L’instruction religieuse des tout-petits

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Marie GIRARD

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

I

 

AVANT LEUR ENTRÉE À L’ÉCOLE

 

Il y a bien peu d’années, un article comme celui-ci eut été, pour ainsi dire, inutile. Rappeler que la première instruction religieuse appartient à la mère, qu’elle doit la faire, que personne d’autre ne peut la remplacer, toutes nos familles en étaient convaincues et la pratique suivait la conviction. Hélas ! pour plusieurs et à tous les degrés de l’échelle sociale, cette manière de voir est devenue surannée. Les raisons invoquées le plus souvent pour se dispenser de cette grave obligation sont fallacieuses.

« Je suis incapable, disent quelques mères, d’enseigner quoi que ce soit. Mon enfant apprendra tout cela à l’école. »

« Je ne veux pas lui donner l’idée du mal », ajoutent les autres.

« Il saura bien assez vite qu’il y a un enfer », soupire un troisième groupe !

« Je veux respecter la personnalité de mon enfant », proclament les dernières, d’un ton doctoral.

Un mot pour répondre à chacune de ces graves objections.

Vous vous dites incapables d’être la première institutrice de votre enfant ! Vous oubliez donc la tendre ingéniosité avec laquelle vous lui avez enseigné comment marcher, comment manger, comment se vêtir, comment parler, toutes choses aussi difficiles que de lui apprendre le nom de Jésus, le signe de la croix, les prières et la vie de Notre-Seigneur. Croyez-moi, si vous êtes mères, vous pouvez donner la première instruction religieuse. Et Dieu, pour cette tâche, dispense une grâce d’état spéciale, les lumières nécessaires et le talent, même si vous étiez décidément dépourvues de toute aptitude pédagogique.

Vous craignez de faire naître, dans l’esprit de votre enfant, la notion du bien et du mal ? Votre scrupule vient de l’ignorance psychologique. L’enfant, laissé dans la plus complète ignorance religieuse, découvre très tôt et de lui-même l’existence du bien et du mal. Cette notion, chez l’homme, est l’instinct qui défend l’intelligence, comme l’instinct de conservation défend la vie physique. L’instruction religieuse ne fait pas connaître le mal. Au contraire, elle donne des précisions, calme des scrupules et satisfait le besoin de vérité, si grand chez les petits.

À celles qui ne veulent pas faire connaître Dieu à leur tout-petit, pour ne pas leur révéler l’existence de l’enfer, nous répondons : Il n’est pas nécessaire de leur parler d’abord de l’enfer. Il vaut beaucoup mieux charmer leur esprit avec les sereines vérités d’un Dieu bon, d’un beau ciel, demeure des anges, des saints et des bons petits enfants. Votre objection tombe d’elle-même.

Pour ce qui est de porter atteinte à la personnalité de votre cher enfant, la crainte est vaine. Développer une personnalité, c’est former le caractère. Et soyez assurées que l’instruction religieuse est un frein puissant pour dompter les caprices de l’enfant. Nierez-vous que, parmi les personnalités admirées de tous les siècles, se trouvent les noms de plusieurs grands saints canonisés par l’Église ?

Nous pouvons donc l’affirmer de nouveau : il n’y a aucune excuse pour une mère chrétienne de remettre à plus tard le première instruction religieuse de son enfant.

Quant à l’importance de cette première formation, elle est capitale. Si la mère refuse ou néglige de remplir ce devoir, personne ne pourra réparer le dommage causé par sa mauvaise volonté ou sa négligence. Plus tard, il sera trop tard ! Tous les psychologues et tous les éducateurs s’accordent à reconnaître que la première éducation est finie à cinq ans. Ils affirment encore que cette première éducation laisse une empreinte indélébile et exerce son influence sur l’existence entière. Si cette première éducation a été imprégnée de purs sentiments religieux, quelle bénédiction pour toute la vie ! Si, au contraire, elle a été simplement humaine, le dommage est irréparable !

