RELIGION ET RÉALITÉ

 

 

Brèves méditations

sur Dieu, l’homme et la nature

 

 

PAR LE

 

 

SADHOU SUNDAR SINGH

 

avec une introduction de M. B.-H. Streeter,

professeur à Oxford

 

 

 

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Traduction de l’anglais par Mlle E. EBERLE

avec l’autorisation de l’éditeur MacMillan & Co, à Londres

 

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ÉDITÉ

PAR LE SECRÉTARIAT DE LA MISSION SUISSE AUX INDES.

(Mission canaraise évangélique)

 

LAUSANNE, 35, RUE DE BOURG

 

1926

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RELIGION ET RÉALITÉ

 

 

 

PRÉFACE

 

 

 

J’ai noté dans ce petit livre sous une forme concrète quelques réflexions, fruit de mes méditations. Je ne suis ni un philosophe ni un théologien, mais un humble serviteur du Seigneur qui prend plaisir à méditer sur l’amour de Dieu et sur les merveilles de sa création. Il m’est impossible de décrire entièrement la réalité de Dieu et de la création, telle du moins que mes sens intérieurs me permettent de la saisir dans la prière et dans la méditation. Les paroles ne sauraient exprimer les vérités profondes que l’âme ressent à ces heures solennelles. Mais les natures réceptives comprennent sans peine ces vérités ineffables. D’ailleurs, les mots engendrent plus souvent des malentendus qu’ils ne donnent une réelle compréhension.

Je suis incapable, je le répète, d’exprimer la profondeur de mes sentiments et de mes pensées, mais je ferai de mon mieux pour en noter au moins une partie. Si cette tentative peut venir en aide au lecteur, même dans une faible mesure, j’essayerai plus tard d’exposer d’autres idées et des expériences que, pour diverses raisons, j’hésite à présenter actuellement au public.

Je désire témoigner ici toute la reconnaissance que je dois au Dr A. J. Appasamy, gradué des universités de Harvard et d’Oxford, pour avoir collaboré à la traduction de ce volume de l’ourdou en anglais, ainsi qu’au Rev. R. W. Pelly, de Bishop’s College, à Calcutta, qui a bien voulu relire mon manuscrit et me suggérer d’importantes corrections.

Sundar Singh.

 

Sabathu, Simla Hills, septembre 1923.

 

 

 

 

INTRODUCTION.

 

 

Qu’est devenu le Sâdhou ? Voilà, je présume, la question que se posent plusieurs de ceux dont l’imagination fut enflammée, il y a quatre ans, par les paraboles, la personnalité ou même la furtive apparition de la robe safran du célèbre Indien, le Sâdhou Sundar Singh.

Il quitta l’Angleterre au mois de mai 1920 pour présider une série de réunions qui avaient été organisées à son intention en Amérique, puis en Australie, d’où il rentra aux Indes en septembre. Les chrétiens de Colombo et de Bombay, où il aborda, avaient fait de grands préparatifs pour célébrer par une ovation publique « sa conquête de l’Occident ». Cet accueil ne fut naturellement pas du goût du Sâdhou et il désappointa beaucoup de gens qui lui gardèrent même rancune d’avoir refusé de se laisser porter sur le pavois. Il fuyait les foules et partit tout de suite pour le nord de l’Inde. L’été suivant, il se remit il l’œuvre au Thibet sans avoir égard aux privations et aux dangers qui l’attendaient. L’anecdote suivante, reproduite en abrégé d’un journal indien, donnera une idée de la vie qu’il menait.

Un jour, dans la solitude de la montagne, une troupe de brigands assaillit le Sâdhou, le dépouilla de ses vêtements et allait évidemment le tuer. Cependant, impressionnés par son maintien, ils hésitèrent. Profitant du délai, le Sâdhou leur parla très simplement de Dieu. Toujours plus frappés, ils lui rendirent ses habits et l’emmenèrent à leur caverne en lui témoignant le désir d’en entendre davantage. Au bout d’un moment, ils apportèrent une nourriture grossière en l’invitant à en prendre sa part. On lui passa un bol dans lequel on allait verser du lait ; avant de le faire remplir, le Sâdhou commença à essuyer le bol qui était extrêmement sale. Aussitôt le chef de la bande, plein de sollicitude, le lui ôta des mains et l’ayant nettoyé à grands coups de langue, le lui rendit d’un geste poli ! Or, en matière de vaisselle, les Indiens des castes supérieures sont plus délicats que les grandes dames européennes ; chacun des membres de la famille a sa propre coupe qui ne sert à personne qu’à lui. Mais le Sâdhou, ne pensant qu’à l’intention courtoise, reçut le service dans l’esprit qui l’avait dicté et il continua son discours et son repas.

En 1922, il se rendit à l’invitation plusieurs fois répétée de venir en Suisse et en Suède, ce qui 1ui permit de réaliser le rêve de sa vie. En se rendant en Europe, il put, en effet, visiter les lieux sacrés de la Palestine, en compagnie de Sir William Wilcocks, bien connu comme l’instigateur du grand barrage d’Assouan. L’intérêt de Sir William Wilcoks pour le Sâdhou s’était éveillé – qu’il me soit permis de le dire en passant – à la lecture du volume « Le Sâdhou » que j’ai publié en collaboration avec le Dr A. J. Appasamy. En quittant la Suisse, où il fut reçu avec beaucoup d’enthousiasme, il prit le chemin de la Suède, et s’arrêta quinze jours en Allemagne. À Upsal, il fut l’hôte de l’archevêque Soederblom, qui le chargea d’une sorte de campagne missionnaire, et publia ensuite une étude psychologique sur les expériences mystiques de Sundar Singh. La personnalité du Sâdhou a d’ailleurs donné naissance sur le continent à toute une littérature, en français, en allemand et dans les langues scandinaves. Il passa quelques jours en Danemark et en Norvège, si je ne fais erreur, et il visita aussi la Hollande. Puis il se rendit en Angleterre, mais il était si épuisé par son travail qu’il fut forcé de se reposer. Cependant, il réussit à prononcer une allocution à la Convention de Keswick et à présider une réunion dans le pays de Galles avant de s’embarquer pour les Indes. L’été dernier, un faux bruit d’assassinat au Thibet se répandit dans la presse anglaise et continentale. Son père venait de mourir et la similitude des noms fut sans doute cause de cette erreur.

Quant à l’origine du présent volume, je ne saurais mieux faire que de citer la lettre que j’ai reçue à ce sujet du Dr Appasamy :

« Le Sâdhou m’écrivit de le rejoindre à Sabathu dans le but de travailler avec lui à son nouveau livre. Sabathu est à environ deux ou trois heures de chemin de fer de Simla. C’est une station militaire à douze ou quinze cents mètres d’altitude. Son père avait insisté sur l’achat d’une maison où son fils pût se reposer, méditer ou étudier tranquillement. Au lieu d’acquérir un « bungalow », comme son père le lui proposait, le Sâdhou acheta une ancienne maison missionnaire pour le prix de cinq cents roupies. Pour y arriver, il faut traverser la partie la plus peuplée et la plus sale de la ville. Ses plus proches voisins appartiennent à la caste des balayeurs (vidangeurs), qui se livrent parfois au milieu de la nuit à des querelles bruyantes ou qui font une musique sauvage. Cependant, comme la maison est sur les confins de la ville, on jouit de l’autre côté d’un magnifique coup d’œil sur les collines qui s’étendent à perte de vue. Cette maison me semble un symbole des deux mondes avec lesquels le Sâdhou s’efforce de garder constamment le contact : le monde agité des hommes, monde malpropre et sordide parfois, et le monde de la nature, si beau et si calme.

La maison est occupée par un de ses amis, un médecin travaillant à l’asile des lépreux de Sabathu. Le Sâdhou monte dans cette retraite quand il éprouve le besoin de travailler dans la tranquillité, d’étudier ou de se reposer. Il a une chambre où il conserve précieusement les photographies de ses amis ou d’autres personnes qu’il a rencontrées dans le cours de ses voyages et où il garde aussi quelques livres, parmi lesquels j’ai remarqué les deux tomes d’un Précis de la Science, récemment publié par le professeur J. A. Thomson. Le Sâdhou a lu ces deux volumes attentivement. Le médecin chez lequel habite le Sâdhou, lorsqu’il monte à Sabathu, est marié et père de quatre enfants. J’ai souvent pris grand intérêt à observer le Sâdhou causant ou jouant avec les enfants. L’on entend dire parfois que le Sâdhou devrait fonder une sorte de monastère pour y former d’autres sâdhous. Je crois qu’il serait très malheureux dans un entourage semblable, car, quoique ascète, il aime beaucoup la vie de famille et jouit profondément d’un foyer.

