Madeleine Beau-Charrier

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Magdeleine POPELIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À L’ORIGINE, un lien étroit unissait l’architecture et la peinture.

Pendant de longues périodes, cette dernière se borna à être décorative, et on l’exécutait à même le mur, soit pour orner les temples, soit pour enjoliver les maisons. C’était la fresque.

On commença par détremper, à l’aide de l’eau, des terres naturelles colorées : technique rudimentaire, vestiges de badigeonnages maladroits, tâtonnements qui se retrouvent dans quelques monuments gallo-romains. Ces peintures se faisaient aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Dans ce dernier cas, comme elles étaient exposées aux intempéries des saisons, et, par conséquent, s’altéraient vite, les artisans, dans le but d’assurer leur conservation, recherchèrent, dans tous les pays, des méthodes agglutinantes pour fixer solidement la matière colorante. Ils s’adressèrent aux gommes, aux résines et même aux colles animales.

Les peintures de Pompéi, celles des temples du Mexique (emploi de l’ax), les laqués chinois et japonais dérivent tous de l’usage plus ou moins heureux de ces agglutinants variés.

Ainsi naquit le procédé à fresque dont l’emploi est intimement lié avec celui de la chaux. Cette matière se trouvant à la base de sa technique, rien d’étonnant à ce que, dans les monuments des peuples grands constructeurs : Hindous, Égyptiens, Assyriens, Grecs, etc., se rencontrent ses premières applications.

Dans les tombeaux nubiens et égyptiens, un grand nombre d’inscriptions hiéroglyphiques, et même de vastes sujets, ont été traités selon cette formule. De l’Égypte, celle-ci passa dans l’Hellade, et les Romains se l’approprièrent pour la décoration de leurs édifices publics et de leurs habitations particulières.

On retrouve dans les ruines de Pompéi et en Sicile d’admirables spécimens de peinture à fresque. Le genre reçut un regain d’actualité à Byzance, pour la décoration des monuments religieux. Il se propagea ensuite de cloître en cloître, gagnant vers l’Ouest, et, à la fin du XVe siècle et au siècle suivant, il fut porté à son apogée en Italie, bien que, déjà, l’influence de la peinture à l’huile nuise à la pureté du procédé et prépare sa décadence. Il est impossible, toutefois, de passer sous silence les fresques de Raphaël au Vatican, de Michel-Ange dans la chapelle Sixtine, du Corrège dans la cathédrale de Parme.

Au XVIIe siècle, la peinture à fresque cessa, peu à peu, d’être cultivée, à tel point que cent ans après il n’y avait plus un seul fresquiste digne de ce nom.

Cependant, le XIXe siècle remit en honneur ce genre de peinture, qui constitue la décoration monumentale par excellence.

De nos jours, un usage constant mais regrettable désigne sous le nom de fresques toutes les peintures qui, exécutées généralement sur toile, sont fixées sur le mur par une opération dite « marouflage ». Cette abusive extension du mot fresque engendre une confusion qu’il est utile d’anéantir.

La fresque (de l’italien fresco : frais) indique une peinture appliquée sur un enduit humide et n’a rien à démêler, par conséquent, sous le rapport exécutif, avec la peinture proprement dite.

Le mur, qui doit recevoir la matière a fresco, est d’abord revêtu d’un mortier composé d’un mélange de chaux et de sable, ou de brique pilée. En matière de fresque, chaque technicien prône, d’ailleurs, sa formule particulière et revendique, grâce à la perfection de sa méthode, avec la bonne conduite du travail, sa conservation finale. Il est de fait que, dans la circonstance, l’expérience est le meilleur et le plus sûr des conseillers.

Quand ce premier crépi est sec à point, on étend par-dessus un léger enduit fait avec de la chaux éteinte et du sable très fin ou de la pouzzolane. Ici encore, les avis sont partagés et attisent la discussion entre ateliers.

Quoi qu’il en soit, sur ce dernier revêtement s’appliquent les couleurs, lesquelles sont simplement détrempées dans l’eau pure et doivent s’incorporer complètement avec l’enduit. En conséquence, le manœuvre chargé d’étendre celui-ci sur la muraille dresse seulement la portion de surface que le peintre doit couvrir dans sa journée.

« Il va sans dire que pour la couleur, étant donnée l’influence chimique de la chaux, on devra, comme autrefois, se servir des terres et d’un très petit nombre de couleurs minérales. » À cette liste succincte, mais suffisante, viendront se joindre les bleus et le rouge de cadmium, dont la découverte est moderne.

