Un philosophe spiritualiste au XIXe siècle

 

LES ÉCRITS INÉDITS DE MAINE DE BIRAN

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Paul JANET

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le nom de Maine de Biran a mis beaucoup de temps à devenir célèbre. Ce philosophe qui a tant écrit 1, n’avait presque rien publié, et rien n’est plus compliqué que l’histoire de ses éditions successives. De son vivant, il n’imprima que son Mémoire sur l’habitude, son Examen des leçons de Laromiguière, et un article sur Leibniz dans la Biographie universelle. Le reste de ses écrits se composait de mémoires couronnés par diverses Académies, et d’un ouvrage capital, reproduit sous diverses formes, comme devant être l’expression définitive de sa philosophie, mais qu’il ne donna jamais au public.

C’est une assez étrange histoire que celle des manuscrits de Maine de Biran. On se croirait encore dans l’antiquité, à l’époque où les manuscrits d’Aristote passaient de main en main par héritage, dormaient dans des bibliothèques inconnues, ou même restaient pendant des années oubliés dans une cave jusqu’à ce qu’Apellicon de Téo s’avisât de les publier. Cette légende, vraie ou fausse, n’est pas sans analogie avec celle que nous raconte M. Naville, au commencement de ce nouveau volume. Parmi les manuscrits très nombreux de Maine de Biran, qui avait très peu imprimé, mais beaucoup écrit, les uns ont été perdus, et, le croirait-on, vendus à l’épicier comme paperasses ; d’autres sont restés ignorés jusqu’en 1843 et 1844, et n’ont vu le jour qu’en 1859.

En 1834, dix ans après la mort de l’auteur, M. Cousin son ami, et qui se faisait honneur d’avoir été son disciple, publia pour la première fois, avec une admirable introduction, l’ouvrage qu’il considère avec raison comme l’œuvre la meilleure et la plus achevée qu’ait laissée Maine de Biran, les Rapports du physique et du moral.  Plus tard, en 1841, le même philosophe donna trois nouveaux volumes, dont le premier comprenait le Mémoire sur l’habitude déjà publié, et les deux autres des morceaux plus ou moins importants, mais tous d’une certaine étendue et qui pouvaient servir à éclaircir les points obscurs de cette philosophie peu connue. On eut alors, ou l’on crut avoir une édition complète de Maine de Biran.

Les choses en étaient là, lorsqu’on apprit qu’il existait des manuscrits considérables, différents de tous ceux qui avaient été publiés par M. Cousin. Ces manuscrits, après avoir passé par des vicissitudes qu’il serait trop long d’énumérer, étaient arrivés entre les mains de M. Naville, savant et respectable pasteur de Genève, qui avait eu jadis quelques rapports avec Maine de Biran. M. Naville s’appliqua avec ardeur à l’œuvre ingrate et difficile de visiter et de classer ces papiers. Il mourut sans avoir pu achever ce travail ; mais heureusement, il laissait un fils, digne héritier de sa science et de son zèle, M. Ernest Naville, qui se dévoua à l’œuvre commencée, et vient de la terminer à son grand honneur, et à la satisfaction de tous les amis de la philosophie.

Déjà, en 1857, M. Ernest Naville avait donné au public une œuvre inédite du plus grand intérêt, le Journal intime de Maine de Biran, histoire sincère et curieuse de toutes les révolutions de son âme et de sa pensée, sorte de confession discrète et mélancolique, que l’on n’attendait pas de cet austère penseur. Maintenant, M. Ernest Naville achève la tâche paternelle et la sienne par la publication de trois volumes in-8° d’œuvres inédites, qui, en s’ajoutant aux quatre volumes de M. Cousin, constituent cette fois les œuvres définitivement complètes de Maine de Biran.

 

 

 

I

 

Avant d’analyser ces œuvres nouvelles, arrêtons-nous un instant à ce journal intime où M. de Biran a dépeint avec un abandon et une candeur admirables l’histoire de ses pensées, de ses sentiments, de ses impressions, à plusieurs époques très importantes de sa vie, et qui nous fait connaître en lui une personne non pas contraire à celle que l’on pouvait conjecturer d’après les écrits publiés, mais cependant bien différente. Ainsi l’on savait que Maine de Biran avait été un contemplatif, un passionné observateur de lui-même, un amant de la vie intérieure, si ignorée ou si oubliée par les philosophes du dernier siècle. Mais on pouvait croire qu’il n’était qu’un penseur abstrait, ne vivant que par la réflexion, et préoccupé seulement de l’analyse scientifique des phénomènes intérieurs. Les Pensées, au contraire, nous montrent une âme tendre, délicate, mélancolique, ébranlée comme une sensitive par le moindre souffle du dehors, puisant quelques rares éclairs de bonheur dans l’amour de la nature, mais la plupart du temps mécontente de soi, aspirant à une satisfaction qui le fuit sans cesse, et souffrant jusqu’à l’angoisse de cette lutte de l’homme intérieur et de l’homme extérieur qui n’ont jamais pu s’accorder en elle, et dont l’un n’a jamais réussi à subjuguer l’autre. Ainsi, au lieu d’un spéculatif semblable à Descartes ou à Kant, le journal intime nous montre une personne émue, troublée, altérée de bonheur et de vérité, avide de paix et de joie intime, mais qui n’a jamais pu rencontrer ni la joie ni la paix.

On remarquera encore que le style de Maine de Biran, qui dans ses écrits philosophiques est d’ordinaire si dur et si difficile, s’anime au contraire, se colore, s’assouplit lorsqu’il raconte ses impressions intimes. Que l’on en juge par la page suivante, pleine d’éclat et d’émotion : « J’ai éprouvé ce soir, dans une promenade solitaire, faite par le plus beau temps, quelques éclairs momentanés de cette jouissance ineffable, que j’ai goûtée dans d’autres temps et à pareille saison, de cette volupté pure qui semble nous arracher à tout ce qu’il y a de terrestre, et nous donne un avant-goût du ciel : la verdure avait une fraîcheur nouvelle, et s’embellissait des derniers rayons du soleil couchant ; tous les objets étaient animés d’un doux éclat ; les arbres agitaient mollement leurs cimes majestueuses ; l’air était embaumé, et les rossignols se répondaient par des soupirs amoureux auxquels succédaient les accords du plaisir et de la joie. Je me promenais lentement dans une allée de jeunes platanes que j’ai plantés, il y a peu d’années ; sur toutes les impressions et les images vagues, infinies qui naissent de la présence des objets et de mes dispositions, planait ce sentiment de l’infini, qui nous emporte quelquefois vers un monde supérieur aux phénomènes, vers ce monde des réalités qui va se rattacher à Dieu, comme à la première et à la seule des réalités. Il semble que dans cet état, où toutes les sensations intérieures et extérieures sont calmes et heureuses, il y ait un sens particulier approprié aux choses célestes, et qui, enveloppé dans le mode actuel de notre existence, est destiné à se développer un jour, quand l’âme aura quitté son enveloppe mortelle. »

Ce ne sont là que de rares lueurs chez M. de Biran. En général, sa pensée est triste et découragée. Ce métaphysicien de la volonté était dans la réalité de la vie, un Obermann ou un René, et il sentait avec un vivacité extrême ce profond ennui du commencement de notre siècle, si admirablement décrit par Chateaubriand : « Je suis bien près, dit-il en 1811 (il avait alors 45 ans), je suis bien près de désespérer de moi-même. J’étais heureux autrefois dans la solitude ; mon imagination et ma sensibilité montées sur un ton élevé étaient comme les harpes éoliennes dont les cordes frémissent au moindre souffle et rendent des sons harmonieux. Aujourd’hui, je ne suis plus heureux par mon imagination ; je n’ai plus de ces idées qui charment et auxquelles se rattache un sentiment d’espérance : ma vie se décolore peu à peu. » En 1817, dans le plus grand éclat de la vie extérieure, il écrivait ces mots douloureux : « Je n’ai pas de base, pas d’appui, pas de mobile constant... je souffre. »

Mais c’est assez insister sur les détails personnels, si intéressants qu’ils soient, qui abondent dans les Pensées de Maine de Biran. Ce que nous voulons y chercher, ce sont des lumières et des éclaircissements sur l’histoire de ses opinions et de ses doctrines.