Le Sâdhou avait achevé la composition de son ouvrage Réalité et Religion en ourdou. Il me raconta qu’il y avait travaillé environ douze heures par jour pendant douze jours. Il gardait le manuscrit en main et me donnait la substance de chaque paragraphe en anglais ; je transcrivais parfois mot à mot ce qu’il disait, d’autres fois je notais le contenu de ses paragraphes, employant, partout où c’était possible, ses expressions elles-mêmes.

En lisant le manuscrit, je fus frappé de la clarté de l’exposé. Les idées sur Dieu, sur l’homme, sur la nature, que la plupart d’entre nous trouvent difficiles à expliquer même à des gens accoutumés à un travail intellectuel, sont exprimées ici d’une manière accessible aux esprits les plus simples. C’est ce qui m’assure que le livre sera accueilli par un très grand cercle de lecteurs. Ici et là, certaines phrases pourraient soulever des objections de la part des philosophes et des savants ; mais le Sâdhou ne prétend être ni l’un ni l’autre, et le lecteur intelligent ne s’achoppera pas aux détails ; il saura apprécier la valeur de l’intuition religieuse simple et directe qui anime tout le volume. »

 

B. H. Streeter.

 

Queen’s College, Oxford, le 6 février 1924.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

I.

 

 

Le but de la Création

 

 

La Parole était au commencement ;

la Parole était avec Dieu et cette Parole

était Dieu... Toutes choses ont été faites

par elle, et rien de ce qui a été fait

n’a été fait sans elle.

Jean I : 1-3.

 

 

Le Verbe éternel (la Parole, le Logos) existait avant le temps et avant la création de l’univers. Par lui toutes choses, animées et inanimées, reçurent la vie. Il est impossible que les choses privées de vie deviennent par elles-mêmes des êtres animés ou produisent des créatures vivantes, puisque la vie seule produit la vie. La source de toute vie est Dieu. Par sa puissance créatrice, Dieu a appelé toutes les choses inanimées à l’existence. Il leur a infusé la vie et à l’homme, la plus élevée de toutes les créatures, « il souffla un souffle de vie, et l’homme devint une âme vivante ». « Dieu créa l’homme à son image même et à sa ressemblance et lui donna la domination sur toute la terre. »

 

1. Le but de Dieu en créant n’est pas de combler quelque lacune de son être, car il est parfait en lui-même. Mais il crée parce qu’il est dans sa nature de créer. Il donne la vie parce qu’impartir la vie est l’essence même de sa puissance, de sa vie créatrice et de son activité. Rendre les hommes heureux par sa création, et leur donner une joie véritable par sa présence qui est une source de vie, c’est là l’essence même de son amour. Le bonheur que nous trouvons dans la création a ses limites. Dieu seul peut répondre complètement aux besoins du cœur humain et le satisfaire d’une manière parfaite. Si cette joie fait défaut aux hommes, c’est le résultat de leur ignorance ou de leur désobéissance aux commandements de Dieu, ainsi que de leur révolte contre lui.

 

2. Les êtres qui peuplent les mondes, soit visibles soit invisibles, sont innombrables. Par ces êtres innombrables, Dieu révèle ses attributs sans nombre. Chaque espèce, selon sa propre capacité, reflète quelque aspect de la nature de Dieu. Son amour paternel se révèle même dans les êtres pécheurs, puisqu’il leur donne l’occasion de se repentir et de jouir d’une vie éternelle de paix et de bonheur en lui.

 

 

 

 

 

II.

 

 

L’incarnation

 

 

1. Un enfant peut lire le mot « Dieu » comme un nom tout ordinaire, sans avoir la moindre idée de la vérité qu’il recouvre. Mais à mesure que son esprit mûrit, il commence à penser et à comprendre au moins quelque chose du sens de ce terme. De même, le novice dans la vie spirituelle, si savant soit-il, se figure le Christ, la Parole faite chair, comme un grand homme ou un prophète, sans pouvoir dépasser cette conception. Mais en croissant en expérience religieuse, et en se rendant toujours mieux compte avec joie de la présence du Sauveur, il réalise graduellement le fait que Christ, c’est Dieu venu en chair, et qu’en lui « habite corporellement toute la plénitude de la divinité » (Col. 2 : 9). « En lui était la vie et la vie était la lumière des hommes » (Jean 1 : 4).

 

2. Un homme ne peut pas par des paroles donner une expression parfaitement adéquate de sa personnalité, quoiqu’il forge parfois des termes nouveaux pour exprimer ses idées, et il ne peut pas non plus le faire par des symboles et par des images. Le corps de même est incapable de manifester les qualités et les puissances de l’âme qui constituent la personnalité. En d’autres termes, beaucoup d’éléments de la personnalité humaine restent cachés aussi longtemps que l’homme est dans ce monde, car cette personnalité ne se dévoile que partiellement. Un être spirituel ne peut se développer pleinement que dans un monde spirituel dont toutes les conditions, extérieures aussi bien qu’intérieures, répondront à ses besoins et favoriseront ses progrès.

Ce qui est vrai d’une âme d’homme l’est à bien plus forte raison du Verbe éternel ; il lui était impossible de révéler entièrement sa divinité par un simple corps mortel, mais il s’est fait connaître lui-même autant que cela était nécessaire pour le salut de l’homme. Sa gloire véritable ne sera manifestée dans sa plénitude que dans le ciel.

 

3. La question peut se poser : Comment pouvons-nous croire à une réalité dans son essence sans la voir ni la connaître pleinement ? Je ferai remarquer ici qu’il n’est pas indispensable que la réalité se présente à nous sous toutes ses faces pour nous faire croire à cette réalité. Ainsi, il y a dans notre corps des organes dont la vie dépend absolument et qui restent cependant cachés à nos yeux. Personne n’a jamais vu ni son cerveau, ni son cœur, mais pourtant personne n’a jamais eu l’idée de nier leur existence. Si nous sommes incapables de voir des organes aussi nécessaires à notre vie que le cœur et le cerveau dont notre vie dépend pour une large part, combien plus difficile ne sera-ce pas de voir le Créateur de notre cerveau et de notre cœur, dont notre vie tout entière dépend !

 

 

 

 

 

III.

 

 

La prière

 

 

1. Il y a des plantes dont les feuilles et les fleurs se replient sur elles-mêmes quand le soleil se couche et qui se déploient à nouveau le matin suivant, aussitôt qu’elles sentent la douce caresse de ses rayons. De cette manière, elles absorbent la chaleur et la vie du soleil, si nécessaires à leur croissance et à leur existence. De même, dans la prière, nos cœurs s’ouvrent au soleil de justice ; en même temps, nous nous mettons à l’abri des dangers de l’obscurité et nous pouvons croître jusqu’à la mesure de la stature parfaite de Christ.

 

2. Par la prière, nous ne pouvons changer les plans de Dieu, comme quelques-uns semblent le croire, mais l’homme qui prie subit lui-même un changement. Notre âme, dont les aptitudes sont imparfaites, dans une vie aussi imparfaite que la nôtre, tend ainsi chaque jour à la perfection. L’oiseau couve ses œufs, qui ne renferment tout d’abord qu’une sorte de liquide où l’on ne saurait distinguer quelque forme que ce soit. Mais dans la mesure où la mère continue à couver, cette matière inconsistante prend peu à peu la forme de la mère. Le changement s’est opéré non pas dans la mère, mais dans les œufs. De même, quand nous prions, ce n’est pas Dieu qui change, mais c’est nous qui sommes transformés à son image glorieuse et à sa ressemblance.

 

3. La vapeur, produite par la chaleur du soleil, s’élève au-dessus de la terre. Défiant, pour ainsi dire, la loi de la pesanteur, elle monte dans les airs pour en retomber plus tard et donner à la terre sa fécondité. De même, nos prières sincères, embrasées par le feu du Saint Esprit, s’élèvent à Dieu, après avoir remporté la victoire sur le péché, et redescendent sur la terre chargées des bénédictions divines.

