Brève histoire du mont Saint-Michel

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

Jean PHAURE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MERVEILLE de l’Occident, phare spirituel de notre petite pointe d’Eurasie, Millénaire de patience et de foi, le mont Saint-Michel s’élève au creux de la baie qui porte son nom entre Bretagne et Normandie comme un surnaturel bouton de Rose au-dessus du miroir virginal de la mer. Car le symbole est ici magnifiquement manifesté de ce que nous cherchons ailleurs souvent en vain : l’éclosion d’une visible réalisation spirituelle incarnée au-dessus du plan de réflexion des Eaux-Mères. Le mont Saint-Michel se dresse au-dessus de sa plaine de sables et d’eaux comme un Graal visible.

Mais depuis quand ce céleste vaisseau est-il ancré sur les rivages de notre Occident ? Et depuis quand le nom de saint Michel lui est-il attaché ?

Il s’avère à présent indéniable qu’aux temps celtiques une grande étendue boisée, la forêt de Scissy occupait la région. Au-dessus de ses frondaisons pointaient trois éminences, le mont Dol, le mont Tombella (Tombelaine) et celui qui nous occupe, le mont Tombe, le futur mont Saint-Michel. Le mont Dol possédait un temple à Mithra qui deviendra au moyen âge un prieuré de saint Michel. Au début de notre ère, des ermites irlandais habitent le mont Tombe et y élèvent deux oratoires : l’un à saint Étienne, l’autre à saint Symphorien.

Dans une nuit d’octobre 708, l’Archange saint Michel apparaît à l’évêque d’Avranches, Aubert, et lui ordonne d’établir sur le mont Tombe un oratoire analogue à celui du mont Gargan en Italie, où en 492, à la suite d’un songe également, l’évêque Siponto, avait bâti un sanctuaire à saint Michel à la place d’un lieu de culte consacré à Mithra. L’évêque Aubert est très ébranlé. Le songe se répète. L’évêque hésite jusqu’au jour où lors d’une apparition l’Archange le touche et lui ouvre une cavité dans la tête... Un premier oratoire est construit. L’évêque envoie des clercs au mont Gargan chercher des reliques. Ces hommes à leur retour n’en croient pas leurs yeux : la plus grande partie de la forêt de Scissy a fait place à un large golfe : le raz-de-marée de 709 a transformé le mont Tombe en « mont Saint-Michel au péril de la mer »...

Un collège de douze chanoines, qui y restera deux siècles et demi, est institué par l’évêque Aubert, que nous connaissons sous le nom de saint Aubert, et dont les « pouvoirs » vont jusqu’à faire jaillir dans le mont une source qui porte son nom. Dès le IXesiècle, le mont devient lieu de pèlerinage. Charlemagne prend saint Michel comme patron de son empire. Fuyant les dévastations des Vikings, des populations viennent fonder un premier village au pied du mont.

Les mœurs des premiers chanoines s’étant paraît-il relâchés, le petit-fils de Rollon, le duc de Normandie Richard Ier Sans Peur, les renvoie et les remplace par douze moines bénédictins venus de l’abbaye de Saint-Wandrille. Ceci se passait en 966, il y mille ans, et c’est cet évènement qui marque le début de l’essor du mont Saint-Michel que célèbrent les fêtes de 1965 et 1966.

Un terrible incendie vient en 992 détruire le premier monastère dont il ne nous reste que peu de traces. Les moines aidés par le duc rebâtissent celui-ci sur des plans plus vastes, autant que le permet l’exiguïté du lieu : ce qui va être le chef-d’œuvre roman du mont Saint-Michel, l’église abbatiale, sort peu à peu de terre à partir de 1023. Irrésistiblement, la renommée surnaturelle certes, mais aussi intellectuelle et artistique de l’abbaye du mont, se répand à travers l’Europe. On vante cette « Cité des Livres » où s’élaborent les plus beaux manuscrits de la Chrétienté. « L’esprit clunisien », « l’école d’Avranches » et même des abbayes comme celle du Bec Hellouin participent de cette ère brillante de spiritualité.

En ce milieu du XIIesiècle s’élève le premier clocher de pierre à la croisée du transept : le mont commence à ressembler à la silhouette que nous lui connaissons.

