Quelques considérations sur la prière
par
J. HYVER
Cette étude comporte deux parties, parce qu’il y a deux sortes de prières : 1o La prière qui est un acte d’adoration ; 2° Les prières œuvres de Magie, de Magie blanche ou de Magie noire.
La prière, acte d’adoration, est la plus belle et la plus élevée, elle est réellement la seule vraie prière. C’est un mouvement de notre être spirituel vers Dieu, l’élan de notre cœur vers le Seigneur, le Père divin. Lorsque nous prions ainsi, nous ne faisons aucune demande personnelle, nous sommes désintéressés, nous adorons Dieu, nous l’admirons, nous cherchons à le contempler avec les yeux de notre âme.
Cette prière est une grande source de bénédictions, elle est pour nous une illumination spirituelle.
Elle est quelquefois inconsciente, c’est-à-dire que celui qui prie peut être un incroyant, un athée et tout de même adorer Dieu. Il se peut que cet homme qui ne croit à rien soit ému par la splendide beauté d’un paysage ou par quelque autre admirable spectacle de la nature ; qu’il soit bouleversé par une grande et noble joie, ou une poignante douleur sous l’influence de ces sentiments supérieurs, que quelque chose en lui vibre plus haut que ses impressions ordinaires ; ce quelque chose sera une prière inconsciente, mais, toute inconsciente qu’elle soit, elle sera, pour son âme, une source précieuse de spiritualité.
Toutefois, il est préférable à tous points de vue de prier consciemment Dieu que de le prier inconsciemment ; mais il vaut encore mieux le prier inconsciemment que de marmotter des paroles vides qui n’ont pas d’écho dans le cœur. Je dis cela pour ceux qui s’imaginent que la prière, acte d’adoration, est uniquement dans les paroles, ce qui est une erreur. Les paroles n’ont de valeur que si elles correspondent à une élévation profonde de notre âme. Un moulin à prière vaut autant que des oraisons auxquelles prend part le seul mécanisme mental. Mais une déviation profonde de notre âme dans un acte d’adoration et même d’admiration dans la joie ou la douleur, avec ou sans paroles, voilà la vraie prière spirituelle qui va vers Dieu.
La prière, acte d’adoration, est toujours une force bienfaisante ; elle nous met en contact avec le plan spirituel et nous en retirons toujours un élément nouveau de spiritualité. Chez le croyant, cet élément spirituel sera plus étendu, plus complet et aussi plus élevé, car il impressionnera et illuminera toutes les facultés de son âme ; tandis que, chez le non-croyant, la prière n’illuminera qu’une partie de l’âme, celle qui a ouvert une fenêtre sur le divin. Ainsi, je suppose un croyant et un non-croyant émus par le même objet, tel un beau panorama ou un chant de rossignol par une douce nuit de printemps. L’âme du croyant admirera en Dieu la nature qui se dévoile à lui dans un de ses émouvants spectacles et sera comme ces lanternes de verre posées sur un dôme élevé et que la lumière céleste pénètre de toutes parts ; tandis que l’âme du non-croyant ne recevra qu’un rayon par une étroite ouverture.
Le croyant par son acte d’adoration attirera à lui la lumière divine dans toute son âme qui en sera comme baignée ; tandis que le non-croyant, qui n’a ouvert que la fenêtre donnant sur le rayon de l’harmonie ou de la beauté, n’aura illuminé que le sens de la beauté et de l’harmonie de son âme. C’est pourquoi la prière du croyant est réellement plus complète.
Chacun de nous doit donc s’efforcer de prier Dieu ainsi, dans un mouvement de tendresse, de reconnaissance, d’admiration, de résignation. Je dis s’efforcer, car cela ne se fait pas sur commande et à heure fixe : nous devons rechercher ces émotions qui peuvent dégager notre âme des contingences du monde inférieur pour l’élever vers Dieu. Mais nous ne devons pas insister lorsque nous ne sentons pas en nous cette force intérieure qui nous soulève.
Cet état de prière ne s’obtient pas à volonté, et, souvent, il est bref, car nous n’avons pas toujours la puissance de planer longtemps dans ces hautes régions. Il ne faut donc pas se désoler si l’on ne peut pas prier souvent ou longtemps ; cela tient à des états secondaires dépendant beaucoup du corps physique. Un élan véritable du cœur vers Dieu, voilà ce qui est nécessaire et ce que Dieu demande avant tout.