 

4. Les cténophores ou anémones de mer sont d’une délicatesse telle que l’écume d’une vague les briserait en morceaux. Chaque fois qu’il y a le moindre indice de l’approche d’une tempête, ils descendent dans les profondeurs de la mer, d’atteinte de l’ouragan et à l’abri du remous des vagues. C’est ainsi qu’agit l’homme de prière lorsqu’il pressent les attaques de Satan et les coups de la tempête dans ce monde de péché et de souffrance ; il plonge immédiatement dans l’océan de l’amour de Dieu, où règnent une paix et un calme éternels.

 

5. Un philosophe s’en alla trouver un mystique. Ils restèrent assis en silence l’un à côté de l’autre pendant un moment. Comme le philosophe se levait pour partir, le mystique lui dit : « Je ressens tout ce que vous pensez ». Mais le philosophe répondit : « Pour moi, je ne puis pas même penser tout ce que vous ressentez. » Il est évident que la sagesse terrestre est incapable de sentir et de comprendre les choses invisibles dans leur réalité. Ceux-là seuls qui vivent en communion avec Dieu par la prière peuvent vraiment le connaître dans sa réalité.

 

6. La paix merveilleuse qu’éprouve l’homme de prière, pendant qu’il prie, n’est pas le produit de sa propre imagination ou de sa réflexion, mais elle est le fruit de la présence de Dieu dans l’âme. La vapeur qui monte d’un étang ne peut pas former de grands nuages et retomber en pluie. Pour produire des nuages gonflés de pluie qui désaltèrent la terre desséchée et la fertilisent, il faut toute la puissance de l’océan. Ce n’est pas de notre subconscient que nous vient la paix, mais de l’océan sans bornes de l’amour de Dieu, avec lequel nous entrons en contact par la prière.

 

7. Le soleil brille toujours au zénith. L’alternance du jour et de la nuit et le changement des saisons ne sont pas dus au soleil, mais à la rotation de la terre. De même, le Soleil de Justice est « le même hier et aujourd’hui et le sera éternellement » (Hébr. 13 : 8). Que nous débordions de joie ou que nous soyons plongés dans les ténèbres, cela dépend de notre position à son égard. Si nous ouvrons nos cœurs à son action dans la méditation et la prière, les rayons du Soleil de justice guériront les plaies de nos péchés et nous rendront une santé parfaite (Mal. 4 : 2).

 

8. Les lois de la nature sont les moyens choisis par Dieu pour agir sur l’homme et sur les autres créatures en vue de leur progrès et de leur vrai bien. Les miracles ne sont pas en contradiction avec les lois de la nature. Il y a des lois de la nature qui sont si hautes qu’elles échappent ordinairement à notre entendement. Les miracles dépendent de ces lois supérieures. Par la prière, nous arrivons progressivement à savoir quelque chose de ces lois supérieures.

Le miracle des miracles, c’est la paix et la joie qui font déborder nos âmes : cette paix peut nous paraître impossible dans un monde de douleur et de péché. Mais l’impossible devient possible. Les pommiers ne prospèrent pas sous les tropiques, ni les manguiers dans les contrées neigeuses. Si jamais ce phénomène se produisait, nous le taxerions de miracle. Cependant, les plantes tropicales peuvent croître dans les pays froids, si on les place dans des conditions appropriées.

 

9. Si tous les hommes avaient un esprit réceptif et une oreille attentive, et s’ils pouvaient percevoir la voix de Dieu qui leur parle, il n’y aurait pas besoin d’évangélistes ou de prophètes pour leur annoncer la volonté de Dieu. Mais tous ne sont pas attentifs à sa voix, d’où la nécessité d’envoyer des messagers de la Parole. Parfois, cependant, la prière est plus efficace que la prédication. Un homme priant avec ferveur dans une caverne peut apporter un puissant secours à d’autres hommes par sa prière. Il émane de lui des influences qui se répandent dans toutes les directions, agissantes quoique silencieuses, tout comme les dépêches de la T. S. F. qui sont transmises par des moyens invisibles, ou comme les paroles que nous prononçons et qui frappent les oreilles des autres, grâce à de mystérieuses vibrations de l’air.

 

10. Il arrive parfois qu’on trouve des arbres pleins de sève dans un terrain où il ne pleut presque jamais. En les examinant de près, on découvre que s’ils sont couverts de fraîche verdure et chargés de fruits ; c’est que leurs racines plongent dans le sol jusqu’à des nappes d’eau souterraines. Nous nous étonnons parfois de voir des hommes de prière, remplis de paix, rayonnant de joie et portant des fruits abondants au milieu d’un monde de misère et de péché. C’est que par la prière les racines cachées de leur foi plongent jusqu’à la source d’eau vive et en tirent l’énergie et la vie, portant du fruit jusque dans la vie éternelle. (Ps. I : 2 et 3.)

 

11. L’extrémité des racines des arbres est si sensible que, comme par instinct, elles se détournent des endroits où elles ne trouvent aucune nourriture et s’allongent du côté où elles rencontrent de la sève et de la vie. Les hommes de prière possèdent eux aussi ce sens de discernement. Par une intuition certaine, ils se détournent de la fraude et de l’illusion et trouvent la réalité dont dépend la vie.

 

12. Les hommes qui ne connaissent pas le tête-à-tête avec Dieu dans la prière ne sont pas dignes d’être appelés des hommes. Ils sont semblables à des bêtes bien dressées qui font certaines choses, d’une certaine manière, à de certains moments. Parfois ils sont même pires que des brutes, car ils ne réalisent ni leur propre néant, ni le lien qui les rattache à Dieu, ni leurs devoirs envers Dieu et envers leurs semblables. Mais les hommes de prière acquièrent le droit de devenir enfants de Dieu ; ils sont façonnés par Dieu à son image et à sa ressemblance.

 

 

 

 

 

IV.

 

 

La Méditation

 

 

1. Le cerveau est un instrument très délicat et très sensible, muni de beaucoup de sens subtils, qui, dans la méditation, reçoivent des messages du monde invisible et engendrent des pensées beaucoup plus élevées que celles qui préoccupent le commun des mortels. Le cerveau ne produit pas ces idées de lui-même, mais il les reçoit du monde spirituel et invisible, et les traduit dans un langage approprié à la nature et aux circonstances ordinaires de l’homme.

Certaines personnes reçoivent des messages de ce genre en rêve, d’autres dans des visions, d’autres encore pendant l’état de veille à l’heure de la méditation. La prière nous permet de distinguer l’utile de l’inutile parmi les messages reçus de cette manière, car dans la prière véritable, la lumière jaillit du sein de Dieu et illumine ce qu’il y a dans l’âme de plus secret et de plus intime : la conscience ou le sens moral. Les couleurs brillantes, une musique exquise, des visions et des sons merveilleux nous viennent du monde invisible et sont saisis par les organes les plus sensibles du cerveau. Les poètes et les peintres, sans pouvoir en déterminer l’origine réelle, essayent d’interpréter dans leurs œuvres ces réalités invisibles qui les frappent. Mais l’homme qui médite pénètre pour ainsi dire jusqu’au cœur de ces réalités, qui le remplissent de joie ; entre son âme et le monde spirituel d’où elles découlent il y a d’étroites affinités.

 

2. Parfois, en visitant des sites nouveaux, il nous semble y être déjà venus, à moins que des liens mystérieux n’existent entre eux et nous. On peut donner trois explications de ce fait. La première, c’est qu’une personne qui avait jadis visité ces lieux y a pensé et, à notre insu, nous a communiqué ses idées par un moyen mystérieux. Ou bien nous avons vu des endroits semblables et leur souvenir peut s’être présenté à notre esprit sous une forme nouvelle. Ou enfin un reflet du monde invisible peut avoir effleuré notre pensée, car nos âmes sont en relation avec ce monde-là et souvent, sans que nous le sachions, nous en recevons des impressions. L’univers est une représentation du monde invisible, en d’autres termes le monde matériel est une manifestation tangible du royaume spirituel. La ressemblance qui existe entre ces deux mondes frappe constamment notre pensée. Lorsque nous consacrons assez de temps à la méditation, nous discernons toujours plus nettement le lien qui unit ces deux mondes.

 

3. C’est dans la méditation que se révèle la condition véritable de l’âme ; pendant que nous sommes dans cette attitude, nous fournissons à Dieu en un certain sens l’occasion de s’adresser à nous et de nous combler de ses plus riches bénédictions.

