement, d’Esprit à esprit, sans qu’il vous soit nécessaire de lire des traités ou d’assister à des conférences.
Vivez l’Évangile à la place qui vous est assignée dans le monde, la « langue de Feu » ne vous viendra pas des hommes. – Le jour où vous serez digne et où cela sera utile, vous aurez votre Pentecôte –c’est la grâce que je vous souhaite, monsieur, je prierai pour vous et vous demande de ne pas m’oublier dans vos promenades sur la montagne.
Vous m’avez demandé de vous indiquer une Prière ; en voici une : « PÈRE ! votre FILS bien-aimé vous a enseigné que tout ce que nous Vous demandions en Son Nom, Vous nous l’accordiez. C’est en Son Nom que nous Vous supplions de nous aider à acquérir la pureté, l’amour et l’humilité, afin que nous soyons dignes de Servir, et de nous donner la Sagesse, afin que nous en soyons capables. »
Mais dites surtout le Pater : il nous vient de LUI.
GÉORGOS.
Paru dans Psyché, revue du spiritualisme intégral
en octobre 1922.