Le XIIIesiècle s’ouvre tragiquement : lors du siège mis devant le mont par Guy de Thouars, allié de Philippe Auguste, le village du mont et une partie de l’abbaye sont incendiés. Le roi aide largement les moines à reconstruire. C’est alors le sommet architectural du mont : sous la direction de l’abbé Raoul des Isles (1212-1228) s’élève ce qu’aussitôt on nomme « La Merveille » : au-dessus des fondations du XIIesiècle, cet énorme vaisseau vertical étageant sur le flanc nord du mont six grandes salles gothiques audacieusement réparties sur trois étages. Par sa hardiesse architectonique et la délicatesse de la décoration, le corps central de l’abbaye gothique du mont Saint-Michel est le digne contemporain des cathédrales de Chartres, de Reims et d’Amiens, et ajoute un joyau supplémentaire à l’incomparable couronne du premier Grand Siècle français : le XIIIe.

Par deux fois, en 1256 et 1264, saint Louis, roi pèlerin, vient fouler les vives céramiques des salles de la neuve « Merveille ». Après un nouvel incendie allumé dans l’église par la foudre en 1300, l’abbé Guillaume Du Château reconstruit une nouvelle tour lanterne. En somme, chaque nouvelle catastrophe est le germe d’une nouvelle splendeur.

Hélas ! c’est le terrible XIVesiècle qui s’annonce avec son cortège de déchirements, de luttes et de souffrances. Les abbés fortifient le mont. Bien leur en prend : dès les premiers désastres français, le mont Tombelaine voisin sert de forteresse aux Anglais. En 1420, l’année même du honteux traité de Troyes, l’abbé du mont, Robert de Jolivet, pensant comme beaucoup de Français la cause de Charles VI perdue, offre l’abbaye-forteresse du mont Saint-Michel au duc de Bedford, le régent anglais du royaume de France. Mais il n’est plus dans la place, et celle-ci résiste. L’abbé dirige le siège contre sa propre abbaye, aidé financièrement par l’évêque de Beauvais Pierre Cauchon. Jolivet et Cauchon, on le sait, se retrouveront à Rouen au procès de Jeanne !

Mais le mont résiste héroïquement et ajoute à son auréole mystique le prestige d’une authentique gloire militaire. En 1421, un malheur de plus : le chœur roman de l’abbaye s’écroule.

En 1425, à bout de vivres et de forces, les assiégés sont délivrés par une flotte malouine. Mais les Anglais ne veulent pas lâcher leur proie. Jeanne d’Arc, fidèle à sa mission michaëlienne, nourrit le projet d’aller délivrer le mont de l’Archange : la trahison de Compiègne et le bûcher de Rouen la terrassent. Enfin, en 1450, après cette résistance légendaire, les Anglais abandonnent Tombelaine et le siège du mont. Avec Jeanne, celui-ci avait été l’âme de 1a résistance française.

Louis XI, qui en 1469 crée l’Ordre de Chevalerie de Saint-Michel, par trois fois vient en pèlerinage au mont, et voit s’élever une nouvelle merveille architecturale : le nouveau chœur gothique de l’église abbatiale sur un arc-boutant de laquelle monte « l’escalier de dentelle ». Le roi ajoute au blason de l’abbaye semé de dix coquilles trois fleurs de lys sur champ d’azur.

Ce sont les dernières splendeurs. Une fâcheuse disposition juridique et politique vient sonner l’ère du déclin pour l’abbaye du mont Saint-Michel. Signé entre François Ier et le pape Léon X, le Concordat de 1516 instaure l’absurde régime de la commende : non plus désormais élus par la communauté des moines, les abbés sont désignés par le roi lui-même ; le souci de la sauvegarde religieuse du monastère est bafoué pour la seule considération du bénéfice honorifique et vénal de la charge attribuée à des personnages qui parfois... sont des enfants au berceau !

Bien qu’au cœur même des guerres de religion Charles IX vienne péleriner au mont (et c’est le dernier roi de France, hélas, qui se souvienne du pèlerinage fondamental de la France Chrétienne ; aucun autre monarque ne visitera plus le « phare de Monsieur Saint-Michel »...), l’abbaye éprouve durement les souffrances de la guerre intestine. Les protestants y ajoutent siège après siège. En vain... Mais ruines, morts et souffrances s’accumulent.