Tous ceux qui s’occupent de philosophie savent que Maine de Biran a eu deux doctrines, qu’il a commencé par être un disciple, déjà indépendant, de Condillac et de Cabanis, et que plus tard il a fondé une théorie qui lui est propre et qui repose surtout sur une théorie de la volonté.

Maine de Biran a donc commencé à philosopher par la société d’Auteuil ; ses premières relations philosophiques ont été Cabanis et de Tracy. Il n’a jamais abandonné ces premières relations ; et jusqu’à la fin de sa vie, il visitait de loin en loin le vieil abbé Morellet, qui lui disait avec son fin sourire du XVIIIe siècle « Monsieur, qu’est-ce que le moi ? »

En 1816 ou 1817, lorsque Maine de Biran fut appelé à Paris par sa situation politique, il devint lui-même le centre d’une société philosophique dont faisaient partie Ampère, Cuvier, M. de Géraudo, M. Royer-Collard, M. Guizot, et dans les derniers temps, M. Cousin lui-même, alors très jeune. C’est le temps de la seconde doctrine de Maine de Biran. Nous apprenons par son journal qu’Ampère était avec lui et Cuvier contre. Au sortir de la Chambre et des grands débats politiques du temps, on venait discuter chez Maine de Biran, sur le moi, sur l’activité volontaire, sur l’origine de l’idée de cause, etc., et cependant Maine de Biran se plaignait que les hommes de son temps fussent indifférents aux matières de métaphysique !

Les Pensées de Maine de Biran sont de deux époques : les premières sont de l’année 1794 et 1795 ; les autres sont de 1814 et se continuent sans interruption jusqu’en 1824.

Dans les pensées de 1794, Maine de Biran est tout à fait sous l’empire des doctrines du temps. Quoique déjà très occupé à s’observer intérieurement, il accordait cependant une très grande part à l’influence du physique et n’avait pas encore saisi le fait capital de la volonté qu’il devait plus tard opposer à Condillac. Il en avait néanmoins un pressentiment. Voici un curieux passage, qui en nous le montrant complètement condillacien, nous indique aussi le point d’où viendra la réforme : « Qu’est-ce que cette activité prétendue de l’âme ? Je sens toujours son état déterminé par tel ou tel état du corps ; toujours remuée au gré des impressions du dehors, elle est affaissée ou élevée, triste ou joyeuse ; calme ou agitée selon la température de l’air, selon une bonne ou une mauvaise digestion. Je voudrais, si jamais je pouvais entreprendre quelque chose de suivi, rechercher jusqu’à quel point l’âme est active, jusqu’à quel point elle peut modifier les impressions extérieures, augmenter ou diminuer leur intensité par l’attention qu’elle leur donne, examiner jusqu’où elle est maîtresse de cette attention. » C’est ce cadre qu’il a essuyé de remplir en partie dans son Mémoire sur l’habitude, ouvrage condillacien ou s’aperçoivent déjà, l’insu même de l’auteur, les germes d’une réforme.

Le journal, interrompu de 1795 à 1814, sauf quelques pages en 1811, ne nous laisse malheureusement aucun détail sur le moment où Maine de Biran conçut sa théorie de l’activité. Il eût été curieux d’avoir la confidence des expériences intérieures qui conduisirent notre auteur à sa théorie favorite. Ici les pensées publiées font complètement défaut. Les années 1794 et 1795 sont antérieures à la seconde phase philosophique de Biran ; les années 1814 et suivantes lui sont postérieures. L’auteur est alors en possession de sa doctrine ; il l’expose, il la développe ; mais il ne la forme plus ; ou plutôt on y sent déjà le germe d’une doctrine nouvelle qui commence à poindre vers cette époque et qui dominera de plus en plus jusqu’à la fin de la vie de l’auteur. Ici le journal abonde en pensées intimes, et jette le plus grand jour sur la troisième phase philosophique de Maine de Biran, phase qu’on pourrait à peine soupçonner d’après les documents publiés jusqu’ici.

On savait bien, il est vrai, que Maine de Biran avait eu quelques tentations de mysticisme ; on le conjecturait d’après une note assez singulière qui suit les Rapports du physique et du moral, où il semble admettre une sorte d’illumination intellectuelle pour rendre compte des idées absolues que sa théorie de la volonté ne suffisait pas à expliquer. Mais on pensait que c’était là une vue fugitive et sans conséquence ; que Maine de Biran, n’ayant jamais porté son attention sur les idées pures de l’esprit, les avait expliquées en passant, comme il avait pu, par une théorie mal démêlée, et dont il ne fallait pas presser les termes et les conséquences. Cependant Victor Cousin, dans sa préface de 1841, affirmait déjà que, si Maine de Biran avait vécu, il eût fini par le mysticisme ; aujourd’hui, ce n’est plus une conjecture ; c’est une vérité acquise à l’histoire de la philosophie. Les Pensées publiées par M. Naville abondent en preuves à ce sujet.

Mais le mysticisme des Pensées n’est pas, comme celui de la note mentionnée, un mysticisme théorique, spéculatif, destiné à expliquer l’inexplicable : ce n’est point une doctrine de la raison et de l’esprit, c’est une doctrine de l’âme et du cœur, une doctrine de foi. En un mot, pour rendre plus clair le triple mouvement d’idées par lequel a passé Maine de Biran, disons qu’il a commencé par être matérialiste avec le XVIIIe siècle, qu’il s’est élevé de là au stoïcisme pour finir par le christianisme.

C’est dans ces termes mêmes qu’il pose le problème dans les dernières années de sa vie. Stoïcien ou chrétien, voilà la question. Nul philosophe de notre temps, pas même M. Jouffroy, n’a eu un sentiment aussi vif et aussi profond du problème religieux. Pour Maine de Biran, ce n’est point comme pour MM. de Maistre et de Bonald, un problème social ; quoique attaché en politique au principe d’autorité, ce n’est pas par ce côté extérieur qu’il étudia le problème religieux. Son christianisme est tout intérieur, et de même que le fait intime du libre arbitre l’avait rendu spiritualiste, c’est le sentiment de la nécessité et de la puissance de la grâce qui l’a fait chrétien 2.

