Hommage

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

MADELEINE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À Laure Conan.

 

 

« L’Oublié », cette œuvre émue de souvenirs anciens, de Laure Conan, vient d’être couronnée par l’Académie Française 1. La valeur littéraire de notre éminente romancière a donc été sanctionnée par le plus haut tribunal du monde. Cette nouvelle a été accueillie avec une joie douce par celle qui, jadis, toute jeune alors, regardait, avec de l’adoration plein les yeux, passer la silhouette grave de la grande Canadienne. Dans ce regard il y avait presqu’une prière. Laure Conan l’a-t-elle comprise et, dans une caresse sur les boucles rebelles de la fillette d’antan, a-t-elle laissé tomber les toutes petites miettes de son immense talent ?

Par une aspiration infinie dont le désir repose dans le coin encore fermé d’une petite âme, toute mon affection, faite de respect et d’admiration indéfinie, s’en allait sur les pas de Laure Conan, alors que fillette, j’habitais le même coin de pays.

Laure Conan est une pieuse ; tous les matins d’été elle quitte sa villa fleurie pour l’église du village où elle entend la messe. J’aimais à me blottir dans un banc voisin pour la regarder gravement priante ; il me semblait, dans ma naïve croyance, que le bon Dieu devait être bien content d’être prié par elle. Mon imagination, dans de subites ferveurs, s’envolait vers des sommets où tout était d’un confus sublime...

Oh ! les bonnes petites années de mes tout petits ans, éclairées par votre silencieuse présence, chère Laure Conan, j’en garde toujours l’émue souvenance. Vous avez été l’inspiratrice de maintes heures heureuses, sous l’ombrage de « l’allée des saules », et toujours, les grandes femmes des romans imaginés par mes dix ans avaient quelque chose de vous. Vous étiez l’héroïne mystérieuse errant dans les jardins impeuplés de mon imagination d’enfant, et pendant ces promenades où je vous suivais les yeux clos, avez-vous entr’ouvert le coin fermé de mon âme, et d’une main généreuse y laissâtes-vous tomber ce je ne sais quoi qui, depuis lors, s’agite en moi ?

Pour avoir suivi votre prière qui montait sous la voûte de la toute humble église de là-bas, pour avoir vu votre regard s’emplir de nos horizons, pour avoir respiré l’air des mêmes montagnes, pour avoir entendu les chansons des mêmes oiseaux, pour avoir reçu les mêmes impressions dans ce coin unique de grâce et de poésie qu’est la petite Malbaie, nos âmes ne sont-elles pas un peu sœurs, unies par la chaîne double de votre bienveillance affectueuse, de mon admirative tendresse ?

Par le seul prestige de votre exemple vous avez orienté la petite payse dans la voie littéraire où elle marche encore bien trébuchante, mais pleine d’ardeur, les yeux rivés sur le grand modèle.

On vous jette des lauriers, les plus beaux et les plus glorieux, ceux fleuris sur le sol de la France doulce, aussi me voyez-vous à genoux ramassant les couronnes données à votre talent, en revoyant tout le passé, mon joli passé !

 

 

MADELEINE, Tout le long du chemin, 1912.

 

 

 

 

 

 



1 Juin 1903.

 

 

 

 

 

 

 

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