Le second « grand siècle », ce XVIIesiècle que Daniel-Rops a justement appelé le « grand siècle des âmes », et en particulier le règne de Louis XIII, celui de saint Vincent de Paul, de saint François de Sales, de Jean Eudes, de M. Olier, etc., est pour l’abbaye du mont Saint-Michel un temps d’apaisement et de ressourcement. Lourde était la tâche à accomplir : le cardinal Bérulle lui-même, chargé de l’administration du mont, échoue d’abord et n’arrive ni à maîtriser le désordre de la vie conventuelle ni à intéresser les religieux incultes et même hostiles à la restauration matérielle de l’abbaye... Mais en 1622 celle-ci est agrégée à la Congrégation des Pères bénédictins de Saint-Maur. Sous la règle de saint Benoît, la prière, l’étude et l’érudition règnent à nouveau. La bibliothèque se développe et devient une des plus riches du monde. Hélas, si les nouveaux religieux œuvrent de magnifique façon sur les plans mystique et intellectuel, ils partagent le mépris du temps pour l’art médiéval : ils ne voient dans la châsse délicatement ouvragée dans le granit qu’est devenu le mont qu’une coquille vide à aménager, et ils se comportent à son égard en véritables vandales : ils divisent en deux étages la magnifique salle du réfectoire des moines, en élargissent brutalement les fenêtres en brisant colonnettes et chapiteaux ; font leur cuisine d’une partie de la salle des hôtes, coupent par un plancher la chapelle Sainte-Madeleine dont la partie inférieure devient buanderie, défigurent le porche de la Merveille, démolissent l’absidiole du croisillon nord pour y placer un escalier, etc. Enfin, lorsqu’en 1780 les trois premières travées de la nef romane donnent des signes de fatigue, il ne leur vient pas à l’idée que celles-ci puissent être consolidées : ils les abattent avec la façade du XIesiècle et plaquent sur la nef tronquée l’insignifiante et morne façade que nous y voyons encore aujourd’hui.

À tout cela une autre misère s’ajoutait peu à peu qui allait peser de plus en plus lourd dans la déchéance du mont : l’utilisation de celui-ci comme prison. Si aucun document ne fait état d’une présence de captifs avant le XVesiècle, on enregistre l’incarcération de 153 détenus « par ordre du roi » entre 1666 et 1789. Mais comme l’on pense bien, la Révolution, tout en ayant le front d’appeler le mont « Mont Libre », s’empresse de suivre un si bon exemple : en 1789, elle « libère dans l’enthousiasme » les dix captifs présents pour y incarcérer aussitôt... trois cents prêtres « réfractaires à la constitution républicaine ». En même temps commence le saccage : le trésor est dispersé, les châsses sont fondues, les reliques profanées, les cloches envoyées sur le continent, et enfin la majeure partie de la bibliothèque s’envole dans les flammes. Quelques manuscrits enluminés échappent au désastre et atteignent Avranches où ils forment le fonds prestigieux de sa bibliothèque.

Les gouvernements successifs du XIXesiècle, de l’Empire à la seconde République, continuent à ne voir dans le mont Saint-Michel qu’une maison de force. Le gouvernement de juillet en fait même une prison politique : à côté de Mathurin Bruneau, l’un des quarante-trois faux Louis XVII, on trouve Barbès et Blanqui. Comme on s’en doute, l’administration pénitentiaire pour qui l’archéologie et la notion même d’œuvre d’art architectural sont notions inconnues ne se fait pas faute de poursuivre le travail de mutilation commencé par les moines de la congrégation de Saint-Maur. Non seulement rien n’est entretenu (l’hôtellerie du XIIesiècle s’écroule en 1817), mais on continue à surcharger les bâtiments de la Merveille par des constructions adventices : les grandes salles qui servent d’atelier sont cloisonnées, coupées par des planchers, la nef et les transepts de l’église sont divisés en deux étages. En 1834, un incendie prend naissance dans la nef, qui sert d’atelier de fabrication de chapeaux de paille, et en détruit complètement les combles.