Hâtons-nous de redire, pour réconforter les craintives, que Dieu n’impose jamais un devoir sans avoir, au préalable, dispensé les grâces et ménagé les récompenses surabondantes. Dans la plupart de nos familles, la tradition religieuse, transmise de la mère à la fille, facilite grandement la tâche maternelle. Depuis une vingtaine d’années, l’on a publié quantité d’excellents ouvrages de pédagogie enfantine, riches de précieux conseils. Nous supposons que ces deux points d’appui, tradition familiale et bibliothèque, manquent à quelques-unes de nos lectrices et nous nous permettons de leur exposer ces quelques notions.

Quand commencerons-nous la formation religieuse de bébé ? Avant même sa naissance. Nous l’offrirons à Dieu et nous prendrons la ferme résolution d’en faire un chrétien. Nous aurons soin également de préparer l’ambiance religieuse de sa chambre, ce nid dont l’amour maternel voudrait faire un paradis. Nous disposerons à la place d’honneur un crucifix, de manière à le voir en entrant, pour nous rappeler toujours que notre enfant est un dépôt, confié à nos soins diligents par le Christ lui-même. Nous aurons aussi une belle image de la Sainte-Vierge. La vue de ces emblèmes éveillera à notre insu les premiers sentiments de piété.

Nous nous efforcerons de procurer à notre enfant le bienfait du baptême le plus tôt possible. À cette occasion, nous aurons à lutter pour la première fois contre l’orgueil maternel ; nous renoncerons généreusement à la belle fête projetée, qui exigerait deux ou trois semaines d’attente. Nous limiterons nos invitations et nous rapprocherons le moment du baptême, pour que notre enfant soit à Dieu les tout premiers jours de sa vie. Dès lors, nous prendrons l’habitude, matin et soir, du signe de la croix tracé avec la menotte de bébé. Nous ajouterons la formule : « Mon Dieu, je vous donne mon cœur. Bénissez-moi. » Nous dirons les paroles à haute voix : elles se fixeront dans la mémoire inconsciente de l’enfant, et, lorsqu’il commencera à parler, nous serons surprises de constater que cette prière s’est imprimée dans son intelligence et qu’il en répète plusieurs mots.

À l’âge de trois ans, l’enfant écoute une histoire avec plaisir. C’est le moment de lui parler de Dieu, de lui rappeler en toute occasion que le Bon Dieu a fait tout ce qui est bon dans sa vie. Puis, en comparant le ciel à tout ce qu’il connaît et qu’il admire le plus, de le lui faire aimer et considérer comme le lieu de toutes joies. Gardons-nous soigneusement d’employer le vocabulaire des manuels de catéchisme. Choisissons toujours les mots que l’enfant comprend. Par exemple, il ne faudrait pas lui dire : Dieu est parfait ; sa demeure éternelle, c’est le ciel. Autant de mots, autant d’énigmes. Nous pourrions lui faire saisir les mêmes idées par une série de comparaisons : le bon Dieu est bien beau, toutes ses actions sont bonnes ; Il n’est ni gourmand, ni querelleur, ni paresseux ; Il n’a aucun des défauts reprochés à bébé. Toutes les choses qu’il a faites et que bébé trouve si belles, sont bonnes : le ciel bleu, les fleurs, le soleil, sa maman, son papa, ses aliments préférés. C’est parce que le bon Dieu aime beaucoup, beaucoup bébé qu’Il lui donne tout cela. Pour décrire le ciel, on dira que c’est la maison du bon Dieu ; on la peindra de couleurs vives, on la parera de tous les objets aimés de l’enfant. À cette connaissance du bon Dieu et du ciel, nous ajouterons celle de l’Enfant-Jésus. Il faudra en parler très souvent, toujours avec amour. Une grave erreur à éviter avec soin, c’est de transformer l’image de Jésus en celle d’un juge sévère, qui se fâche et qui gronde. Pour le petit, Jésus doit demeurer un ami, meilleur que sa maman elle-même, un ami qui aime toujours bébé, qui peut avoir de la peine, mais qui ne peut se courroucer. Et puis on se gardera de « faire pleurer le petit Jésus » à propos de toutes les imperfections. Cette formule qui soulage les nerfs ne produira bientôt aucun effet et elle tendra à déformer l’image laissant croire à l’enfant que Jésus est comme sa petite sœur, qui pleure à tout instant et lui enlève ses jouets. Encourageons-le plutôt à imiter l’obéissance, la sagesse de l’Enfant-Jésus. « À trois ans » ! me direz-vous. Mais, oui, à trois ans, et vous aurez du succès.