Ainsi de 1815 à 1824, pendant que le monde était agité par les grands débats de la liberté et de l’autorité, tandis qu’on se partageait pour ou contre la révolution française, et que tous les esprits éminents étaient dans l’arène, un penseur solitaire, mêlé en apparence à tous ces mouvements, n’était occupé qu’à agiter en lui-même, dans la profondeur la plus secrète de ses pensées, la querelle éternelle de saint Augustin et de Pelage, comparaît Marc-Aurèle et Fénelon, pesait le pour et le contre avec une sincérité incomparable, et une finesse d’observation intérieure qui le prédestinait au mysticisme ; et après avoir oscillé quelque temps entre la doctrine qui accorde tout à la volonté humaine, et celle qui lui ordonne de s’humilier et d’appeler à son secours celui qui l’a faite, se décidait enfin pour celle-ci, et se jetait en pleurant, en priant, en gémissant, dans les bras de la grâce.

 

 

 

II

 

Cette dernière phase mystique de Maine de Biran est représentée dans les écrits posthumes par un outrage inachevé, qui porte ce titre : Nouveaux essais d’anthropologie (1823 et 1824), nous en reparlerons tout à l’heure ; mais l’œuvre capitale de la nouvelle publication, œuvre souvent annoncée par Biran et qui restera comme le monument définitif de sa doctrine, est l’Essai sur les fondements de la psychologie 3.

L’Essai est la refonte et la synthèse systématique de tous les écrits antérieurs de Maine de Biran consacrés à la psychologie : les Rapports du physique et du moral, la Décomposition de la pensée, l’Aperception immédiate, etc. Il se compose de deux parties. Dans la première, l’auteur analyse les faits du sens intime en les rattachant à ce qu’il appelle le fait primitif, le phénomène de l’effort volontaire ; dans la seconde, il essaie de classer ces faits et de les ramener à un ordre généalogique et synthétique. Ce livre contient donc un vrai système psychologique et c’est ce qui le distingue des ouvrages de pure psychologie descriptive, tels que sont ceux des Écossais, ou parmi nous, l’ouvrage si précieux d’ailleurs de M. Adolphe Garnier, sur les Facultés de l’âme.

Il s’agit d’abord de déterminer le fait primitif de conscience, à savoir le fait générateur d’où dérivent tous les autres. Ce fait sera-t-il la sensation pure et simple, la sensation affective et passive telle que la décrit Condillac ? Non, car, dans l’hypothèse de Condillac, le moi se confond avec ses sensations, mais il n’existe pas pour lui-même à titre de moi. Il est successivement odeur de rose, odeur d’œillet, ou toute autre chose : il n’est pas encore moi. Il ne peut le devenir qu’en tant qu’il intervient lui-même dans le phénomène par l’activité volontaire. C’est donc avec le premier phénomène de volonté que commence véritablement le moi. Mais cet acte de volonté n’est pas davantage l’acte d’une substance absolue, se saisissant elle-même en elle-même, sans aucune modification ou qualification. Ce point de vue de la substance abstraite ou du moi en soi n’est pas plus pour Biran le fait primitif de conscience que la sensation de Condillac. Le moi s’atteste à lui-même comme force et non comme substance absolue. Mais « l’existence de la force n’est un fait pour le moi qu’autant qu’elle s’exerce, et elle ne s’exerce qu’autant qu’elle peut s’appliquer à un terme résistant ou inerte. La force n’est donc déterminée ou actualisée que dans le rapport à son terme d’application, de même que celui-ci n’est déterminé comme résistant que dans le rapport à la force actuelle qui le meut ou tend à lui imprimer le mouvement ; le fait de cette tendance est ce que nous appelons effort et cet effort est le fait primitif du sens intime 4 ».

À l’aide de ce fait primitif, Biran croit pouvoir résoudre le grand problème de l’origine de nos connaissances, et particulièrement de ce qu’on appelle les idées métaphysiques, l’unité, l’identité, la substance, la cause, que les uns prétendent être des notions a priori ou innées, et que les autres ne considèrent que comme des généralisations de la sensation. Les uns et les autres méconnaissent l’origine véritable de ces notions, à savoir le fait primitif de conscience. Ces notions sont en effet indépendantes de l’expérience, mais de l’expérience externe, non de l’expérience interne. Ils sont constants et nécessaires ; car issus du moi qui seul est invariable au milieu de toutes nos sensations, ils sont invariables et permanents comme lui. Dira-t-on, avec Leibniz, qu’ils sont innés comme le sujet pensant l’est à lui-même ? Mais le sujet lui-même n’est pas inné ; il s’est constitué lui-même dans un fait ou rapport primitif. Ce fait doit avoir un commencement comme toute série doit avoir un premier terme. Or, et la personnalité a une origine, si le moi n’est pas inné à lui-même, qui est-ce qui peut l’être 5 ? » On voit par là que Biran s’est approché aussi près que possible du point de vue de Fichte, sans cependant y abonder absolument. Il dirait bien comme lui, que le moi se pose lui-même, « qu’il est parce qu’il se pose, et qu’il se pose parce qu’il est », que c’est le propre du moi d’être posé par un acte d’activité propre, à la différence de toutes choses que nous trouvons toutes posées devant la pensée, mais que la pensée produit par le seul fait qu’elle les pense. Mais il n’irait pas jusqu’à dire que c’est là un acte absolu et primitif, qui pose le moi comme étant lui-même l’absolu. Il ne parle jamais que du moi individuel, du moi humain, et non de ce moi illimité et infini qui est à peine un moi, et que Fichte a bien de la peine à distinguer de l’absolu de Schelling, et de la substance de Spinoza. Mais, sauf cette réserve, on peut dire que le penseur français a pénétré aussi profondément que le penseur allemand dans l’analyse du fait primitif de conscience, et qu’il exprime à peu près la même pensée fondamentale que celui-ci, dans le passage suivant : « Le sentiment du moi, dit-il 6, n’est pas adventice à l’homme ; c’est le produit immédiat d’une force qui lui est propre et inhérente (vis insta), dont le caractère essentiel est de se déterminer elle-même, et en tant qu’elle se détermine ainsi, de s’apercevoir immédiatement et dans sa libre détermination et dans ses produits, dans la cause et dans l’effet, qui indivisiblement liés l’un à l’autre, constitue le rapport fondamental ou le fait primitif de conscience. De là, la notion de causalité et par suite de substance et tout un système de notions qui dérivent clairement du sentiment du moi, qui ne sont pas plus que lui des produits de l’expérience extérieure et qui aussi ne peuvent pas plus que le moi, être dites innées à l’âme humaine, si ce n’est à titre de possibilités ou de produits virtuels d’une force qui était dans l’absolu avant de se manifester ou s’effectuer par des actes 7. »

Tel est, suivant Biran, le fait primitif de conscience. Il consiste essentiellement dans l’antithèse primitive du moi et du non-moi, s’opposant l’un à l’autre, et se déterminant l’un par l’autre, le moi ne se sentant que par le choc qu’il rencontre dans un obstacle qui s’oppose à lui et par la lutte qu’il exerce contre cet obstacle. Mais il ne va pas au delà de cette antithèse primitive, et il n’attribue pas, comme Fichte, la création du non-moi lui-même à un acte libre du moi.