Quelle que soit notre idée sur ce point, aucune de nos pensées, aucune de nos paroles, aucune de nos actions ne s’efface jamais de notre âme, mais elle y reste gravée ; en d’autres termes, elle est écrite au « Livre de Vie ». La méditation nous met en état de tout faire dans la crainte et l’amour de Dieu et de tenir à jour ce Livre de Vie duquel dépend pour nous un avenir de bonheur ou de malheur.

 

4. Dieu est infini et nous sommes bornés. En effet, nous ne pouvons pleinement comprendre le Dieu infini, mais il a mis en nous un sens grâce auquel sa présence devient une joie pour l’âme. L’Océan est si vaste que nous ne pouvons concevoir son immensité, ni découvrir les trésors qu’il recèle. Mais du bout de la langue nous sentons immédiatement qu’il est salé ! Nous sommes bien loin de connaître tous les mystères de l’Océan, mais nous avons découvert par le moyen du goût une particularité très importante de l’eau de mer.

 

5. Lorsqu’ils sont en proie à la peur, à la colère ou à la folie, les hommes accomplissent des choses extraordinaires, brisant même des chaînes de fer. Cette force est inhérente à l’homme, apparemment, mais elle ne se manifeste que lorsque toute son énergie est tendue vers un but unique.

De même, grâce à la méditation, la force d’un homme, décuplée par la puissance divine, peut briser les chaînes du péché et accomplir les œuvres les plus utiles. Toutefois, cette énergie humaine, qui elle aussi est un don de Dieu, peut devenir dangereuse si elle est employée dans un but coupable. Les bombes, les mitrailleuses, les canons, quelle force ne possèdent-ils pas, et pourtant comme ils sont destructeurs et dangereux !

 

6. Lorsque nous nous laissons absorber par nos pensées, quoique pleinement conscients, nous ne remarquons ni le parfum des fleurs, ni le charme de la musique, ni la beauté de la nature. Toutes ces choses semblent ne pas exister pour nous. Il en va de même pour les gens absorbés par les choses de ce monde ; les réalités spirituelles ne semblent pas exister pour eux. En voyant, ils ne voient pas et en entendant, ils n’entendent pas. (Matth. 13 : 13.)

 

7. Je vis un jour une fleur et me mis à réfléchir à son parfum et à sa beauté. En méditant plus profondément, je découvris le Créateur derrière sa création, quoiqu’il fût caché à mes yeux, et j’en fus rempli de joie. Mais ma joie fut plus grande encore lorsque je le trouvai à l’œuvre dans ma propre âme. J’en arrivai à m’écrier : « Oh ! combien tu es admirable ! Distinct de ta création et cependant la remplissant toujours de ta présence glorieuse ! »

 

8. Christ n’a rien écrit lui-même. Il n’a pas non plus chargé ses disciples d’écrire ses enseignements. C’est, tout d’abord, parce que ses paroles sont esprit et vie. Il sait que la vie ne peut être communiquée qu’à ce qui vit et non pas aux pages d’un livre. Secondement, d’autres fondateurs de religions ont laissé des livres après eux parce qu’ils allaient être enlevés à leurs disciples et qu’ils voulaient leur venir en aide aux heures de détresse, par le moyen des écrits qui prenaient la place de la voix humaine. Notre Seigneur, au contraire, n’a jamais quitté ses disciples. Il est avec nous en tout temps, sa voix vivifiante se fait entendre à nous et sa présence nous instruit chaque jour. Après son ascension, son esprit qui continuait à demeurer en eux inspira aux disciples la composition des évangiles.

 

9. Par la répétition fréquente de la même pensée, du même mot ou de la même action, nous acquérons une habitude et l’habitude fait le caractère. Nous devons donc prendre bien garde à nos pensées, à nos paroles et à nos actes, et calculer soigneusement quelles peuvent en être les conséquences bonnes ou mauvaises. Ne soyons pas indifférents lorsqu’il s’agit de faire le bien, autrement nous courrons le danger de perdre la capacité de le faire. Faire une chose bien est difficile ; défaire ce qui a été mal fait et corriger le défaut est plus difficile encore, mais rien n’est plus facile que d’abîmer un travai1. Il faut beaucoup de temps et de peine pour amener un arbre à sa croissance, mais c’est bien facile de le couper. Quand il est sec et mort, c’est impossible de le ramener à la vie.

 

 

 

 

 

V.

 

 

La vie future

 

 

1. La croyance à la vie future a été constatée chez tous les peuples et à toutes les époques. Le fait d’avoir un désir suppose la possibilité de sa réalisation. La soif implique l’existence de l’eau et la faim celle de la nourriture. Le désir de la vie éternelle est lui-même une preuve qu’elle sera donnée un jour.

 

2. De même, nous avons de hautes et nobles aspirations spirituelles qui ne peuvent trouver leur réalisation en ce monde. Donc il doit y avoir un autre monde, un monde spirituel dans lequel ces désirs trouveront leur satisfaction. Le monde matériel ne peut en aucune manière répondre à nos besoins spirituels.

 

3. Dieu seul peut satisfaire les désirs profonds de l’âme, puisqu’il a créé l’âme et la soif d’infini qui la tourmente. Puisque Dieu a créé l’homme à son image, il y a dans l’homme quelque chose de la nature divine qui soupire après la communion avec l’invisible. Les êtres semblables se recherchent, conformément aux lois de la nature. Et lorsque nous serons enracinés dans l’Être éternel, non seulement nous serons satisfaits, mais nous aurons aussi la vie éternelle en lui.

 

 

 

 

 

VI.

 

 

La nouvelle naissance

 

 

1. C’est un fait admis que les enfants héritent dans une large mesure le caractère de leurs parents. Ils sont aussi influencés par leur entourage, c’est-à-dire par les habitudes de leurs parents et d’autres personnes avec lesquelles ils sont fréquemment en contact. Les enfants de mauvais parents, vivant dans un mauvais milieu, ne peuvent être que mauvais. Toutes les conditions sont réunies pour qu’il leur soit impossible de devenir bons. Si de pareils enfants tournent bien, ce sera un grand miracle. Nous savons que des miracles de ce genre ont eu lieu un peu partout. Ces miracles prouvent l’existence d’une puissance cachée qui brise les fers, délivre les hommes de l’esclavage du péché et transforme les pécheurs en de nouvelles créatures. C’est la nouvelle naissance. Le Saint Esprit est la puissance secrète qui travaille au salut de ceux qui se repentent et croient en Christ.

 

2. Il y a eu des criminels qui, en dépit des châtiments sévères qui leur avaient été infligés par les tribunaux, n’ont pas changé. Ni l’amour de leurs bien-aimés, ni les exhortations de leurs amis n’ont produit aucun changement en eux. Tous les moyens possibles ont été employés pour les réformer, mais sans succès. Cependant, il arrive parfois, s’ils sont conduits à Christ, qu’ils soient changés en un moment et deviennent de nouvelles créatures. Alors ceux qui étaient égoïstes et qui vivaient dans le péché ont vu leurs vies transformées et ont commencé à aider aux autres et à les servir. Jadis, ils persécutaient et tuaient d’autres hommes ; maintenant, ils se déclarent prêts à être persécutés eux-mêmes et à être tués pour d’autres. C’est ce qui s’appelle être né de nouveau. N’est-ce pas une preuve suffisante que Christ est le Sauveur des hommes ? Il est le grand médecin qui donne un diagnostic exact des maladies des hommes, et qui les guérit. Qui d’autre peut guérir le cœur brisé, sinon celui qui est le créateur du cœur ? Qui d’autre que lui peut transformer les pécheurs et en faire des saints ?

 

 

 

 

 

VII.

 

 

L’Amour

 

 

1. Dieu est la source de l’amour. La force de la gravitation qui maintient les mondes suspendus dans l’espace est, pour ainsi dire, la manifestation dans l’univers sensible de cette force de gravitation spirituelle qu’est l’amour, et dont Dieu est la source. Un aimant attire l’acier, non pas parce que l’acier est un métal précieux, mais parce que l’acier a la propriété de répondre à cette attraction. Il n’attire pas l’or. L’or peut être plus précieux, mais il ne se laisse pas attirer. De la même manière Dieu attire les pécheurs, si coupables qu’ils soient, s’ils se repentent et répondent à son appel ; mais il n’exerce aucune attraction sur ceux qui sont justes à leurs propres yeux et qui ne cèdent pas à la puissance de son amour.