Au point de vue esthétique, il est indispensable pour l’artiste de se guider sur un carton à grandeur d’exécution de son projet, traduit par un dessin très exact et très arrêté.

Au moyen d’une pointe appelée clou, ou par toute autre méthode qui lui est commode ou familière, il reportera son sujet sur l’enduit. Le système de la pointe est pratique, en ce sens qu’il laisse en creux un léger sillon déterminant le contour des formes pour le pinceau.

Si cette précaution n’est pas observée, on s’expose à des « repentirs » souvent irréparables.

Les couleurs sont appliquées à l’aide de brosses plates, en ayant soin de multiplier les couches, parce qu’en pénétrant dans l’enduit le ton perd de sa vivacité. Quand l’enduit est suffisamment coloré, « la chaux qu’il contient à l’état hydraté se transforme lentement au contact de l’acide carbonique de l’air. Le carbonate ainsi formé constitue aux pigments colorés une couverte absolument inaltérable ».

Les avantages de la peinture à fresque comme ornementation murale sont indéniables. Rapidité de facture d’abord. Ensuite, économie de toile, de châssis, etc. Enfin, luminosité extrême dans le coloris, puisque le procédé relève de l’aquarelle, et, pour clore la liste, propreté et salubrité hygiéniques.

Certaines critiques reprochent à ce genre de n’être pas durable et de convenir de préférence aux pays chauds. Cependant, dans la Lombardie, le Milanais et la Vénétie, dont le climat diffère peu de celui de la France, il n’est pas rare de rencontrer d’anciennes églises revêtues de peintures à fresque, intérieurement et extérieurement, et offrant encore un état de complète conservation. Abstraction faite des essais malheureux du porche de Saint-Germain-l’Auxerrois, à Paris, il se trouve en France d’autres sanctuaires qui en possèdent et dont la décoration a plutôt souffert du vandalisme des époques troublées, que de l’humidité atmosphérique. Sans parler des fresques de Saint-Savin (Vienne), celle de Chauvigny, dans le même département, a résisté aux trois badigeons de chaux qu’elle subit successivement au cours de quatre siècles.

Aussi, l’époque contemporaine s’est-elle de nouveau préoccupée de cette technique, essayant d’y mêler le pétrole, la colle, la caséine, l’œuf, sans omettre la recette Synthonos. Vibert, Muzii, Ludwig, Pereira, etc., ont tenté d’apporter des modifications à un système qui s’arrange encore mieux des manipulations anciennes.

Telle est, du moins, l’opinion autorisée d’un virtuose de la fresque : Henri Charrier, qui a bien voulu nous fournir tous les éclaircissements désirables sur un sujet n’ayant aucun secret pour lui. On doit à cet artiste d’importantes décorations murales dans un château de Perros-Guirec (Côtes-du-Nord), les fresques de la chapelle de Saint-Mayol-en-Veurdre (Allier), celles des églises de Chavonne (Aisne), de Gauville-en-Caux, de la Sainte-Trinité à Fécamp. Le distingué fresquiste a formé comme élève sa fille : Madeleine Beau-Charrier.

Entrée à l’École des beaux-arts, Madeleine Beau-Charrier a suivi les conseils de Humbert, Prinet et Sabatté. Après avoir obtenu le prix Anna Maire (paysage), en 1930, et une mention honorable au Salon des Artistes français de 1931, ainsi que le prix Maria Bouland avec son tableau Notre-Dame-des-Champs, elle remporta le second prix au concours Roux (Institut), cette même année, et le troisième prix du semblable concours en 1932. Enfin, Madeleine Beau-Charrier participa brillamment au concours Chenavard, en 1932 et 1933, et se fit remarquer au dernier Salon par une toile intitulée Adoration.

Dans chacune de ses compositions, l’artiste exprime un rare et profond sentiment mystique. Ne perdant jamais de vue son point de départ, qui est en même temps son but, c’est-à-dire la fresque religieuse, le peintre traduit sur la toile, en attendant, les sujets variés qui s’y rapportent, avec une véritable science artistique et picturale, mais aussi avec une conviction très sincère. Tout en évoluant avec les exigences décoratives de l’époque, elle conserve les traditions et observe les principes intangibles d’un style aussi noble et aussi sobre qu’il est pur et élevé.

 

 

Magdeleine POPELIN.

 

Paru dans Le Noël en 1934.

 

 

 

 

 

 

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