La première partie de l’Essai a donc pour objet : 1° de signaler et d’analyser ce fait primitif du sens intime, à savoir l’effort volontaire, composé de deux termes indissolubles, le moi voulant et le non-moi résistant, et de le distinguer de tous les faits physiologiques qui le précèdent ; 2° d’expliquer par ce fait toutes les idées métaphysiques de substance, de force, de cause, d’unité, d’identité, de liberté, etc. Biran montre que toutes ces idées ont leur type dans le fait primitif de vouloir, et que les débats des philosophes viennent de ce que les uns ont voulu ramener toutes ces idées à des sensations passives, qui en contredisent les caractères essentiels, tandis que les autres en cherchent l’origine dans l’absolu de l’âme, qui, pour Biran, nous est absolument inconnu. Les uns sont les disciples de Condillac, les autres ceux de Descartes.

On remarquera ici le caractère éminemment expérimental de la philosophie de Maine de Biran ; et à ce point de vue, il n’a jamais répudié les traditions du XVIIIe siècle. Il n’est jamais revenu aux idées innées de Descartes, et n’a pas davantage admis les concepts a priori de Kant. Il s’en tient à l’expérience et fait sortir comme Condillac toutes nos idées d’un fait primitif. Seulement, au lieu de l’expérience externe, il invoque l’expérience interne : « J’étudiai, dit-il, le phénomène au dedans, au lieu de le prendre du dehors 8. » Au lieu d’expliquer le fait de conscience par la physiologie et l’anatomie, comme Hartley et Bonnet, au lieu d’expliquer les notions par les sensations passives comme Condillac, ce qui était encore ramener le dedans au dehors, il trouve dans la conscience de l’activité du moi la condition péremptoire sans laquelle la sensation ne deviendrait jamais connaissance, et les sons ne deviendraient jamais des signes. La doctrine de Biran est donc une sorte d’empirisme interne, ou plutôt, s’il est permis de parler ainsi, une sorte de réflexivisme qui dépasse le point de vue de Condillac, en revenant à celui de Locke et de Leibniz approfondi et développé.

Mais si le moi, avec les notions essentielles qui s’y rattachent immédiatement, constitue le mode fondamental de notre existence actuelle, il ne le compose pas seul ; car pour se manifester à lui-même, il doit s’unir incessamment à des impressions diverses qui lui viennent du dehors. C’est l’union du moi et de ces impressions qui donne naissance à tous les faits de conscience, et dont les combinaisons diverses composent notre existence affective et intellectuelle. Dans la première partie de son ouvrage, Biran étudie le moi, abstraction faite des impressions qui viennent se combiner avec lui, c’est-à-dire l’élément actif sans l’élément passif. Dans la seconde partie, il étudie d’abord les impressions ou affections séparées du moi, autant du moins qu’une telle étude est possible. Puis il cherche à déterminer ce qu’il appelle « les combinaisons diverses du moi et des affections », soit dans l’ordre des connaissances, soit dans l’ordre des affections et de la volonté.

En conséquence il distingue dans l’âme humaine quatre moments, ou, comme il dit, quatre systèmes à chacun desquels correspond un degré particulier de la personnalité ; ce qui les distingue, c’est en quelque sorte le plus ou moins de présence du moi dans chacun d’eux.

1° Au plus bas degré, il n’y a que des impressions passives et des mouvements instinctifs, des modes de plaisir et de douleur sans moi : c’est ce que l’auteur appelle des affections, et ce premier système est le système affectif. Les affections, dans ce système, correspondent à peu près à ce que Leibniz appelait les perceptions obscures.

2° Le moi commence à s’unir aux affections, mais sans s’identifier avec elles ; il les rapporte à des sièges organiques particuliers, et il n’en est que spectateur. C’est ainsi, par exemple, que nous avons conscience d’un mal de tête, sans y concourir cependant par notre action ; il est, pour le moi, comme quelque chose d’étranger, qui le touche cependant : c’est la sensation. Au système affectif succède le système sensitif.

3° Le moi commence à prendre une part directe aux phénomènes de la sensibilité. Au lieu de subir simplement la sensation, il la provoque, il la prolonge, il la fixe, il la précise, il en fait une connaissance. Il passe enfin de la sensation à la perception. Troisième système : système perceptif. Dans ce troisième état, l’action du moi est encore subordonnée à l’action des objets extérieurs, et le sentiment qu’il a de lui-même est développé et comme confondu dans la perception.

4° Enfin la volonté, par son effort propre, peut déterminer des modes dans lesquels l’impression n’est jamais que consécutive à l’effort voulu. Le moi, dès lors, ne peut plus ignorer sa propre causalité et sa part dans le fait de la connaissance. Il s’aperçoit lui-même, et, pour la première fois, le sujet s’oppose nettement à l’objet. C’est le système réflexif.

Telle est la doctrine psychologique de Maine de Biran, et, quoiqu’elle puisse donner lieu à bien des observations critiques, on ne peut nier qu’elle ne soit un vigoureux effort pour expliquer dans l’homme l’union de deux éléments bien distincts, le passif et l’actif, le spontané et le réfléchi. On a souvent dit que Maine de Biran n’avait jamais étudié que la volonté ; mais on pourrait dire, au contraire, qu’il s’est au moins occupé autant des phénomènes obscurs, des sensations indistinctes, et, en général, des modes instinctifs de l’âme que de l’effort et de la volonté. Nul n’a été plus préoccupé de ce que la philosophie allemande appelle « l’inconscient », dont on parle tant aujourd’hui. Biran, d’ailleurs, ne faisait en cela comme sur beaucoup d’autres points que de suivre ou de retrouver la tradition de Leibniz, si négligée par ses devanciers.

Reprenons ces quatre systèmes pour donner quelque idée plus particulière de chacun d’eux : 1° Système affectif. – « L’affection, dit Maine de Biran, c’est la sensation sans moi, par conséquent, sans idée, sans forme d’espace et de temps. » C’est, en un mot, la sensation diffuse, ce que Kant appelle la matière du phénomène avant son union avec la forme. De tels phénomènes n’étant pas immédiatement l’objet de la conscience, puisqu’ils sont sans moi, ne peuvent être atteints que par induction. Comme on voit la conscience s’affaiblir peu à peu à mesure que les impressions ou affections augmentent en intensité, on a lieu de supposer qu’il y a un moment où elles subsistent seules. Biran en distingue de deux sortes : les générales et les particulières. Les affections générales sont celles qui correspondent à l’organisme entier : c’est d’abord le sentiment général de la vitalité, et de toutes ses modifications : « Tel est, dit-il, le principe de cette sorte de réfraction morale qui nous fait voir la nature tantôt sous un aspect riant et gracieux, tantôt comme couverte d’un voile funèbre, et qui nous présente dans les mêmes êtres tantôt des objets d’espérance et d’amour, tantôt des sujets d’aversion et de crainte 9. » Telles sont aussi les modifications de l’existence relatives à la succession des âges, aux révolutions des tempéraments, à l’état de santé ou de maladie, aux changements de saison, de climat, de température, etc. Les affections particulières sont celles qui sont relatives à quelques dispositions d’organe particulier. Elles ressemblent déjà à des sensations ; mais ce qui paraît les en distinguer, selon Biran, c’est qu’elles ont toujours quelque rapport avec la sensibilité générale ; en second lieu, elles sont tout affectives et nullement représentatives. Telles sont, par exemple, les sensations du toucher passif, les affections du goût et de l’odorat, les affections auditives, en tant qu’elles agissent non seulement sur l’appareil auditif, mais sur d’autres organes, l’épigastre, par exemple. Enfin, parmi les affections, etc., mais plus rapprochées de la sensation, Biran place encore ce qu’il appelle « les intuitions immédiates », à savoir celles qui ont déjà une certaine forme d’espace et de temps, par exemple les impressions tactiles et visuelles qui se coordonnent dans l’espace, les impressions auditives qui se coordonnent dans le temps. Les affections laissent après elles des attraits et des répugnances ; les intuitions laissent après elles des images ; les unes et les autres sont suivies de tendances d’où naissent les mouvements spontanés. Les affections amènent les sensations ; les intuitions amènent les perceptions. Les mouvements spontanés amènent l’effort. L’ensemble de ces phénomènes constitue la vie animale : c’est le domaine de l’inconscient ; le moi en reste absent.