 

2. Un baiser est le témoignage visible de l’amour d’une mère pour son enfant. Si l’enfant a une maladie contagieuse, la mère peut s’abstenir de lui donner ses baisers, mais son amour pour l’enfant qui souffre n’en est pas moins grand, au contraire, car l’enfant a besoin de plus de soins et de tendresse. De même, Dien peut avoir l’apparence d’oublier ceux qui sont devenus victimes de la contagion du péché, mais son amour pour eux est infiniment plus grand que l’amour d’une mère pour son enfant (Ésaïe 49 : 15). Sa patience est infinie elle aussi, tout comme ses autres attributs. Les hommes sont semblables à des vases de terre qui se mettent tout de suite à bouillir quand on les approche du feu ; les hommes débordent d’indignation au moindre tort qu’ils ont à souffrir. Il n’en est pas ainsi de Dieu. Si Dieu se courrouçait aussi rapidement, il y a longtemps que le monde ne serait plus qu’un monceau de ruines.

 

3. Quand deux hommes aiment la même personne, ils deviennent rivaux et sont jaloux l’un de l’autre. Mais ce n’est pas le cas de l’amour de l’homme pour Dieu. Un homme qui aime Dieu n’est pas jaloux si d’autres l’aiment aussi. Il est affligé s’ils ne l’aiment pas. La raison de cette différence entre l’amour de l’homme pour l’homme et l’amour de l’homme pour Dieu, c’est que l’amour de Dieu est infini. Un homme ne peut pas répondre avec une affection égale à tous ceux qui l’aiment, car sa capacité d’aimer est limitée ; mais Dieu a une capacité d’amour sans bornes et, par conséquent, suffisante pour toutes ses créatures.

 

4. Quand nous aimerons Christ, il vivra en nous et toute notre vie deviendra semblable à la sienne. Le sel, lorsqu’il est dissout dans l’eau, peut disparaître, mais il ne cesse pas d’exister. Nous pouvons nous assurer de sa présence en goûtant l’eau. De même, Christ demeurant en nous, quoique caché sera rendu manifeste aux autres par la puissance d’amour qu’il nous aura communiquée.

 

 

 

 

 

VIII

 

 

Les sens et la pensée

 

 

1. Les pensées ne sont pas seulement les impressions des choses extérieures sur nos sens, mais aussi les réponses de notre esprit aux impressions qui nous parviennent par nos sens. Ainsi la croissance et les progrès de l’esprit qui tend à réaliser la perfection dépendent de conditions soit extérieures soit intérieures. Un arbre peut avoir de la vie en lui-même, mais pour que ses feuilles se déploient, ses fleurs s’épanouissent et ses fruits mûrissent, il lui faut de l’air, de la lumière et de la chaleur, ce qui revient à dire que sa croissance et sa fécondité dépendent de certaines conditions extérieures aussi bien que de sa propre vitalité.

 

2. Par les sens externes nous parvenons à la connaissance du monde sensible, tandis que par les sens intérieurs nous entrons en contact avec le monde spirituel. La naissance dans l’esprit d’une idée au sujet d’un objet quelconque est une preuve non seulement de la réalité de l’esprit qui pense mais aussi de cet objet lui-même. En d’autres termes, nous pouvons dire que la pensée est un reflet du monde extérieur sur notre esprit. Quelquefois il arrive que, sans en avoir l’intention, nous soyons amenés à penser, ce qui prouve que quelque chose d’extérieur projette son image en nous. Où il y a des parfums il doit y avoir des fleurs ; la forme ou la couleur de ces fleurs peuvent être cachées à nos yeux, mais le parfum à lui seul prouve que ces fleurs existent. De même toute pensée implique une cause. L’esprit ressemble à un miroir ; des images dans le miroir impliquent la présence d’objets réels devant le miroir. Que cela plaise au miroir ou non, ces objets s’y réfléchissent. Par contre, le miroir n’a pas de vie propre, tandis que l’esprit en a une. Le miroir ne saurait créer des images, il ne peut que les renvoyer, tandis que l’esprit a en outre des idées innées ; cependant l’esprit est semblable au miroir dans ce sens que les objets extérieurs s’y réfléchissent sans que l’esprit lui-même participe à cette réflexion. Les idées abstraites sont les étincelles qui jaillissent du foyer de la réalité.

 

3. Les images dans notre esprit ne sont pas toujours le reflet exact de la réalité ; elles diffèrent d’individu à individu, selon les capacités différentes des hommes.

L’idée que nous nous faisons de Dieu est imparfaite, mais en vivant constamment en sa présence, nous atteindrons à une véritable compréhension de son être.

 

 

 

 

 

IX

 

 

Philosophie et intuition

 

 

1. C’est un fait admis que depuis des siècles la philosophie n’a guère progressé. On reprend toujours les mêmes problèmes et les mêmes solutions, quoique sous de nouvelles formes et en termes nouveaux. Aux Indes, un bœuf, les yeux bandés, tourne toute la journée autour du pressoir à huile. Le soir, lorsqu’on lui enlève son bandeau, il découvre qu’il n’a fait que tourner en rond et qu’il n’a pas parcouru un long trajet, quoiqu’il ait produit de l’huile. Bien que les philosophes aient marché pendant des siècles, ils n’ont pas encore atteint leur but. Avec les matériaux recueillis ici et là, ils ont produit de l’huile qu’ils ont laissée après eux dans leurs écrits. Mais cette huile ne suffit pas à étancher la soif de l’humanité. Il appartient à la foi et à l’intuition de satisfaire les besoins profonds de l’homme, non à la philosophie. Si vaste que soit notre savoir, il a cependant ses limites.

 

2. Des philosophes se suicidèrent en constatant l’impuissance d’apaiser leur soif de connaissance. Empédocle se jeta dans le cratère de l’Etna, afin d’apaiser sa soif de vérité ; il pensait parvenir ainsi à la communion avec les dieux, sans attendre de mourir de mort naturelle. Un astronome qui n’arrivait pas à comprendre les mystérieuses fluctuations des marées se jeta désespéré dans les flots qui l’engloutirent. Ces hommes-là, au lieu de trouver le Créateur dans ses œuvres et d’être pleinement satisfaits en lui, perdirent le Créateur et se perdirent eux-mêmes dans sa création. Ceci prouve que quoique la philosophie s’efforce de s’emparer des réalités, elle n’y réussit pas ; nul ne peut saisir les réalités par l’intelligence. Si quelqu’un croit pouvoir discerner les réalités par le moyen de son savoir, il se trompe. En effet, connaître une chose parfaitement, ce serait connaître l’univers entier, car cette chose, quelle qu’elle soit, est apparentée à tout le reste de la création, de sorte que pour arriver à la connaître pleinement, il faudrait connaître de même tout ce qui a un rapport quelconque avec elle. Mais ici, il faut s’incliner devant les réalités et marcher par la foi.

 

3. L’intuition, comme l’extrémité du doigt, est si sensible qu’elle sent immédiatement la présence de la réalité par son propre toucher. Elle peut être impuissante à fournir des preuves logiques, mais elle raisonne de la façon suivante : « Je suis pleinement heureuse ; or une telle paix ne peut venir que de la réalité ; donc j’ai trouvé la réalité. » Le cœur a des raisons que l’intelligence ignore. Il faut du temps pour analyser une fleur, mais il ne faut qu’un moment pour jouir de son parfum. L’intuition procède de la même manière.

 

 

 

 

 

X

 

 

La perfection

 

 

1. D’après les lois de la nature, il faut que la croissance s’accomplisse graduellement et pas à pas pour atteindre la perfection. C’est aussi la seule manière de nous préparer à remplir complètement la destinée pour laquelle nous avons été créés. Des progrès soudains ou fiévreux nous laissent faibles et imparfaits. L’avoine qui pousse en quelques semaines en Laponie ne fournit pas la même quantité de nourriture que le froment qui met six mois à mûrir. Le bambou grandit d’un mètre par jour et atteint une hauteur de plus de soixante mètres, mais il reste creux à l’intérieur. Un progrès lent et continu est donc indispensable à la perfection.

