Gustave-Adolphe Becquer

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

Charles SIMOND

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

GUSTAVE-ADOLPHE BECQUER naquit le 17 janvier 1836 à Séville, où son père, qui était allemand d’origine, s’occupait, avec succès, de peinture. Sa mère était espagnole. Orphelin à neuf ans, et sans ressources, il fut recueilli par sa marraine et resta avec elle jusqu’à sa dix-septième année. Il dut presque toute son instruction à lui-même, lisant beaucoup, tâchant de deviner ce qu’il ne savait point et suppléant au reste par une sagacité instinctive. Quand il quitta sa protectrice il se rendit à Madrid, où il arriva les poches vides. Ne voulant confier sa misère à personne, il s’imposait les plus continuelles privations. Peu à peu sa santé s’altéra et il aurait succombé à la maladie, et peut-être à la faim, si un de ses amis, Ramon Rodriguez Correa, n’avait découvert, par hasard, dans un recoin de la bibliothèque du jeune homme pauvre, un manuscrit qu’il lut et porta au journal la Cronica. C’était un conte indien en prose. Le journal l’accepta et le publia. Quelques personnes bienveillantes s’intéressèrent au jeune écrivain. Grâce à leurs recommandations, il obtint une place de commis aux écritures dans l’administration des biens nationaux. Ses appointements étaient modestes : 750 francs par an ; mais c’était le morceau de pain de chaque jour. Il le perdit au bout de peu de temps. Son directeur, trouvant qu’il s’adonnait trop à la littérature et aux arts, le congédia sans l’avertir. Par bonheur, il trouva une place de rédacteur dans une feuille quotidienne, le Contemporain, où il fit paraître quelques articles, lettres et nouvelles, qui plurent au public. Don Luis Gonzalès Brava, qui était un ami des lettres, le remarqua spécialement et, en arrivant au pouvoir, le nomma membre de la commission de censure. Mais le ministère de Brava ne fut pas de longue durée et, à la chute de son bienfaiteur, Becquer perdit, pour la seconde fois, son emploi officiel. Les incertitudes du lendemain recommencèrent alors pour lui, et avec d’autant plus de perplexité qu’il s’était marié et était père de deux enfants. Il ne se découragea point et se remit à écrire pour les journaux. Son frère, Valeriano, qui était peintre comme leur père, vint se fixer auprès de lui à Madrid. Ils travaillèrent ensemble avec ardeur, l’un faisant des gravures sur bois pour l’Illustration de Madrid, l’autre traduisant des romans, et, dans ses moments de loisir, composant des nouvelles d’un genre tout particulier, auxquelles il doit aujourd’hui sa renommée posthume et que nous donnons dans ce volume. Ils allaient enfin triompher de leurs embarras et la fortune commençait à leur sourire, quand la mort les frappa coup sur coup. Valeriano descendit le premier dans la tombe, le 23 septembre 1870 ; Gustave-Adolphe, atteint d’une pneumonie, l’y suivit de très près, le 22 décembre de la même année. Il avait à peine trente-quatre ans.

Le bagage littéraire de Gustave-Adolphe Becquer se réduit à deux volumes qui ont été publiés en Espagne, par les soins de Rodriguez Correa. Ce sont des légendes, des lettres, des nouvelles, des pièces de vers. Toutes ses œuvres n’ont pas été traduites en français ; M. Achille Fouquier a donné une traduction de ses plus remarquables nouvelles. (Paris, Firmin-Didot, 1885.)

Becquer a un talent d’une véritable originalité. C’est un descriptif, mais un descriptif qui possède d’une manière supérieure la science si difficile des clairs et des ombres, des plans et des reliefs, des tons et des nuances. Il incline au fantastique, sans imiter servilement ses prédécesseurs dans ce genre. Il n’est ni de l’école de Hoffmann ni de celle de Poe. Il a une note, une faculté de composition toute personnelle. Je ne vois dans toutes les littératures contemporaines aucun prosateur, aucun poète avec qui il ait une parenté réelle. Il n’a pas de ces qualités géniales qui n’appartiennent qu’aux écrivains de premier ordre, mais il est au second rang des célébrités espagnoles bien en vue. Ses légendes et ses poésies se lisent encore longtemps. Elles captivent l’attention et souvent attendrissent. On gardera toujours mémoire, dans son pays, de cette âme si richement douée, et l’on ne cessera d’admirer la beauté de ses écrits.

 

 

Charles SIMOND, Les grands écrivains de toutes les littératures,

troisième série, tome troisième, Librairie Blériot, 1889.

 

 

 

 

 

 

 

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