Depuis l’âge de quatre ans jusqu’à son entrée à l’école, nous enseignerons à notre enfant l’histoire de Notre-Seigneur et quelques prières. Cette histoire, nous devrons la lui raconter bien souvent. Les premières fois, nous condenserons le récit en peu de phrases. (L’idéal serait d’avoir un livre d’images.) Les autres fois, nous enjoliverons le même récit de nouveaux détails. L’histoire de l’Enfant-Jésus, nous le constaterons par nous-mêmes, sera l’occasion de donner à l’enfant une foule de connaissances générales. Nous insistons encore : évitons, en causant avec lui, de nous servir de mots inconnus de l’enfant, si nous ne pouvons les lui expliquer immédiatement par d’autres qu’il saisit parfaitement.

Au sujet des prières, c’est une bonne méthode de ne lui faire répéter que quelques mots à la fois, en les lui expliquant. Pour apprendre de la sorte et sans fatigue le Pater, l’Ave Maria, les actes de Foi, d’Espérance et de Charité, il faut une année d’étude, moyennant cinq minutes par jour. Il y aurait encore beaucoup à dire. Nous devons cependant nous borner à ces suggestions les plus importantes.

Quels seront les résultats obtenus, lorsque notre enfant nous quittera pour entrer à l’école ? Il aura déjà acquis une formation religieuse aussi complète qu’on peut la désirer pour son âge. Nous aurons nourri son intelligence de vérités qui, en l’ouvrant à la lumière de la raison, l’auront en même temps élevée et préservée du mal, et, dans bien des cas, de la vulgarité. Nous aurons aiguillé sa volonté vers la voie droite. Nous aurons rempli son cœur d’un amour enthousiaste pour les saintes affections. Nous aurons charmé son imagination en y faisant naître des rêves infinis.

Si, en grandissant, notre enfant devait s’éloigner de la religion de sa petite enfance, les souvenirs qui y resteront attachés, les grâces que notre pitié lui auront values, le ramèneront sûrement un jour à redire de nouveau les prières que nous lui aurons apprises avec tant d’amour et de patience. Et si, ce que je souhaite ardemment à chacune des mères, vos petits restent fidèles à leurs devoirs religieux, vous aurez toujours une large part dans tous leurs mérites et dans toutes leurs bonnes œuvres, puisque votre première instruction religieuse en sera la cause. Voilà une des récompenses les plus douces réservées à votre zèle de mère chrétienne.

 

 

II

 

DURANT LES ANNÉES SCOLAIRES

 

La maman ne renonce pas à sa tâche d’institutrice en quittant son enfant à la porte de l’école. Elle la partage désormais avec les maîtres. Elle ne saurait se désintéresser de ce qui se passe en classe. Vous me direz : « Pour moi, il n’y a rien à faire. Mon enfant reçoit à l’école un enseignement religieux complet ; ses devoirs religieux, il les remplit à l’école : prière du matin, chapelet, confession, communion générale du premier vendredi et, le dimanche, messe des enfants. Je n’ai plus à m’occuper de sa formation religieuse. » Erreur trop répandue, qui fait la génération des indifférents. C’est, au contraire, le temps de vous préoccuper de la formation religieuse de votre enfant. Ne l’oubliez pas, les maîtres sont accablés le plus souvent par le nombre des élèves, ils ne peuvent accorder à chacun qu’une surveillance et une attention minimes. Il vous appartient de suppléer à leur impuissance. Comment cela ?