 

2. Il est vrai que la perfection ne pourra être réalisée que dans un monde qui sera parfait lui-même. Mais avant d’entrer dans ce monde parfait, nous avons à traverser un monde imparfait où il nous faut lutter et faire sans cesse des efforts. Cette lutte nous fortifie et nous prépare à vivre dans une sphère de pureté absolue. Comme les efforts que fait le ver à soie dans le cocon l’aident à en sortir sous forme de brillant papillon. Lorsque nous serons dans l’état de perfection, nous verrons combien toutes les choses qui nous paraissaient être des obstacles à nos progrès nous ont en réalité aidés, quoique mystérieusement, à atteindre la perfection.

 

3. L’homme porte en lui-même des germes de qualités innombrables qui ne peuvent pas se développer dans ce monde parce que les conditions d’ici-bas ne sont pas favorables à leur croissance et à leur parfait développement. Dans le monde à venir, ils trouveront les conditions favorables pour atteindre la perfection, mais la croissance doit commencer dès ici-bas. Il est trop tôt pour chercher à exprimer ce que nous serons quand nous arriverons à la perfection, mais nous serons parfaits, comme notre Père qui est dans les cieux est parfait (Matth. 5 : 48).

 

4. Il n’y a pas ici-bas de paix véritable. La paix a été détruite dans ce monde par le péché. C’est dans le « Prince de la paix » seul que nous pouvons trouver une paix réelle et permanente. L’eau se précipite des sommets et jaillit des profondeurs de la terre pour trouver son niveau et atteindre le calme. L’homme, de même, doit descendre des hauteurs de son orgueil et remonter des abîmes de son péché pour pouvoir, lorsqu’il a trouvé son niveau, se reposer enfin dans le calme et la paix.

 

5. Sur la montagne de la transfiguration, les disciples, qui n’avaient cependant pas encore atteint la perfection, goûtaient avec tant de ravissement la présence du Seigneur avec Élie et Moïse qu’ils proposèrent à Jésus d’y dresser trois tentes et d’y séjourner (Matth. 17 : 3, 4). Combien notre joie ne sera-t-elle pas plus grande dans le ciel lorsque nous serons parfaits et que nous serons toujours avec le Seigneur, ses saints et ses anges !

 

 

 

 

 

XI

 

 

Le progrès véritable et le succès

 

 

1. Si tous les peuples adoptent les manières extérieures et les coutumes des nations civilisées sans accepter les principes qui sont à la base de leurs progrès, le résultat sera désastreux.

Les gouvernements de ce monde ne sont que des copies du royaume des cieux dont Dieu est le chef. C’est pourquoi les royaumes terrestres s’affaibliront et se corrompront à moins que Dieu, qui est le point de départ de tout bien et de toute loi, ne règne dans le cœur des citoyens et des magistrats, des gouvernants et des gouvernés. Quelques-uns voudraient mener une vie pure sans Dieu, mais ils oublient que toute morale d’où Dieu est absent est creuse et vouée à la mort.

 

2. Sans progrès spirituel, le progrès terrestre n’est qu’une illusion trompeuse, car le progrès terrestre, mondain, ne se réalise qu’aux dépens d’autrui. Un grand nombre d’hommes courent dans le stade, mais un seul remporte le prix en dépassant tous les autres. Leur défaite constitue sa victoire. Un marchand fait fortune aux dépens des autres. Le progrès spirituel, par contre, est quelque chose d’absolu, puisque les progrès d’un individu favorisent ceux de tous les autres et dépendent du succès de chacun d’eux. L’expérience a prouvé que celui qui travaille pour le bien d’autrui en profite lui-même quoique souvent à son insu.

 

 

 

 

 

XII

 

 

La croix

 

 

1. Que nous l’acceptions ou non, nous ne pouvons nous soustraire à la croix. Si nous refusons de porter la croix de Christ, c’est de celle du monde que nous devrons nous charger. Au premier abord, a croix de Christ peut sembler lourde et celle du monde légère ; mais l’expérience prouve que la croix du monde est pesante et que celui qui la porte meurt de la mort de l’esclave, comme du temps de l’empire romain. Mais Christ a changé sa croix en gloire. Jadis, la croix était un symbole d’ignominie et de mort ; maintenant, elle est un symbole de victoire et de vie. Ceux qui portent la croix savent par expérience qu’elle les porte et les conduit sûrement au but ; mais la croix de ce monde nous entraîne toujours plus bas et nous précipite à la ruine. Laquelle de ces deux croix avez-vous chargée sur vos épaules ? Arrêtez-vous et réfléchissez.

 

2. Tous n’ont pas la même croix à porter, c’est-à-dire qu’elle varie suivant les personnes, suivant l’œuvre qui les attend et suivant leur condition spirituelle. Au dehors, elle paraît hérissée de clous, mais, en elle-même, elle est toute douceur et paix. L’abeille est armée d’un aiguillon, mais elle donne du miel. La crainte de l’austérité extérieure de la croix ne doit pas nous faire perdre ses immenses bénédictions spirituelles.

 

3. Un voyageur à l’intelligence bornée, fatigué de traverser péniblement des contrées montagneuses, serait tenté de penser que Dieu a fait avec toutes ces montagnes une chose bien inutile et qu’il eût agi plus sagement en ne créant que des plaines. Ce raisonnement prouverait que le voyageur ne comprend ni l’importance des montagnes, ni celle des richesses considérables qu’elles renferment. Les montagnes assurent, par exemple, la circulation perpétuelle de l’eau : or la circulation de l’eau sur la terre est aussi indispensable que celle du sang dans notre organisme. De même, les hauts et les bas de l’existence, l’obligation de nous charger chaque jour de la croix, maintiennent la circulation dans notre vie spirituelle, la préservent de la stagnation et apportent à l’âme des bénédictions incalculables.

 

4. Au cours de la grande guerre, des tranchées furent creusées dans des endroits fertiles et les champs furent détruits. Plus tard, dans ces tranchées, de belles fleurs poussèrent et même des fruits y mûrirent. On s’aperçut alors que le sol était fertile et que sous la première couche de terre arable, il y en avait de plus riches encore. De même, quand nous portons la croix et que nous souffrons, les trésors cachés de notre âme viennent à la lumière. Ne soyons donc pas désespérés si notre vie est parfois ravagée par l’épreuve, car celle-ci met en œuvre les puissances cachées et encore inutilisées de l’âme.

 

5. En Suisse, un berger cassa une fois la jambe d’une de ses brebis. Comme on le questionnait sur cet acte étrange, il répondit qu’elle avait la mauvaise habitude d’entraîner les autres brebis sur des hauteurs dangereuses, le long des précipices. La bête fut d’abord si furieuse qu’elle tâchait de mordre le berger quand il venait lui donner à manger, mais peu à peu elle s’apprivoisa et lui lécha même les mains. De même, Dieu conduit par les épreuves et la souffrance ceux qui ont été désobéissants et rebelles, sur le chemin de la sécurité et de la vie éternelle.

 

6. Tous les gaz, quand ils sont froids, absorbent les rayons lumineux ; quand ils sont chauds, par contre, ils en émettent. Nous aussi quand nous sommes dans un état de froideur spirituelle, nous vivons dans l’obscurité, quoique le soleil de justice luise constamment autour de nous. Mais, quand le feu du Saint Esprit est allumé en nous par les souffrances de la croix et que la chaleur gagne nos âmes, nous sommes tout d’abord illuminés nous-mêmes par ses rayons et nous donnons de la lumière aux autres.

 

7. Les diamants ne jettent pas de feux si on ne les taille ; mais lorsqu’ils l’ont été, les rayons du soleil s’y réfractent et les font étinceler de couleurs merveilleuses. Ainsi, lorsque la croix nous aura taillés suffisamment, nous brillerons comme des joyaux dans le royaume de Dieu.

 

 

 

 

 

XIII

 

 

La libre volonté de l’homme

 

 

1. Nous avons la capacité de discerner le bien du mal et de choisir l’un ou l’autre. Cela veut dire que nous sommes libres d’agir dans certaines limites données par notre nature. Autrement, ce pouvoir dont nous jouissons de distinguer le bien du mal n’aurait aucune signification. Le sens du goût nous dit ce qui est amer et ce qui est doux. Si nous n’étions pas libres de manger ce que nous préférons, ce sens du goût ne servirait de rien.

Nous sommes libres, non parce que nous aurions pu agir autrement, mais simplement parce que nous agissons.

