Marceline Desbordes-Valmore

(1786-1859)

 

Notice biographique extraite de :

Jeannine MOULIN, La poésie féminine, Seghers, 1966.

 

 

 

 

Marceline Desbordes-Valmore est née à Douai, de Félix Desbordes, doreur et peintre en armoiries, et de Catherine Lucas. Vers 1799, elle part avec sa mère pour la Guadeloupe dans l’espoir d’obtenir l’aide d’un cousin qui y a fait fortune. À leur arrivée, le cousin est mort, une révolte a éclaté dans l’île, une épidémie de fièvre jaune se déclare. Mme Desbordes en est atteinte et meurt. Dès son retour en France, Marceline devient actrice. De 1803 à 1807, elle joue successivement à Rouen, à Paris, à Lille et à Bruxelles. En 1813, elle est engagée à l’Odéon et en 1815 au théâtre de la Monnaie, où elle est Rosine dans Le Barbier de Séville. C’est à Lyon, en 1823, que se termine sa carrière théâtrale.

Trois dates marquent sa vie amoureuse. En 1809, elle rencontre Henri de Latouche qui devient son amant et qui est vraisemblablement le père de Marie-Eugène. Cet écrivain de talent lui donna des conseils éclairés. D’un naturel instable et tourmenté, il rompit deux fois avec elle pour reparaître lorsqu’il la sut mariée.

En 1817, en effet, Mlle Desbordes avait épousé Prosper Valmore, comédien sans grand talent qui la fit vivre dans la médiocrité. Profondément épris de sa femme, il lui permit pourtant de publier des poèmes d’amour dont il n’était pas le héros. L’auteur des Pleurs s’attacha à lui par le cœur et par les sens. En 1851, enfin, ce fut la mort de Latouche et le grand aveu d’une âme meurtrie que Sainte-Beuve réussit à arracher à Marceline dans la lettre où elle s’écrie : « ... je n’ai pas défini, je n’ai pas deviné cette énigme obscure et brillante. J’en ai subi l’éblouissement et la crainte... »

Des quatre enfants qu’elle eut durant son mariage, Hippolyte, l’aîné, est le seul qui lui ait survécu. Ses trois filles – Junie, Inès et Ondine, qui était probablement la fille de Latouche – sont mortes de son vivant.

À partir de 1833, elle résida le plus souvent à Paris mais séjourna quelquefois en province – à Lyon et à Orléans – et deux fois à l’étranger : à Milan, où elle suivit son mari dans une tournée qui fut un désastre, et en Angleterre, où se trouvait sa fille Ondine, chez le docteur Curie qui la soigna. Ses dernières années furent assombries par la misère et la maladie. Elle mourut d’un cancer en 1859; on l’enterra civilement ainsi qu’elle en avait exprimé la volonté.

Harcelée sans cesse par les difficultés matérielles et les tourments du cœur, frappée par la perte de ses proches, Marceline Valmore n’en a pas moins laissé une œuvre abondante dont les contes, les récits et romans historiques présentent moins d’intérêt que son œuvre poétique. Les négligences, les fautes de syntaxe et le sentimentalisme qu’on lui a parfois reprochés apparaissent surtout dans les pièces pour enfants, les plus répandues, hélas ! Par contre, on ignore généralement les chefs-d’œuvre que sont Le rêve intermittent d’une nuit triste et les chants aux victimes de la révolte lyonnaise de 1834. Ce poète, à la fois connu et méconnu, offre une exceptionnelle diversité de thèmes et de rythmes. Regrets de l’enfance, amour, amitié, sentiment maternel, mort et au-delà sont exprimés avec une même aisance en alexandrins ou en octosyllabes, en hendécasyllabes ou en mètres brefs.

Tout est jeu musical dans son art marqué par l’étude et la pratique du chant. À quoi s’ajoute un don de rendre l’impétuosité de la passion qui est aussi l’apanage des grands romantiques, ses cadets. On a de bonnes raisons de croire que Vigny, Hugo et Musset ont été frappés par son lyrisme torrentueux. En écrivant sans se soucier de réminiscences intellectuelles ou de partis pris littéraires, elle ne fait pas autre chose que la plupart des femmes poètes de son temps. Mais ce qui la différencie d’elles, c’est l’art de fixer, au moyen des termes les plus frappants, les émotions éparses, confuses, telles qu’elles sont dans leur premier état, toutes vibrantes encore de la transe qui les a fait jaillir. Une intuition géniale lui permet de trouver dans l’immédiat les expressions percutantes qui s’adaptent exactement au choc ressenti.

Le succès qu’elle a connu de son vivant n’a cessé de croître depuis un siècle.

Sainte-Beuve : « Les larmes lui tombèrent dans la voix et c’est ainsi qu’un matin l’élégie vint à éclore d’elle-même sur ses lèvres. »

Les plus misogynes l’encensent. Baudelaire : « Personne n’a pu imiter ce charme, parce qu’il est tout original et natif. »

Verlaine : Elle a « le premier d’entre les poètes de ce temps employé avec le plus grand bonheur des rythmes inusités. »

Et les éloges affluent plus que jamais de nos jours.

Pour Gaétan Picon, « Marceline Desbordes-Valmore est l’un des grands poètes du romantisme » dont il définit ainsi la poésie : « larges mouvements d’envol triste et de chute pacifiée où le vers, avec l’envergure d’un vaste oiseau blessé, tournoie, s’abat, se relève ou se déploie avec les arabesques contrariées de longues branches, soudain interminables, frêles et lourdes comme la tristesse ou l’espoir... »

 

OEUVRES : Les Élégies, Marie et romances, Paris, Fr. Louis, 1819. Poésies, Paris, Fr. Louis, 1820. Poésies, Paris, Th. Grandin, 1822. Élégies et poésies nouvelles, Paris, Ladvocat, 1825. Poésies, Paris, A. Bouland, 1830, 2 vol. Album du jeune âge, Paris, A. Bouland, 1830, 2 vol. Les Pleurs, poésies nouvelles, préface d’Alex. Dumas, Paris, Charpentier, 1833. Pauvres fleurs, Paris, Dumont, 1839. Contes en vers pour les enfants, Lyon, Boitel, 1840. Le livre des mères et des enfants, Lyon, Boitel, 1840, 2 vol. Bouquets et prières, Paris, Dumont, 1843. Les Anges de la famille, Paris, Desesserts, 1849. Poésies inédites, publiées par Gustave Révilliod, Genève, Jules Fick, 1860; in Mme Desbordes-Valmore, sa vie et sa correspondance par Sainte-Beuve, Paris, Levy, 1870; in Marceline Desbordes-Valmore, une étude par Jeanine Moulin, inédits, oeuvres choisies, bibliographie, etc., Paris, Seghers, collection « Poètes d’aujourd’hui », 1955.

 

 

 

 

 

 

 

www.biblisem.net