D’abord chaque soir, vous vous chargerez vous-même de faire réciter la leçon de catéchisme. Ce sera l’occasion de questionner l’enfant, et, s’il n’a pas saisi une explication, de la lui donner de nouveau dans votre vocabulaire maternel, ingénieux et familier. Vous ajouterez, chaque fois que la leçon du jour la suggérera, une pieuse exhortation, dite en quelques mots et sans mièvrerie. En constatant l’importance attachée au catéchisme, l’enfant en concevra un grand respect, et son ardeur pour l’étude de la religion doublera.

À propos de l’enseignement religieux, catéchisme et histoire sainte, je ne puis passer sous silence une grave erreur commise par plusieurs parents. Quelquefois, certains d’entre eux n’admettent pas toutes les vérités enseignées à l’école. Ils discutent en badinant, ou même âprement, au nom de la science et des découvertes modernes, la toute-puissance du Dieu créateur et les relations de l’histoire sainte. Si les parents ne discutaient de la sorte qu’en l’absence des enfants, le mal ne serait pas aussi profond. Malheureusement, ils le font, presque toujours, devant les petits. Ils espèrent capter ainsi leur confiance, les prémunir contre des croyances jugées puériles. Hélas ! le résultat est tout autre. À l’école, le maître affirme que les gens très instruits en matière religieuse croient sans hésitation ces mêmes vérités que les parents nient ou dont ils se moquent. L’admiration sans borne de l’enfant pour ses parents reçoit une sérieuse atteinte. Seraient-ils des ignorants ?... Ou bien, le maître enseigne-t-il l’erreur ? et pour quelle raison ?... Qui croire à l’avenir ? Puisque les grandes personnes se trompent sur la religion, ne peuvent-elles pas se tromper également sur les autres matières, histoire, science, morale, etc. ? Vous voyez les conséquences désastreuses qu’un pareil doute produit dans l’esprit d’un adolescent. Il deviendra sceptique, il n’admettra, dans l’enseignement reçu, que les vérités qui auront l’heur de lui plaire, et la contradiction du foyer et de l’école en fera un être indifférent, aigri, fantasque et peut-être amoral. Au nom des intérêts même temporels de l’enfant, évitons de contredire l’enseignement religieux de l’école.

Il peut arriver quelquefois que le maître se trompe réellement : qu’une explication soit fausse, une leçon morale mal présentée. Les parents laisseront-ils l’enfant dans l’erreur, pour ne pas le contredire ? À Dieu ne plaise ! Il faut rétablir la vérité à tout prix. Que feront-ils ? À l’enfant ils diront : « Tu étais distrait, tu n’as pas bien compris, ton maître s’est mal exprimé, les mots dépassent sa pensée. » À l’insu de l’enfant, ils iront trouver, sans tarder, le principal ou la directrice de l’école, pour les mettre au courant de la situation et obtenir que le maître rectifie son enseignement sans perdre de son autorité.

La leçon de catéchisme bien apprise et bien comprise n’est pas toute la vie religieuse de nos enfants, pas plus que le sermon bien écouté n’est pour nous la vie chrétienne. Il y a la pratique, c’est l’épreuve de la science. Durant l’année scolaire, les principaux devoirs religieux s’accomplissent à l’école, ou par l’école. Cependant nous devons nous inquiéter de la manière dont ils sont faits, tâcher de savoir si les actes de piété chez nos enfants ne sont que routine ou s’ils résultent de la conviction. La conviction, voilà la garantie de l’avenir ; la routine, le pire ennemi de la formation religieuse.