Si, par exemple, j’ai la force de porter un poids de cinquante kilos, je suis libre de les porter tout à la fois ou en partie seulement. Si la charge dépasse cinquante kilos, elle dépasse aussi mes forces et par conséquent ma responsabilité ; je suis, par là même, libéré de la nécessité de porter le fardeau, parce que celui qui me l’a imposé ne demandera pas de moi plus que je ne puis faire. Ainsi la liberté subsiste dans les deux cas. Si je ne fais pas ce que je suis capable d’accomplir, il faut que je porte la punition de mes déficits et de mon indifférence, car j’ai fait mauvais usage de la puissance qui m’avait été confiée.

 

2. Ce n’est pas en punissant le criminel qu’on exterminera le mal et le crime. Si la chose était possible, il n’y aurait plus qu’à fermer les prisons. En dépit des châtiments rigoureux appliqués aux malfaiteurs, nous ne voyons aucun progrès dans les mœurs. Il n’est d’ailleurs pas possible de faire disparaître le mal de la face de la terre, à moins que chaque homme ne prenne la résolution de le supprimer autant qu’il est en son pouvoir. La contrainte de la part d’autrui ne produit aucun effet. Dieu n’arrête pas la main du meurtrier et ne ferme pas non plus la bouche du menteur, parce qu’il n’intervient pas dans la volonté de l’homme. Si Dieu s’interposait ainsi, l’homme ne serait plus qu’une machine, il ne connaîtrait pas le prix de la vérité et n’éprouverait aucune joie à s’y conformer, car la joie ne peut découler que d’un acte de franche volonté.

 

3. Le monde qui est, dans un certain sens, rebelle à Dieu, soumet à l’esclavage ceux qui suivent Christ. Mais lorsque, par la grâce de Dieu, ils sont affranchis de la servitude et des chaînes par lesquelles le monde voudrait les réduire à l’obéissance et sont entrés dans les lieux célestes, alors c’est le monde lui-même qui devient leur esclave, parce que le monde reconnaît qu’ils sont devenus participants de la puissance de vie qui l’a créé. Alors, au lieu de vaincre, c’est lui qui est vaincu. Dieu accorde à jamais la liberté parfaite à ceux qui mettent à son service toute leur volonté et tout leur amour.

 

 

 

 

 

XIV

 

 

Les lois de la santé

 

 

1. Les principes d’hygiène, physique et spirituelle, sont par eux-mêmes des moyens d’arriver à la santé. Les principes ne sont pas autre chose que les moyens déterminés par lesquels nous pouvons atteindre les buts que nous poursuivons. L’argent, par exemple, n’a pas d’utilité par lui-même ; il n’est qu’un moyen d’obtenir les choses dont nous avons besoin.

La musique, les parfums, les mets délicats, la lumière et la chaleur sont tout autant de biens dont nous jouissons pourvu que nous le fassions avec modération. Nous souffrons si nous en sommes privés comme lorsque nous en usons avec excès. Dieu nous a donné des sens externes et internes pour nous avertir des dangers qui nous menacent, et aussi pour nous faire découvrir la jouissance parfaite. La douleur est le symptôme qui nous indique qu’il y a un organe qui ne fonctionne pas bien, dans notre corps ou dans notre esprit. Le repos et le bien-être découlent de l’obéissance aux lois de la réalité.

 

2. La nature est contre nous si nous sommes contre elle ; mais si nous cherchons à vivre en conformité avec la nature, au lieu de nous faire du mal, elle nous aidera à atteindre l’état de santé parfaite auquel Dieu veut nous amener par ce moyen-là. Et dans cet état de parfaite santé nous jouirons aussi du bonheur éternel en Dieu, ce qui est le besoin le plus impérieux de notre âme.

 

 

 

 

 

XV

 

 

La conscience

 

 

l. La conscience, c’est la loi morale, le sens du bien ou du mal qui habite en nous. Elle n’est pas innée à l’homme, sinon en germe. Elle a besoin d’éducation, d’entraînement, d’exercice et de pratique. Le milieu lui aussi exerce une grande influence sur son développement.

De même que nous possédons une faculté esthétique qui nous permet de distinguer entre le laid et le beau, nous avons la conscience qui nous aide à distinguer le bien du mal.

 

2. La douleur dans une partie quelconque de notre corps est une voix qui donne l’alarme en cas de danger. De même, la douleur et le trouble de l’âme sont la conséquence du péché. Semblable au sens physique du toucher, la conscience nous prévient de l’imminence du danger et de la ruine, et nous presse de prendre les mesures nécessaires à notre salut.

 

3. Les vaisseaux qui naviguent le long des côtes savent où ils se trouvent en apercevant les phares, les rocs, ou la silhouette du rivage. Mais ceux qui voguent bien loin, au large, ne peuvent se guider que d’après les astres et la boussole. Il en est ainsi du voyage de notre âme vers Dieu : la conscience et le Saint Esprit nous sont indispensables pour atteindre le port sans nous perdre.

 

 

 

 

 

XVI

 

 

L’adoration du vrai Dieu

 

 

1. Vous ne trouverez guère d’hommes qui n’adorent pas Dieu ou quelque autre puissance. Si les philosophes ou les savants athées, dont le regard ne dépasse pas le monde matériel, n’adorent pas Dieu, ils ont souvent une tendance à rendre un culte aux grands hommes, aux héros ou à un idéal quelconque dont ils se sont fait une divinité. Bouddha n’a formulé aucune doctrine au sujet de Dieu ; aussi ses disciples le prirent-ils lui-même peu à peu comme objet de leur adoration. En Chine, comme on n’enseignait pas au peuple à adorer Dieu, il se mit à offrir un culte aux ancêtres. Même les gens tout à fait illettrés adorent une puissance ou un esprit, quels qu’ils soient. Bref, les hommes ne peuvent supprimer en eux le besoin d’adoration. Or, ce besoin que l’homme ne peut renier, a été mis en lui par Dieu afin qu’obéissant à ce désir, la créature puisse communier avec son Créateur et jouir éternellement de sa présence.

 

2. Quant à ceux qui s’obstinent à ne pas croire en Dieu, même lorsqu’on leur présente des arguments en faveur de son existence basés sur les principes de finalité et d’ordre, ils ne croiraient pas en lui quand même ils le verraient. Et ceci pour deux raisons. Si Dieu se révélait à eux en leur fournissant, pour prouver sa divinité, des arguments basés sur la logique divine, ils ne pourraient pas le comprendre parce que ces arguments dépasseraient la portée de la logique et de la philosophie des hommes. Si, par contre, il leur donnait des arguments tirés de la raison humaine, alors ces incrédules le mépriseraient en disant : « À quoi bon ? Nous savons déjà tout cela. Dieu n’est pas beaucoup meilleur que nous, car sa façon de raisonner ressemble fort à la nôtre. Il peut avoir une certaine supériorité sur un être humain, mais c’est tout. »

 

3. L’homme est une partie de l’univers, il en est le miroir. C’est pourquoi la création, tant visible qu’invisible, se reflète en lui. Dans ce monde, il est le seul être qui puisse interpréter la création. Il est pour ainsi dire le langage de la nature. La nature parle, mais silencieusement. L’homme exprime par des paroles ces discours muets de la nature.

 

4. L’homme est un être borné ; ses sens, soit extérieurs, soit intérieurs, sont donc aussi bornés. Il s’ensuit qu’il ne peut percevoir tous les aspects de l’œuvre de son créateur. Pour les connaître tous, il lui faudrait des sens innombrables. Les quelques sens dont nous sommes doués nous permettent de saisir certains aspects seulement de la création et certains côtés de son caractère, et cela encore d’une manière approximative. Toutefois, en dépit de cette insuffisance, notre cœur est capable d’avoir une perception de la réalité qui est indépendante du raisonnement et dont l’exactitude ne peut être contrôlée par l’intelligence. L’œil humain, quoique de dimensions réduites, embrasse d’immenses distances et atteint des lieux où l’homme lui-même ne parviendra jamais. Il contemple les astres éloignés de millions de lieues, il observe leur mouvement et jouit de leur éclat. De même les yeux du cœur contemplent les mystères divins et cette contemplation pousse l’homme à adorer Dieu, en qui seul les désirs de son cœur trouvent leur réalisation parfaite et éternelle.