Aussitôt que le moi, par l’effort volontaire, commence à paraître, la vie consciente commence avec lui ; et elle a trois degrés : la sensation, la perception et la réflexion. Résumons rapidement les principaux moments de ces trois modes de la vie humaine.

Le moi en s’unissant aux impressions donne naissance à la sensation. En tant qu’uni à ces sortes d’impressions que Biran a appelées affections, il constitue les sensations affectives en tant que s’unissant à ces autres impressions qu’il a appelées intuitions, le moi produit les sensations représentatives. C’est ici qu’intervient la loi célèbre déjà signalée par lui dans un premier mémoire : « L’habitude émousse les affections et rend les intuitions plus distinctes. »

La difficulté de telles analyses, dont on ne peut contester la finesse et la profondeur, est de fixer des distinctions précises entre des phénomènes qui passent continuellement l’un dans l’autre. Par exemple, comment Biran distinguera-t-il ce qu’il appelle les sensations affectives (qui constituent la seconde classe) des affections particulières (qui rentrent daus la première) ? Est-ce l’absence ou la présence de la conscience qui servira de critérium ? Mais, dans les affections particulières, il fait rentrer le chaud et le froid, le timbre des sons, l’accent de la voix : sont-ce là des phénomènes sans conscience ? Et, s’ils sont déjà accompagnés de quelque conscience, en quoi se distingueront-ils des sensations purement affectives et non représentatives, telles que l’odeur, la saveur, la couleur même ? Comment le timbre et l’accent ne seraient-ils que des affections, tandis que le son lui-même serait déjà une sensation ? En second lieu, en quoi les intuitions immédiates que Biran fait rentrer dans le système affectif se distinguent-elles des sensations représentatives qui appartiennent au système sensitif ? Est-ce encore une fois parce qu’elles sont sans conscience ? Mais Biran leur donne déjà la forme de l’espace et du temps. Or, de telles formes peuvent-elles exister sans qu’il y ait déjà quelque conscience ? Car, ne l’oublions pas, Biran rejette la doctrine de Kant, et n’admet pas qu’elles préexistent a priori, Biran dit : « En se rejoignant à la sphère de la connaissance, l’intuition devient sensation représentative. » C’est là une détermination bien vague et qui semble autoriser chacun à fixer où il voudra la limite des deux phénomènes. Enfin, de même que les sensations représentatives se distinguent difficilement des intuitions qui sont au-dessous d’elles, elles ne se distinguent pas plus facilement des perceptions qui sont au-dessus.

Quoi qu’il en soit, c’est à ce second degré de la vie humaine que Biran rapporte la réminiscence, qui est de trois espèces : la réminiscence personnelle, la réminiscence modale et la réminiscence objective ; la première, qui a pour objet notre propre moi, et qui nous atteste notre identité personnelle ; – la seconde, qui reproduit les sensations antérieures ; – la troisième, qui reproduit les images. À cette troisième forme de la réminiscence se rattache l’imagination, et à celle-ci un commencement de généralisation spontanée.

Les deux derniers étages, et les plus importants de la vie intellectuelle de l’homme sont la perception et la réflexion.

Le passage de la sensation à la perception se fait par l’effort. C’est lui qui, sous le nom d’attention, fixe l’action des organes sur un seul objet, rend la sensation plus nette, et la transforme en perception. C’est surtout aux sensations représentatives coordonnées dans l’espace et dans le temps que le terme de perception peut s’appliquer. Cependant, chaque sens est susceptible de deux formes : l’une passive, l’autre active, que le langage exprime par des termes différents. De tous les sens, celui qui nous donne le plus nettement l’idée d’extériorité est le toucher. Il suffit, pour que cette idée soit complète, que la pression tactile, qui renferme déjà une représentation étendue, s’associe à l’idée d’une cause qui résiste à l’effort. Dès lors, l’étendue tactile devient le symbole de l’extériorité. C’est encore l’effort qui, suivant Biran, sert à localiser les sensations dans les organes. Tout ce qu’on appelle dans l’école qualités premières se ramène à la résistance et à l’effort, d’où naissent l’impénétrabilité et l’inertie. C’est encore lui qui nous fournit la conception de l’étendue, qui n’est pour Biran comme pour Leibniz, que « la continuité du résistant » ; elle n’est d’abord pour nous qu’« un espace intérieur » immédiatement lié au sentiment du moi, et qui s’extériorise ensuite par le toucher. C’est l’exercice répété du sens musculaire qui nous apprend peu à peu à déterminer, à figurer, à localiser les différentes parties du résistant. Ainsi, l’idée d’espace n’est pas, comme l’a pensé Kant, une forme a priori : c’est bien une forme, mais c’sst la forme du sens musculaire généralisé.

L’affirmation de quelque chose hors de nous, fondée sur le double fait de l’effort et de la résistance, est ce que Biran appelle le jugement substantiel. Sur ce fond viennent s’ajouter par induction ce qu’il appelle les attributions modales, c’est-à-dire les qualités secondes, en vertu desquelles les corps nous paraissent comme causes de nos sensations. Le toucher les objective en les répandant et les fixant sur le continu résistant ; ce troisième moment constitue les attributions objectives, ou les intuitions projetées dans un espace extérieur.

Au système perceptif se rattachent, selon Biran, la mémoire volontaire, la comparaison, la classification, enfin le sentiment, les notions morales et la liberté. Seulement, il est encore ici permis de se demander si ce n’est pas là rapprocher un peu arbitrairement des éléments bien hétérogènes, et si l’on ne rapporte pas à la perception des éléments qui se rattacheraient beaucoup plus directement au système réflexif.

