Marguerite de Navarre

(1492-1549)

 

Notice biographique extraite de :

Jeannine MOULIN, La poésie féminine, Seghers, 1966.

 

 

 

 

Marguerite de Navarre chérissait avec une attentive sollicitude son frère François Ier et sa fille, Jeanne, la future mère d’Henri IV. Elle aima avec abnégation son mari, Henri d’Albret, dont les infidélités la faisaient profondément souffrir. Elle protégea quantité d’écrivains (Marot, Dolet, Des Périers, Rabelais), correspondit avec des humanistes (Briçonnet, Lefèvre d’Étaples), subit l’influence des platoniciens (Marsile Ficin, Nicolas de Cuse), s’initia aux doctrines des réformateurs et des dissidents (Calvin, Luther, les libertins spirituels). « Douce sans faiblesse, magnifique sans vanité », sa nature rêveuse et recueillie ne l’empêcha nullement de jouer un rôle actif au cours de la captivité de François Ier en Espagne. Vivant à Fontainebleau, à Pau ou à Nérac, la sœur du roi participa aux événements politiques de son temps et encouragea tout ce que la France comptait alors d’artistes, d’intellectuels ou de penseurs.

Chacun de ces aspects de son être suffirait à éveiller l’admiration; mais les voir réunis en une seule femme !

Tant d’intelligence, de mesure et de bonté font de Marguerite d’Angoulême, duchesse d’Alençon, reine de Navarre, une des plus rayonnantes figures de la littérature française : « Corps féminin, cœur d’homme et tête d’ange », a-t-on écrit.

En dépit des imperfections et des longueurs qu’on peut lui reprocher, elle a laissé une œuvre originale et puissamment construite.

Son Heptaméron demeure célèbre à juste titre mais sa poésie devrait l’être tout autant. La lyrique musicalité de ses Chansons spirituelles, parues bien avant la publication des odes de la Pléiade, ne l’oublions pas, lui donne droit à une place importante parmi les poètes animés d’une foi pieuse. Sans compter tant d’écrits qui devraient être révélés au public : Le Triomphe de l’agneau inspiré de Saint Jean, L’Oraison de l’âme fidèle, La complainte pour un détenu prisonnier, Le Navire, où désespérée par la perte d’un frère inoubliable, Marguerite nous apparaît comme la première d’une lignée de sœurs magnanimes (Jacqueline Pascal, Lucile de Chateaubriand, Eugénie de Guérin).

Ses opinions religieuses ont fait couler beaucoup d’encre. Sa première oeuvre, Le Miroir de l’âme pécheresse, a été condamnée par la Sorbonne. Elle est influencée par les libertins spirituels de son temps et manifeste un intérêt nuancé de sympathie pour les doctrines protestantes. Elle recommande de lire la Bible et ne croit pas aux œuvres, tout en les pratiquant. Dans l’ensemble pourtant, son orthodoxie ne fait aucun doute. Au fond, sa foi fait penser tantôt au mysticisme de Sainte Thérèse, tantôt au quiétisme de Mme Guyon. Henri Jourda, son remarquable biographe, lui découvre un appétit illimité de savoir et une inassouvissable soif d’amour qui, après s’être manifestée sur le plan humain, s’étancha aux sources du divin.

Dans sa Comédie jouée au Mont de Marsan, le personnage de « la Ravie de l’amour de Dieu, la bergère » chante un credo qui semble bien traduire l’aboutissement de son ascèse morale et pourrait en quelque sorte lui servir d’épitaphe :

            Jamais d’aimer mon cœur ne sera las...

La générosité et la grandeur de cet esprit passionné par la connaissance du bien, du juste et du beau n’ont pas échappé aux critiques littéraires.

Sainte-Beuve : « Il est bon qu’il y ait de telles âmes éprises avant tout de l’humanité et qui insinuent à la longue la douceur dans les mœurs publiques et dans les lois restées jusque-là cruelles... »

Albert-Marie Schmidt : « Par Marguerite d’Angoulême et par ses amis humanistes, la femme est désignée pour jouer le rôle de précepteur de la France et de censeur de ses erreurs affectives... »

Abel Lefranc : « La poésie religieuse et philosophique, celle qui ne craint pas de laisser au second plan les joies et les plaintes de l’amour pour s’attacher de préférence aux grands problèmes et aux anxiétés qu’ils provoquent dans l’âme humaine, est, pour une grande part, redevable à Marguerite de son existence... »

 

OEUVRES : Le miroir de l’âme pécheresse, Alençon, maître Simon Dubois, 1531. Les marguerites de la Marguerite des princesses, Lyon, Jean de Tournes, 1547 (Rééd. par F. Frank en 1873). Dernières poésies, publiées par Abel Lefranc, Paris, Colin, 1896. Théâtre profane, publié par V. L. Saulnier, Paris, Droz, 1946.

 

 

 

 

 

 

 

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