Un baiser sincère ne vaut-il pas mieux que des milliers de protestations d’amour où le cœur n’a pas de part ?
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Ce que nous venons de dire des conditions de la véritable prière nous dispense de nous étendre sur la prière magique, qui n’est qu’une combinaison de notre désir et de la parole.
Les Anciens, sauf les initiés, ne connaissaient guère la prière spirituelle ; pour eux, les Dieux étaient des entités avec lesquelles on faisait un marché pour obtenir tel bénéfice. Le contrat était la prière, la formule prononcée par le prêtre selon les rites, et si les rites avaient été bien observés, alors le dieu était lié et devait accomplir la demande. C’est JÉSUS qui a enseigné qu’il fallait prier Dieu en ESPRIT ET EN VÉRITÉ et enseigné la prière des prières, le PATER, sur laquelle je reviendrai tout à l’heure.
Jésus a dit : Demandez et vous recevrez. Certainement il faut demander, mais dans certaines conditions que je vais vous expliquer :
Une mère, je suppose, désire marier son fils avec une jeune fille ; elle pense que cette jeune fille rendra son fils heureux et lui procurera l’aisance, la fortune, la réussite. Elle est convaincue de tout cela et pense réellement que le bonheur de son fils est attaché à ce mariage. Elle prie ardemment pour que ce mariage réussisse et cependant il n’est pas dans la Destinée du jeune homme d’épouser cette jeune fille. La mère, par la force de sa prière, pourra contraindre momentanément les évènements, comme on parvient à courber un instant une branche.
Le mariage sera sur le point de se faire, mais il rompra et il en résultera beaucoup d’ennuis pour la mère et le jeune homme ; ou le mariage se fera, mais il sera dissous par un divorce et les conjoints retourneront à leurs destinées primitives.
Bien des gens s’attirent des épreuves inutiles par des prières imprudentes, ils se lient inconsidérément avec des puissances astrales qui les troublent ou qu’ils troublent ; ils contractent ainsi des dettes dans l’au-delà réellement inutiles.
Il faut donc prier en se dégageant des forces astrales inconscientes ou nuisibles. Ainsi, la mère aurait dû prier pour son fils en s’adressant directement à Dieu et en disant : « Mon Dieu, je souhaite ce mariage pour mon fils, mais je me confie à votre sagesse et vous prie de n’exaucer ma prière que si elle est conforme à votre volonté. »
Chaque fois que nous demandons quelque chose, il faut ajouter cette restriction conditionnelle. Regardez du reste le Pater qui est le modèle des prières.
Les deux premiers versets sont pour la glorification divine, le troisième pour l’accomplissement de la volonté de Dieu sur la terre et dans le monde spirituel ; le quatrième nous fait demander à Dieu notre pain de chaque jour ; le cinquième nous indique que nous serons pardonnés dans la mesure où nous aurons pardonné. Les derniers sont pour demander à Dieu de nous garder de la tentation et du mal.
Il faut donc que toute demande soit soumise à la Volonté divine, afin de ne pas troubler les Voies secrètes de la Destinée par des ingérences maladroites, car en réalité nous ne savons jamais si nos demandes sont justes lorsqu’elles ont trait aux affaires de ce Monde.
Il en est qui ont souvent recours aux esprits : ils les prient volontiers comme des anges gardiens ; je les engage à ne pas les prier, mais à leur demander aide, comme ils feraient à un bon ami de la terre. Il faut réserver la prière à Dieu seul, et même si l’on prie Jésus, il faut le faire avec l’idée qu’on s’adresse à un frère aîné qui portera ensuite notre requête à Notre Père commun. Toutes les églises chrétiennes ne confirment-elles pas leurs prières par ces paroles : « Par Jésus-Christ, notre Seigneur, qu’il en soit ainsi » ?
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Je dois sembler bien décourageant avec ces restrictions, et vous allez croire qu’il est bien difficile de prier. Cela n’est pas : J’ai voulu seulement mettre en garde contre la prière intéressée et formulée qui peut créer un lien ou une gêne ; je veux, au contraire, vous montrer comment on doit prier pour soi et pour les autres sans danger physique, moral et spirituel.