La limite, en effet, est bien difficile à fixer. Le système perceptif est caractérisé selon Biran par l’attention ; le système réflexif, au contraire, par la réflexion. Mais quelle différence y a-t-il donc entre l’attention et la réflexion ? La voici : « L’attention s’attache surtout aux résultats de nos actes extérieurs... La réflexion se concentre dans le sentiment du pouvoir libre qui les effectue 10 ». « La réflexion est cette faculté par laquelle l’esprit aperçoit dans un groupe de sensations, ou dans une combinaison de phénomènes quelconques, les rapports communs de tous les éléments à une unité fondamentale, comme de plusieurs modes ou qualités à l’unité de résistance, de plusieurs effets divers à une même cause, des modifications variables au même moi, sujet d’inhérence, et avant tout de mouvements répétés à la même force productive, ou à la même volonté moi 11. » La flexion serait donc, pour employer le langage de Kant, la faculté qui ramène la pluralité à l’unité, surtout à cette unité fondamentale dont le type est en nous-mêmes. « Elle commence donc avec le premier effort voulu, avec le fait primitif de conscience. » Par la réflexion, le mot distingue de ses impressions ; il distingue, en outre, les perceptions qui lui viennent du dehors de celles qu’il peut produire et se procurer à lui-même par un effort de la volonté. À ce point de vue, Biran attache une grande importance à un fait trop peu remarqué par les psychologues, celui de l’union du sens de l’ouïe et des organes de la voix. Grâce cette union, et en même temps à la distinction des deux espèces d’organes, le moi peut se donner à lui-même des sensations sans s’y perdre et sans s’y confondre, tandis que pour tous les autres sens, l’élément actif est tellement mêlé à l’élément passif qu’on ne peut que très difficilement les séparer par l’esprit ; de telle sorte que c’est dans le mouvement volontaire de l’organe vocal que Biran saisit le premier exercice précis et conscient de la réflexion, le premier acte du moi. On comprend par là l’importance qu’il attribue à l’institution volontaire des signes, et comment il se sépare à la fois de l’école de Bonald, qui fait venir le langage d’une révélation extérieure et divine, et de Condillac qui le fait venir des sens, c’est-à-dire de la pure passivité. L’institution des signes est pour lui le fait caractéristique de l’état de réflexion. À cet emploi volontaire et conscient des signes se rattache un nouveau degré de la mémoire. La mémoire imaginative, ou réminiscence, correspond au système sensitif et la mémoire volontaire au système perceptif. À celle-ci succède à son tour la mémoire intellectuelle, qui se rapporte au système réflexif. Ce système comprend encore toutes les opérations discursives de l’entendement, l’induction et la déduction, et les diverses espèces de déductions. Les psychologues trouveront sur toutes ces questions une riche matière d’observations et de faits. Remarquons cependant combien Biran, malgré la profondeur de son esprit, a été peu frappé de la difficulté d’expliquer, en partant du simple fait de l’effort volontaire, les notions absolues et nécessaires, et les principes premiers. Il ne parle qu’incidemment de ce qu’il appelle « ’intuition intellectuelle 12 » qui donnerait, suivant lui, les jugements nécessaires et immédiats ; mais, c’est là un point tout à fait secondaire dans sa théorie ; et sur cette question, il est resté fidèle à l’empirisme du XVIIIe siècle ; seulement, comme nous l’avons dit déjà, ce n’est pas un empirisme extérieur, comme celui de Condillac : c’est un empirisme intérieur, que l’on pourrait appeler une sorte de réflexisme empirique.

Quelque objection que l’on puisse opposer à la doctrine de Biran, il faut lui savoir gré d’avoir essayé de construire une psychologie complète et systématique. Tout aussi préoccupé que les Écossais de distinguer ce qui ne doit pas être confondu, ayant même trouvé un fondement plus solide que Reid à la réfutation du scepticisme de Hume et du sensualisme de Condillac, il ne se contente pas cependant, comme eux, d’énumérer, paquet par paquet en quelque sorte, les groupes de phénomènes que l’on peut distinguer dans le langage ; il essaie de les lier ensemble, d’en montrer le développement et, comme on dirait aujourd’hui, l’évolution. La psychologie de Reid laisse encore à chercher comment tous ces phénomènes s’unissent et s’associent dans un même moi. Biran conserve en quelque sorte la doctrine condillacienne de la transformation, avec cette différence qu’au lieu d’une sensation qui se transforme toute seule ou par des causes extérieures, l’agent de la transformation est ici dans le moi lui-même : c’est l’intervention plus ou moins active et énergique du moi qui transforme les sensations en images, les images en idées, les idées en pensées, en jugements, en sciences. Au lieu d’une statue que l’on regarde du dehors, c’est un être vivant qui se regarde du dedans. Là est la ligne de démarcation qui sépare Biran de Condillac, la philosophie du XIXe siècle de celle du XVIIIe ; et malgré d’apparents retours favorables à l’empirisme, le point de vue de l’intériorité est trop vrai, trop évident quand une fois on y est entré, pour qu’il ne retrouve pas dans la science la place légitime qui lui appartient.

 

 

III

 

Les Fondements de la psychologie nous ont montré le moi actif se mêlant aux affections, et en tirant par degrés toutes nos connaissances. Mais il est une autre face de la vie humaine, dont Biran, jusque-là, dans aucun de ses travaux psychologiques n’avait fait mention, et qui va être l’objet principal de ses méditations pendant la dernière phase de sa vie : c’est le côté « par où l’homme touche à la nature divine, dont il émane, dont il est le reflet et l’image 13 » ; c’est « ce monde supérieur de réalité invisible, qui ne se manifeste qu’à un sens sublime : celui de la religion, de la foi et de l’amour 14 ». De ce nouveau point de vue est issu le dernier ouvrage de Maine de Biran, et que, comme Pascal, il a laissé inachevé. M. Ernest Naville a essayé d’en relier les débris épars avec un soin extrême ; il a pour titre : Nouveaux essais d’Anthropologie.

Au lieu des quatre grands systèmes auxquels il avait ramené l’économie de l’intelligence humaine dans les Fondements de la psychologie, il distingue ici dans l’homme trois vies différentes : la vie animale ou vie organique (réunissant ainsi en une seule les deux vies distinguées par Bichat) : en second lieu, la vie propre à l’homme ou vie humaine, c’est-à-dire la vie du sujet pensant et sentant ; en troisième lieu « la plus importante de toutes et qu’on a eu le tort jusqu’ici d’abandonner aux spéculations du mysticisme » ; c’est la vie spirituelle ou vie de l’esprit. De ces trois vies, les deux premières ont été suffisamment étudiées et décrites par Biran dans ses autres ouvrages ; et ses vues sur ce point n’ont subi aucune modification remarquable. C’est donc principalement la troisième vie, celle de l’esprit, qui doit attirer ici principalement notre attention.

Maine de Biran ne craint pas, dès l’abord, de caractériser ce troisième mode de vie par cette expression suspecte empruntée aux mystiques, « l’absorption en Dieu ». De même que l’homme peut s’identifier avec la nature par les sens et y absorber sa personnalité, de même aussi, « il peut jusqu’à un certain point s’identifier avec Dieu, en absorbant son moi par l’exercice d’une faculté supérieure, que l’école d’Aristote a méconnue entièrement, que le platonisme a distinguée et caractérisée, et que le christianisme a perfectionnée en la ramenant à son vrai type ».

De quelle nature est cette absorption suprême ? Est-ce l’anéantissement absolu, le nirvâna bouddhique ? Non ; Biran fait ici une distinction : ce n’est pas l’absorption de la substance, de la force absolue, celle qui pense et qui veut ; non ; c’est l’absorption du moi. Ainsi, le moi subsiste dans son absolu à titre de force ; il ne perd que le sentiment de lui-même, c’est-à-dire la conscience. La conscience et la personnalité ne sont qu’un moment dans la vie de l’homme. En bas, comme en haut, dans les deux extrêmes de la vie, « l’homme perd également la personnalité : mais dans l’un, c’est pour se perdre en Dieu ; dans l’autre, c’est pour s’anéantir dans la créature 15 ». Dans ce troisième état, « l’homme est affranchi du joug des affections et des passions... le génie qui dirige l’âme et l’éclaire, comme un reflet de la divinité, se fait entendre dans le silence de toute nature sensible 16 ». La volonté humaine a pour fonction de nous arracher à la sphère intérieure où l’âme est absorbée dans la nature sensible pour « nous faire entrer dans une sphère supérieure et lumineuse où l’âme s’absorbe en perdant le sentiment de son moi avec sa liberté 17 ».