Le thermomètre qui nous permet de nous renseigner se trouve dans la conduite religieuse de l’enfant. Est-il soucieux de bien dire ses prières, de ne pas les oublier, fait-il des efforts pour être recueilli ? Après ses confessions, remarquez-vous une application, au moins momentanée, pour se corriger de ses défauts ? Va-t-il communier avec l’insouciance qu’il met à écrire un devoir long et ennuyeux, ou bien cherche-t-il à se bien préparer et à occuper saintement quelques minutes d’action de grâces ? Ce sont là autant d’indices très sûrs pour reconnaître la routine et l’indifférence.

Si le mal existe, il faut le combattre tout de suite. Non avec des reproches : ils donnent rarement des résultats efficaces en pareille matière. Si l’enfant n’est pas pieux, c’est que les choses de la piété ne l’intéressent pas. Et pourquoi ? Très souvent, parce que nous ne savons pas les rendre intéressantes. Apprenons-nous à nos enfants à prier ? Savons-nous leur rappeler la présence de Dieu, quand il s’agit d’exiger d’eux un travail pénible ? Faisons-nous appel à leur confiance en l’ineffable Providence, à propos d’un chagrin, d’une maladie, de l’issue problématique d’un examen ? Ces moyens réveillent la foi, produisent des actes de vraie piété, inspirent des prières qui viennent du cœur.

S’il faut préserver l’enfant de la lassitude qu’entraînent de trop longues cérémonies religieuses, imposons-nous le travail de lui expliquer ces cérémonies. Faisons le sacrifice de lui acheter un missel-vespéral (il y en a pour toutes les bourses et pour tous les âges dans nos librairies). Ouvrons le livre nous-mêmes, cherchons les places, expliquons la marche de l’office, attirons son attention sur la beauté des textes choisis par l’Église et relevons les leçons pratiques qui s’en dégagent. « Je n’ai pas le temps », me direz-vous ! En êtes-vous bien certaines ? Vous avez loyalement essayé, un mois de suite, et tous les dimanches ? Avouons-le, la grande difficulté vient de ce qu’il faut s’instruire soi-même et secouer son apathie. Mais les mères n’en sont pas à un sacrifice près. Et celui-là réserve une si belle récompense !

L’indifférence religieuse chez l’enfant peut encore provenir du trouble de sa conscience. Sans le questionner maladroitement, ce qui vous aliénerait sa confiance pour toujours, vous pouvez lui assurer une grande liberté pour la pratique de la sainte communion. Ne lui dites jamais : « Va communier » ou « Pourquoi ne vas-tu pas communier ? » Laissez-le libre au moment même de la communion, puis, plus tard, le lendemain, sans avoir l’air de lui reprocher la communion omise, rappelez-lui indirectement qu’un bon enfant doit toujours être en état de grâces. Donnez-lui des chances et des occasions de se confesser et au prêtre à qui il préfère s’adresser, sans paraître ennuyées d’avoir à le conduire. S’il faut pour cela déranger un programme de samedi après-midi, dérangez-le : la vie spirituelle de l’enfant est plus importante que tout autre chose. Sa paix intérieure, source d’équilibre moral et de belle humeur, compensera largement le désordre d’un programme que vous aviez organisé sans cette station à l’église.

De plus, faites tout ce que vous pourrez pour préserver l’enfant de la fréquentation de mauvais camarades. Ne le laissez pas seul longtemps : la solitude est une perfide conseillère. La gangrène du cœur amène presque infailliblement l’incrédulité. Tous les autres défauts peuvent coexister dans une âme avec l’amour de Dieu, qui en a raison petit à petit. L’impureté, au contraire, durcit le cœur, éteint la divine flamme de la charité, sans laquelle, nous dit saint Paul, nous ne sommes rien pour le ciel.