Dieu nous ayant permis de demander le pain quotidien, nous pouvons donc le prier lorsque nous sommes en lutte avec les difficultés de la vie matérielle ; mais il faut le faire d’une manière générale, sans formuler une demande précise.
Ainsi ne dites pas : « Seigneur, faites-moi avoir telle place chez M. Untel, ou faites obtenir tel avancement à mon fils ». Dites simplement : « Seigneur, donnez-moi un travail qui puisse assurer la vie des miens. Seigneur, faites que mon fils soit heureusement inspiré par Vos lumières pour remplir honorablement la carrière à laquelle vous l’avez destiné, etc. »
Si vous priez Dieu pour une personne affligée, demander pour cette pauvre âme la force morale, la confiance, le calme qui lui permettra de percevoir les heureuses inspirations.
Si c’est un malade, priez Dieu de lui envoyer les effluves spirituels qui atténueront son mal et, pour la maladie, vous pouvez spécifier qu’ils dissiperont la fièvre, calmeront les douleurs, la toux, etc., selon les cas.
Votre pensée ainsi dirigée sur un malade peut aider à sa guérison et tout au moins adoucir ses dernières souffrances si l’heure de la mort est véritablement arrivée.
Si vous devez subir une épreuve, comme un examen, ou si vous avez quelqu’un dans ce cas, priez Dieu de vous donner le calme et la confiance ou de les donner à celui pour qui vous priez.
Chaque fois que vous voulez agir pour quelqu’un, vos pensées peuvent être dirigées directement sur cette personne sans faire intervenir Dieu. Si vous faites intervenir Dieu, vous aurez un pouvoir d’autant meilleur que vous aurez prié Dieu plus spirituellement avec un plus grand élan vers Lui.
Chaque fois que l’on cherche à aider les autres par des pensées ou par des prières, on développe en soi les pouvoirs spirituels ; c’est ainsi que les plus grands guérisseurs, les plus grands auteurs de miracles ont produit leurs effets. Leur âme agit sur le plan spirituel, et sur ce plan il n’y a que du bien. Aussi peuvent-ils opérer ensuite sur le plan physique des choses qui paraissent surnaturelles.
Les appels produits sur le plan astral produisent aussi des effets qui peuvent sembler miraculeux, mais qui peuvent être tout à fait mauvais. Car le plan astral est un plan où les forces sont inconscientes et répondent à toutes les sollicitations. Il faut donc dans la prière se dégager des puissances astrales, s’adresser directement à Dieu, et si l’on veut de l’aide sur le plan astral, ne pas mêler les prières aux demandes et agir seulement avec les entités de l’astral comme avec des âmes auxquelles on demande un service.
Il faut prier, mais il ne faut pas trop prier, car on s’expose à répéter sans y penser des paroles inutiles, ce qui est profaner la Sainte prière.
Il y a très peu d’individus qui peuvent être longtemps en état de prière comme Sainte Thérèse ; il faut cesser dès qu’on sent la fatigue ou la distraction.
Les seules prières qui vont jusqu’à Dieu, ce sont les prières qui partent directement du cœur et qui sont soutenues par notre attention.
Celles qui s’adressent à nos frères sur la terre ou à nos morts doivent être également parties de notre cœur pour être efficaces.
Les prières collectives sont excellentes, elles créent de grands courants de forces qui aident à combattre et à dissiper les forces mauvaises. Beaucoup de gens blâment les ordres religieux contemplatifs. Ils ont tort : Les hommes et les femmes qui vivent ainsi et qui sont convaincus de s’imposer une terrible vie pour diminuer le mal causé par les pécheurs le diminuent en effet et on voit autour de certains couvents un rayonnement de fluides lumineux ; également autour des Temples, des Églises, des salles de prière, des lieux de dévotion de toutes sortes. Plus les prières sont élevées, plus les fluides sont lumineux. Tout prêtre convaincu, de quelque religion qu’il soit, produit d’heureuses actions magnétiques par les prières qu’il prononce ou les manipulations auxquelles il se livre. L’hostie, le pain, le vin consacrés par un croyant, rayonnent d’effluves lumineux.
Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur la prière, ceci est seulement une vue d’ensemble.
J. HYVER.
Paru dans Psyché, revue du spiritualisme intégral
en février 1923.