Cette voix de l’esprit serait donc, d’après les fortes expressions que nous venons de citer, un véritable anéantissement, non de la substance, mais de la personnalité, une vie absolument impersonnelle. Sans doute, la substance, la force absolue continuent à subsister ; mais le moi disparaît, et que m’importe alors ? Et quelle différence y a-t-il entre ma substance inconsciente et la substance d’une pierre ou d’un insecte ? Ce qui fait que l’âme est âme et non pas force aveugle, c’est le moi, la conscience, la personnalité. Qui l’a mieux démontré que Biran lui-même ? Quelle est donc cette vie supérieure qui ne se sait pas vivre ? Quel est ce bonheur dont je ne jouis pas ? Ainsi, dès les premiers pas de la vie de l’esprit, Biran se laisse entraîner aux dernières exagérations et aux décevantes hallucinations des quiétistes. Cependant, dans d’autres passages, il s’exprime moins fortement, et semble ramener à un sens plus raisonnable et plus admissible cette prétendue absorption en Dieu ; on pourrait même croire qu’il ne s’agit en réalité que d’une métaphore hyperbolique. C’est ainsi, par exemple, que pour nous donner une idée de cet état supérieur, il nous décrit ce moment « où la passion étant vaincue, le devoir accompli et le sacrifice consommé, l’âme est remplie d’un sentiment ineffable, où le moi se trouve absorbé ». Mais il semble impossible qu’il y ait dans l’âme un sentiment ineffable sans qu’elle le sache, sans qu’elle en ait conscience ; et si elle en a conscience le moi n’est pas complètement absorbé, et n’est pas anéanti, comme Biran le disait tout à l’heure. Il dépeint encore cet état supérieur comme étant « le sentiment du repos après et avant l’effort », comme « le calme des sens ou de la chair » ; il l’identifie avec « la charité ou la vie en autrui ». Or, rien de tout cela n’est absorption, anéantissement du moi. Sans doute, le moi doit s’oublier soi-même, s’élever à Dieu, au Beau et au Bien, se répandre dans les autres, et vivre autant qu’il peut dans l’absolu. Mais rien de tout cela n’est sans conscience et par conséquent sans moi. Rien de tout cela ne ressemble au nirvâna bouddhique ; ce n’est pas absorption, c’est au contraire consommation et perfection.

Biran méconnaît cette vérité, lorsqu’il dit que « le moi est le pivot et le pôle des facultés cognitives, et que le non-moi, ou l’absorption du moi dans l’objectif, est la condition première des facultés affectives. Pour connaître, il faut que le moi soit présent à lui-même..., pour aimer, il faut que le moi s’oublie ou se perde de vue, en se rapportant à l’être beau, bon, parfait qui est sa fin 18 ». C’est là, à ce qu’il nous semble, une psychologie très inexacte. Dans les facultés cognitives, comme dans les facultés affectives, le moi s’oublie et se perd de vue, quand il est en présence de l’absolu. Est-ce qu’un géomètre, quand il est tout entier à son théorème, ne s’oublie pas lui-même ? Est-ce que l’histoire si connue d’Archimède ne prouve pas que la connaissance aussi bien que l’amour entraîne l’oubli de soi ? D’un autre côté, cet oubli de soi qui caractérise, je le reconnais, l’état le plus élevé de l’âme, soit dans l’ordre de l’amour, soit dans l’ordre de la connaissance, cet oubli de soi, n’est pas du tout « un non-moi ». Ce n’est pas « l’absorption du moi dans l’objectif pur ». Le moi s’oublie, mais il se sent ; il a conscience de lui-même en autrui et en autre chose. C’est la conscience en autre chose que soi ; mais c’est toujours la conscience. La mère transporte, si vous voulez, sa conscience dans sa fille ; elle se sent en elle ; mais elle continue à se sentir.

Biran dit encore que « l’âme a deux manifestations essentielles : la raison et l’amour. L’activité personnelle est la base de la raison : c’est la vie propre de l’âme. L’amour est une vie communiquée, et comme une addition de sa vie propre, qui lui vient du dehors et de plus haut qu’elle, savoir l’esprit-amour qui souffle où il veut. L’activité du moi n’a aucune influence directe sur les sentiments du cœur ou de l’amour. Nous ne pouvons que nous prêter à la réceptivité de l’esprit (c’est-à-dire désirer et prier19. » Puis, sans s’apercevoir qu’il se contredit, il ajoute que notre liberté « ne consiste qu’à nous disposer de manière à recevoir des idées et des sentiments ». Mais si cela est vrai des idées aussi bien que des sentiments, l’activité personnelle n’est donc pas plus le pivot de la raison que du cœur. Et, en effet, la liberté ne suffit pas plus pour connaître que pour aimer. Vouloir n’est pas plus connaître que jouir ; et nous ne pouvons pas plus par notre volonté créer la vérité que le bonheur. Réciproquement, si la liberté, le moi, le vouloir est indispensable pour connaître, il ne l’est pas moins pour jouir et pour aimer. Que ce soit « une grâce » divine qui produise les idées et les sentiments, je le veux bien ; mais c’est à la condition qu’il y ait un moi pour les recevoir et pour se les approprier, ou pour s’y assimiler ; autrement, il en serait de la grâce comme de la pluie qui tomberait sur une pierre : ce serait toujours de la pluie, mais elle ne servirait à rien.

La même réserve étant faite une fois pour toutes, et si l’on veut bien admettre que l’absorption du moi ne signifie que le sentiment du moi en autre chose que lui-même, nous pourrons jouir avec sécurité des belles pages de Maine de Biran, où il a reproduit en son propre nom, et par suite d’expériences intérieures, les plus nobles pensées des mystiques. Il remarque, par exemple, « qu’il y a des âmes qui ont la faculté de voir ou plutôt de sentir immédiatement ce qui est respectivement dans chacune d’elles sans l’intermédiaire des sens extérieurs ». Il peut donc y avoir un langage semblable entre l’âme humaine et l’esprit divin. Il dit encore avec raison « que le véritable amour consiste dans le sacrifice entier de soi-même à l’objet aimé ». C’est dans cette abnégation même que « l’âme trouve son repos ». Mais comment faire un pas en dehors de nous-mêmes, « si Dieu ne nous soutient » ? C’est donc Dieu qui est le principe du sacrifice et qui en est en même temps le dernier objet : « Dieu est à l’âme ce que l’âme est au corps. » Dans cette vie, l’homme ne communique avec Dieu que par son âme, c’est-à-dire par les facultés actives et cognitives ; Mais il y a une vie supérieure, où la communication pourra être plus intime et plus directe. « Je viendrai avec mon père, a dit Jésus-Christ. C’est alors que la pensée et son objet, l’amour et l’être aimé, seront fondus en un 20. »