La réhabilitation du moyen âge par le Romantisme attire cependant peu à peu l’attention des écrivains et des artistes sur le sort lamentable du Mont et sa splendeur profanée. Qu’on ne croie pas cependant que le sentiment est unanime. Il est encore des « esprits forts » pour vomir le mépris : dans les Mémoires d’un touriste (1838), Stendhal écrit :

 

En faisant à pied la longue montée qui précède les premières maisons d’Avranches, j’ai eu une vue complète du mont Saint-Michel qui se montrait à gauche dans la mer, fort au-dessous du lieu où j’étais. Il m’a paru si petit, si mesquin, que j’ai renoncé à l’idée d’y aller...

 

Heureusement, l’admiration demeure intacte chez d’autres comme, avant tout autre, Victor Hugo qui, dans une lettre de Coutances datée du 28 juin 1836, s’exclame :

 

J’ai visité en détail et avec soin le château, l’abbaye, les cloîtres. C’est une dévastation turque ! Figure-toi une prison, ce je ne sais quoi de difforme et de fétide qu’on appelle une prison, installée dans cette magnifique enveloppe du prêtre et du chevalier au XIVe siècle. Un crapaud dans un reliquaire ! Quand donc comprendra-t-on en France la Sainteté des monuments ?...

 

Gustave Flaubert, relatant dans Par les champs et par les grèves son voyage de 1847, écrit :

 

La casquette du garde-chiourme passe le long de ces murs où l’on voyait rêver jadis le crâne tonsuré des vieux bénédictins travailleurs, et le rabot du détenu bruit sur ces dalles que frôlaient les robes des moines soulevées par les grosses sandales de cuir qui se ployaient sous leurs pieds nus...

 

Enfin, Viollet-le-Duc, qui n’est pas seulement le grand architecte et le grand dessinateur que nous connaissons mais aussi un véritable poète en prose, nous communique son enthousiasme dans deux lettres de mai et juin 1835 (il a 21 ans) :

 

« Par un temps brumeux, le sac au dos et le pantalon retroussé jusqu’aux genoux, nous avons traversé les deux lieues de grèves (pieds nus) qui sont entre le mont et Avranches... » « Il faut en entrant ici quitter toute idée de notre civilisation, il faut pour ainsi dire s’identifier avec les monuments... pour bien comprendre ce qu’il y a de vraiment beau dans cet amas de pierres... Non, il est impossible à nous, hommes du XIXe siècle, de comprendre tout ce qu’il y a de beau ici ; à nous, habitués au confortable, aux petitesses de la civilisation... » « La veille de notre départ, nous étions sur la grande terrasse..., laquelle domine toutes les grèves. Il avait fait de l’orage dans la journée, le ciel était tout déchiré et sombre, quelques éclaircies de ciel pur faisaient ressortir les grandes bandes de nuages noirs qui sillonnaient l’horizon ; la grève, que la mer venait d’abandonner, était encore humide et luisante, tout ce ciel avec ses tons sourds et rougeâtres se reflétait dans cet immense miroir ; alors il me sembla, après avoir regardé cet étonnant spectacle, que la terre avait disparu... 1 »

 

Sous la pression d’une élite dirigée par Hugo, Mérimée et Viollet-le-Duc, Napoléon III supprime enfin la maison centrale par décret du 20 octobre 1863. Mais le vaisseau prestigieux est pratiquement en perdition ! Il faut parer au plus pressé. Dès 1864, une batterie de quatre contreforts géants vient à la place de l’hôtellerie romane écroulée stopper le déversement des murailles. En 1865 (un centenaire à fêter à l’intérieur de l’actuel millénaire !) l’abbaye du mont Saint-Michel est rendue au culte et les religieux de Saint-Edme-de-Pontigny viennent renouer avec la tradition monastique interrompue depuis la révolution.

Dès l’année 1872, deux ans avant le décret du 20 avril 1874, qui va classer enfin l’abbaye et les remparts comme monument historique, l’architecte Édouard Corroyer, chargé d’étudier un projet de restauration, s’attaque au plus urgent : la réhabilitation de la Merveille mutilée : cellules et planchers abattus, les salles commencent à reprendre leurs proportions, les fragiles galeries du cloître en partie écrasées sont redressées, les colonnettes disparues refaites à l’identique. À son départ, le premier sauveteur du mont au XIXesiècle écrit sans le vouloir le principal chapitre de la petite histoire du lieu : il laisse sur place sa servante qui va tenir auberge et s’illustrer sous le nom de « Mère Poulard ».