La liturgie catholique nous fournit de belles occasions de renouveler la piété de nos enfants, avec ses grandes fêtes : Noël, Pâques, la Fête-Dieu, la Toussaint, l’Immaculée-Conception. Chacune de ces solennités comporte une mystique et des grâces qui vivifient la piété. Noël nous enseigne l’humilité du cœur et le détachement nécessaire pour accomplir de grandes choses dans la vie. Pâques, c’est le triomphe de la croix. Ceux-là, seuls, qui savent se mortifier, qui savent souffrir, ceux-là, seuls, parviennent à la vraie vie, à la gloire même terrestre. La Fête-Dieu imprègne l’âme de la charité du Christ. Si nous savions donner à nos enfants la vraie charité, celle des premiers chrétiens, quels hommes, quelles femmes admirables nous en ferions ! La Toussaint provoque l’enthousiasme qui crée les héros et les saints. En contemplant leurs célestes phalanges, en relisant leurs exploits, comment ne pas redire, quand on est jeune : « Ce que ceux-là ont fait, pourquoi ne le ferai-je pas aussi ? » L’Immaculée-Conception, qui chante les privilèges de la Mère de Dieu, nous fait comprendre la grandeur du chrétien, la beauté de l’âme parée de la grâce sanctifiante. Cette fête augmente aussi la dévotion à la Sainte-Vierge, dévotion qui subsiste souvent quand toute autre a disparu, parce qu’elle est basée sur l’amour maternel.

Les grandes fêtes peuvent donc alimenter la vie religieuse. Encore faut-il les célébrer. Ces grands jours doivent être des jours religieux, des jours où l’on fera large la part donnée à Dieu. Il est bon aussi, pour en fixer l’importance dans l’esprit des enfants, que ces anniversaires soient pour eux la cause de surprises, de joies familiales, inconnues en d’autres temps. Loin de nous la pensée de condamner les arbres de Noël et les œufs de Pâques. Ayons soin, autant que possible, que nos enfants partagent leur bonheur avec des enfants pauvres, qu’ils sentent bien que l’amour du Christ leur défend de se réjouir seuls ; que pour être heureux, il faut répandre du bonheur autour de soi ; que la vraie religion ignore l’égoïsme.

Nous entretiendrons encore la foi de nos enfants par la lecture. Ici, la prudence et l’intelligence doivent être en éveil. Choisissons judicieusement les ouvrages religieux que nous mettons dans leurs mains. Bannissons sans merci, j’oserai dire, à l’égal des mauvais livres, les ouvrages mièvres, parfumés à l’eau de rose. La solide piété est forte, éclairée, pétrie de générosité, et non pas larmoyante, nébuleuse, perdue dans les rêves égoïstes. Nourrissons l’intelligence de nos enfants par la lecture des vies de Notre-Seigneur et des saints bien pensées et bien écrites, de l’histoire de l’Église, des ouvrages recommandés par l’expérience des siècles ; mais surtout nourrissons leur âme de l’Évangile. Qu’ils l’aiment de plus en plus en grandissant. Si nous obtenons que leur idéal soit d’y conformer leur vie, nous aurons fait de nos enfants de grands chrétiens. Nous parviendrons encore à ce magnifique résultat, s’ils sentent que nous vivons la religion que nous voulons leur voir pratiquer. Réchauffons donc notre piété. Si l’oubli s’est installé dans le réduit commode de notre indifférence, chassons-le, en reprenant notre petit catéchisme, en lisant l’Évangile et l’Imitation de Jésus-Christ. En un mot, redevenons chrétiennes, pour que nos enfants le demeurent. Le moment est grave, très grave. Jusqu’à présent, dans notre pays, on naissait catholique et on vivait sa foi sans effort. Il n’en est plus ainsi. La lutte se fait sentir dans tous les milieux. Les influences malsaines combattent la vérité de mille manières. Que sera la génération de demain, au point de vue de la foi catholique ? Elle sera ce que l’éducation religieuse des mères d’aujourd’hui l’aura faite.

 

 

Marie GIRARD.

 

Paru dans Les Idées en 1935.

 

 

 

 

 

 

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