Tel est le dernier mot de la philosophie de Biran. Comme Fichte 21, ce philosophe de la volonté a fini par la philosophie de l’amour. L’un et l’autre ont senti que le moi ne se suffit pas à lui- même, et qu’il ne suffit pas de vouloir, mais qu’il faut vouloir quelque chose. Ils ont vu que le but idéal de la volonté ne peut être la lutte et le combat, mais la paix et le repos. Ils ont vu que le moi, sans se perdre dans l’égoïsme, ne peut rester éternellement attaché à lui-même. Ils ont donc admis tous deux, au-dessus des sens, au-dessus de la volonté, une vie supérieure : la vie de l’esprit, la vie de la grâce, la vie de l’amour. Biran a peint cette troisième vie en termes émus, où l’on sent l’influence à la fois de Fénelon et de l’Imitation. On ne peut nier et cette troisième vie et sa supériorité sur les deux autres : c’est par là que le quiétisme et le mysticisme sont vrais ; mais encore une fois, à la condition que cet état supérieur ne soit pas considéré comme l’absorption, l’anéantissement du moi, mais comme sa consommation. Ce n’est pas la perte, c’est l’accomplissement de la personnalité. L’amour est le plus haut terme de notre existence ; mais il faut un sujet qui aime. Le moi aimant aussi bien que le moi pensant n’est pas au-dessus de la personne humaine, c’est la personne elle-même.

Nous venons de comparer Biran à Fichte. On peut le rapprocher également d’un autre philosophe allemand, devenu célèbre, Schopenhauer. Comme Biran, ce philosophe trouve dans le sujet manifesté à lui-même dans la conscience par la volonté cette réalité que les purs concepts de l’esprit ne peuvent pas nous donner. La volonté, c’est-à-dire la force, est le vrai principe réel et substantiel de la nature. C’est pour avoir méconnu ce principe que Kant a nié toute objectivité et que les trois Sophistes (c’est ainsi que Schopenhauer nomme Fichte, Schelling et Hegel) ont tout ramené à l’Idée et au Moi. Schopenhauer cependant n’est pas un réaliste absolu comme Herbart ; mais il représente un point de vue intermédiaire entre les deux écoles à peu près, pour ne rien forcer, comme Biran lui-même entre Kant et Leibniz. Ce n’est pas là d’ailleurs la seule ressemblance qui les unisse : car Schopenhauer, après avoir posé la volonté comme principe, propose à l’homme comme fin dernière, aussi bien que Biran, l’anéantissement de la volonté. L’un et l’autre finissent par le nirvâna. Chez l’un, cependant, c’est le nirvâna athée ; chez l’autre c’est un nirvâna chrétien ; chez Biran, c’est l’absorption en Dieu ; chez Schopenhauer, c’est l’absorption dans le vide : chez l’un c’est le désir du bien suprême et l’effort exalté d’une âme tendre, qui ne s’oublie jamais assez elle-même ; chez l’autre c’est l’horreur de la vie, qu’il se représente sous les couleurs les plus noires, et la révolte d’une âme aigrie contre la destinée. Les sentiments qui les animent sont donc profondément différents ; mais au fond et rigoureusement parlant les deux doctrines ne diffèrent pas essentiellement ; car celui qui aspire à perdre sa personnalité, indique bien par là que la vie consciente et active lui est douloureuse et pesante et par conséquent qu’elle est un mal ; et celui qui demande à se perdre dans le vide, se représente, mal gré qu’il en ait, ce vide comme un bien supérieur à toute réalité sensible, et pour lui le vide est Dieu.

Quoi qu’il en soit de ces rapprochements, il semble bien résulter de cette triple expérience (Biran, Fichte, Schopenhauer) que la philosophie de la volonté n’est pas suffisante et qu’elle ne peut pas être la dernière philosophie. Là est la radicale faiblesse du pélagianisme : la volonté ne peut pas tout, elle n’est pas tout. Mais aussi rien n’est possible sans elle ; aimer n’est rien sans vouloir, vouloir n’est rien sans aimer. C’est une chimère malsaine de croire que la plus haute manière d’être est de ne pas être. Que cette chimère soit le rêve de la piété ou le défi de l’athéisme, elle n’en révolte pas moins les lois fondamentales de la vie.

Nous ne nous séparerons pas de Maine de Biran sans remercier et féliciter le savant éditeur genevois M. Ernest Naville, digne héritier de son père dans cette tâche difficile, du soin infini et du zèle désintéressé qu’il a consacrés à la gloire d’un philosophe dont il n’est pas même le compatriote : chrétien fidèle et convaincu, il n’a pas considéré la philosophie comme une ennemie, et n’a pas craint de consacrer plusieurs années de recherches et de peines à publier les écrits d’un penseur qui n’a touché au christianisme que dans les dernières années de sa vie, et encore qui y était entré beaucoup plus par le cœur que par la foi. Ce bel amour de la science libre, uni chez M. Ernest Naville à la foi la plus libre et aussi la plus éclairée, mérite au plus haut degré notre estime et notre respect. Remercions Genève de ce culte envers une gloire française, de ce service rendu à la philosophie : ce n’est pas le seul que lui doivent la science et la liberté.

 

 

 

Paul JANET, Les maîtres de la pensée moderne, 1883.

 

 

 

 

 



1 Œuvres inédites de Maine de Biran, publiées par Ernest Naville, Paris, 1959. Déjà, dans nos Problèmes du XIXe siècle (I. IV, c. 2), nous avons signalé le rôle considérable de Maine de Biran dans la philosophie spiritualiste de notre temps : mais nous nous étions surtout efforcé d’en développer librement et à notre propre point de vue la pensée fondamentale. Ici, notre travail est exclusivement historique, et a pour but de faire connaître les derniers écrits de ce puissant penseur. Voir sur Maine de Biran et sur ses écrits le remarquable article de M. Naville dans le Dictionnaire des sciences philosophiques.

2 Il ne s’agit pas d’un christianisme dogmatique et littéral. (Biran n’a jamais été jusque-là), mais d’un christianisme de sentiment.

3 Outre ces deux nouvelles, dont le second à lui seul remplit avec l’introduction de l’éditeur les deux premiers volumes, l’édition nouvelle contient encore un Examen étendu et très intéressant des opinions de M. de Bonald.

4 Essai sur les facultés de la psychologie, tome I, p. 47. Cette théorie de l’effort volontaire comme fait constitutif de conscience est commun à la fois à Biran et à Ampère. La part d’originalité propre à chacun d’eux est difficile à faire. Ampère a essayé lui-même de faire cette part d’une manière qui lui paraît équitable dans une de ses lettres à Maine de Biran. (Voir Philosophie d’Ampère, publiée par Barthelemy Saint-Hilaire, Paris, 1866, p. 330.)

5 Ibid., p. 55.

6 Ibid., p. 132.

7 Ibid., p. 132.

8 Ibid., p. 55.

9 Œuvres inédites, t. II, page 18.

10 Ibid., p. 227.

11 Ibid., p. 225.

12 Ibid., p. 273.

13 T. III, Anthropologie, p. 355.

14 Ibid., p. 350.

15 Anthropologie, p. 517.

16 Ibid., p. 519.

17 Ibid., p. 521.

18 Ibid., p. 529.

19 Ibid., p. 541.

20 Ibid., p. 550.

21 Voir l’ouvrage de Fichte intitulé : Méthode pour arriver à la vie bienheureuse.

 

 

 

 

 

 

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