Car si le mont Saint-Michel n’est plus qu’un médiocre pèlerinage, il devient de plus en plus un des hauts lieux touristiques de France. Lorsqu’en 1877 les Ponts et Chaussées établissent l’actuelle digue qui porte la route entre Pontorson et le mont, ils ouvrent certes une ère de prospérité monétaire pour les commerçants du village, mais par là-même enlèvent à ce haut lieu un de ses principaux caractères : son insularité. Le mont Saint-Michel n’est plus « au péril de la mer », ce qui était pèlerinage ardu n’est plus que paisible promenade et, surtout, le processus naturel de colmatage de la baie par les sables va s’accélérer fâcheusement...

À partir de 1890, Victor Petitgrand, tout en continuant la consolidation de la Merveille, reprend en sous-œuvre les piliers de la croisée du transept et rebâtit une tour néo-romane surmontée d’une haute flèche néo-gothique dont il est impossible de nier l’élégance. Le très beau saint Michel terrassant le Dragon de Frémiet vient en 1895 sommer magnifiquement l’édifice et lui donner l’inoubliable silhouette que nous lui connaissons. Paul Gout en 1898 prend la direction des travaux, et tout en achevant la restauration de l’église et des terrasses, renouvelle la connaissance archéologique du monument par des fouilles audacieuses qui lui font redécouvrir les constructions préromanes, dont le souvenir était complètement perdu : il révèle Notre-Dame-sous-Terre. Son volumineux ouvrage en deux volumes paru en 1910 chez Armand Colin, Le Mont-Saint-Michel, demeure le document de base de toute la bibliographie archéologique du mont.

On peut dire qu’en 1914, le mont Saint-Michel est sauvé. L’architecte Pierre Paquet défend les abords du mont et entreprend la défense du site tout entier contre la prolifération des bâtisses commerciales indésirables. À partir de 1934, l’architecte Herpe restaure les bâtiments abbatiaux du midi qui eux aussi avaient fâcheusement pâti de leur transformation en prison ; la chapelle Sainte-Catherine reprend sa destination primitive. Enfin, depuis 1950, Y.-M. Froidevaux, dernier de cette belle lignée d’architectes restaurateurs, dégage cette Notre-Dame-sous-Terre retrouvée par Paul Gout en soutenant la façade de 1780 par une poutre en béton précontraint, et, dans le chœur ogival, à la terrasse occidentale, au cloître du XIIIesiècle, apporte de fructueuses améliorations, dans la perspective de science, de respect et de sensibilité qui caractérise les plus réussies des restaurations opérées depuis cent ans par le service des Monuments historiques.

Le 5 septembre 1965, une cérémonie officielle fêtait le millénaire monastique du mont par le retour provisoire dans l’abbaye d’un petit nombre de moines bénédictins venus comme il y a mille ans de Saint-Wandrille et du bec Hellouin.

Au terme de cette brève évocation de douze siècles et demi de spiritualité, qu’il nous soit permis d’exprimer ici un vœu fervent : que le retour de l’abbaye du mont Saint-Michel à sa fonction monastique ne soit pas éphémère, et que le foyer de prières que doit redevenir « la Merveille de l’Occident » soit à nouveau l’objet d’un des principaux pèlerinages de la Chrétienté, de nature à illuminer d’Espérance notre époque déboussolée et pré-apocalyptique où la fonction eschatologique de saint Michel Archange revêt une importance cruciale.

 

 

Jean PHAURE.

 

Paru dans Atlantis en 1966.

 

 

 

 

 



1 Les textes cités ont figuré à l’admirable exposition « Millénaire du Mont Saint Michel, 966-1966 » qui s’est tenue du 18 mars au 15 mai 1966 à Paris dans la très belle « salle Saint-Louis » du Palais de justice et qui se tient du 28 mai au 1er octobre au mont Saint-Michel, dans les deux salles basses de la Merveille, l’Aumônerie et le Cellier, spécialement aménagées. Nous espérons qu’aucun lecteur d’Atlantis, soit à Paris soit au mont, n’a manqué de participer à cette considérable manifestation.

 

 

 

 

 

 

 

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