 

 

 

 

 

XVII

 

 

La recherche des réalités

 

 

1. Les mages d’Orient, venant d’un pays éloigné, furent conduits par l’étoile jusqu’au soleil de justice. Ces hommes qui venaient de loin purent satisfaire le désir de leur cœur en contemplant et en adorant le Roi de justice, tandis que ceux de sa nation, les Juifs, le rejetèrent et le crucifièrent. Ils perdirent ainsi la bénédiction qui leur avait été offerte. Les peuples viennent à lui de l’Orient et de l’Occident, cherchant les « réalités » ; quand ils l’ont trouvé, ils l’adorent de tout leur cœur et de toute leur âme et s’offrent eux-mêmes en sacrifice à ses pieds. Par le moyen de ce sacrifice, ils héritent la vie éternelle dans son royaume. Par contre, les chrétiens, qui sont dans un sens son propre peuple, le renient par leurs paroles et par leurs actions et subissent une perte irréparable. Les mages d’Orient ne s’arrêtèrent pas assez longtemps auprès du Christ pour voir ses miracles, sa crucifixion, sa résurrection et son ascension ; c’est pourquoi ils n’eurent pas de message à proclamer dans leurs pays quand ils rentrèrent. Exactement de même, certains hommes qui cherchent la réalité ne vivent pas en communion bienheureuse avec le Seigneur, ils ne font pas l’expérience qu’il donne la vie et qu’il a le pouvoir de sauver ; ainsi ils n’ont aucun message à communiquer au monde.

 

2. « On donnera à celui qui a et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas, même ce qu’il a lui sera ôté » (Matth. 25 : 29). Si un homme n’a rien, comment peut-on lui ôter quelque chose ? Il peut n’avoir pas de talents ou de responsabilités parce que ceux-ci lui ont été ôtés à cause de sa négligence ; toutefois ce qu’il possède encore, c’est la capacité de distinguer entre le vrai et le faux, entre ce qui est réel et ce qui ne 1’est pas. Mais même cette faculté de discernement lui est enlevée parce qu’il n’en fait pas usage. Alors sa conscience s’engourdit et meurt. Il ne lui reste rien.

 

3. Il y a des hommes dont la faculté de discerner la vérité est tout à fait morte. Lorsque, en dépit des instruments d’investigation les plus sensibles, ils ne réussissent pas à découvrir les origines de la vie sur le globe, au lieu de croire en Dieu comme en la source de toute vie, ils préfèrent supposer que des germes vivants sont tombés des météores – ce qui est une impossibilité ! Si la matière inerte dont le monde se compose ne peut engendrer la vie, comment les météores faits de la même matière que l’univers pourraient-ils le faire ? Si la substance des météores diffère de la substance terrestre, comment les germes tombés des météores croîtraient-ils dans un monde absolument différent du leur ? En réalité, c’est la présence de Dieu qui produit la vie. Dans l’eau, qu’elle soit chaude ou glacée, il y a des êtres vivants. On trouve des êtres animés dans les sources thermales. C’est partout le résultat de la puissance créatrice de Dieu. Il produit la vie dans n’importe quelle condition.

 

4. La vérité ou la réalité se reconnaît à ses fruits. Celui qui agit conformément à la réalité en recueille les heureuses conséquences dans le présent comme il recevra dans l’avenir la récompense de sa fidélité. Les réalités seules peuvent apaiser la faim de l’âme.

L’homme si déchu et dégradé qu’il puisse être, aime et apprécie la vérité. Un menteur, par exemple, peut bien mentir lui-même, mais il n’admet pas que d’autres disent des mensonges. Tel autre, tout injuste qu’il est lui-même, se fâche si l’on pratique l’injustice autour de lui. Ceci montre que, sans qu’il s’en rende compte, le désir de la vérité et de la justice ainsi que la faculté de les discerner se trouvent naturellement en l’homme ; en effet, c’est la vérité qui a créé l’homme de telle sorte qu’il éprouve un véritable bonheur quand il vit dans la vérité et pour elle.

S’ils agissent contre la vérité, ils en souffriront, car ils font ainsi violence à leur propre nature aussi bien qu’à la nature de la vérité qui les a créés.

 

5. La vérité a des aspects très divers. Chaque individu, suivant la capacité qui lui a été donnée par Dieu, révèle ou exprime différents aspects de la vérité. Tel arbre attire tel et tel homme par ses fruits, tel autre par ses belles fleurs. Les hommes s’efforceront d’exprimer l’attrait spécial que ces arbres exercent sur eux. De même, le philosophe, le savant, le poète, le peintre et le mystique, chacun selon son tempérament et ses capacités, définiront et décriront les aspects des réalités qui les ont diversement influencés. Il est impossible à un seul individu d’embrasser d’un coup d’œil les réalités et de décrire leurs multiples phases.

 

6. Pour nous assurer qu’une chose est vraie ou non, il nous faut la considérer de plusieurs côtés : autrement nous risquons de commettre des erreurs. Si nous regardons, par exemple, un bâton droit par un bout, en fermant un œil, nous ne pouvons pas en mesurer la longueur. Pour avoir une idée exacte du bâton, il nous faut le regarder de différents côtés.

Celui qui cherche la réalité de tout son cœur et de toute son âme et qui la trouve, se rend compte qu’avant qu’il se soit mis à sa poursuite, c’était la vérité elle-même qui le cherchait pour l’amener à jouir d’une communion bénie avec elle. N’en va-t-il pas de même lorsqu’un enfant retrouve sa mère ? Quand il peut s’asseoir de nouveau sur ses genoux, il s’aperçoit que l’amour maternel l’avait cherché avant même qu’il pensât à retourner vers sa mère.

 

 

 

 

 

XVIII

 

 

La repentance et le salut

 

 

La repentance est nécessaire pour obtenir le salut, mais la repentance ne peut pas à elle seule sauver les hommes à moins que leurs péchés ne soient aussi effacés par la grâce de Dieu. Si je jette une pierre à un homme, que je le tue et que je m’en repente ensuite, cette repentance peut m’empêcher de commettre de nouveau la même criminelle folie, mais le mal que j’ai fait ne peut être réparé et l’homme ne peut être ramené à la vie. Dieu seul peut me pardonner et fournir à celui que j’ai tué une occasion de dépenser dans une autre vie les forces perdues par cette mort subite. De cette manière, l’un et l’autre, meurtrier et victime, peuvent être sauvés.

 

2. C’est Dieu seul qui peut punir ou pardonner en parfaite connaissance de cause, car seul il comprend les besoins intimes et l’état d’âme de l’homme ; il sait quelle sera la conséquence de son pardon ou de son châtiment. Quand c’est l’homme qui punit, la punition atteint rarement son but, parce qu’il ne connaît ni la misère intérieure ni les dispositions du criminel. Dans certains cas, la punition fait plus de mal que de bien, tandis que le pardon produit en lui une transformation presque miraculeuse. Pour d’autres coupables, le pardon ne serait qu’une occasion nouvelle de commettre des crimes ; le châtiment est nécessaire pour réformer ces hommes-là. Dieu seul connaît la véritable nature de l’homme, et en y adaptant son action, il le délivre des occasions de tomber dans le péché, aussi bien que des conséquences de ses fautes.

 

3. Le but que poursuit l’âme, c’est de posséder une joie réelle et permanente. Tous les efforts faits pour atteindre ce but par des moyens coupables ne tendent qu’à détruire dans l’âme la capacité même de jouir de la félicité ; or, cette faculté de se réjouir de la vérité périt d’elle-même si elle n’est pas cultivée et entretenue. Car Dieu qui dans son amour a créé en nous cette puissance, cette capacité, cette faculté de jouir, veut que dans la communion avec lui nous puissions savourer une joie éternelle. C’est en cela que consiste le salut.

 

4. L’orgueil est un péché parce que l’orgueilleux a de lui-même une opinion démesurée. De ce fait, il dédaigne la grâce de Dieu et, tombant dans le péché, il livre sa propre âme à la destruction. Le mensonge est un péché parce qu’il s’attaque à la vérité. L’influence du mensonge réitéré sur le menteur est telle qu’il en arrive à se mentir à lui-même. Il cesse de se fier au témoignage de ses sens intérieurs ou extérieurs, doutant qu’ils lui disent la vérité. Finalement, il commence à mettre en doute même l’amour et la grâce de Dieu ; il subit la perte de sa vie spirituelle et des plus riches bénédictions divines. La convoitise est un péché parce que l’homme cupide cherche sa satisfaction dans les choses créées en oubliant le Créateur. L’adultère est un péché parce que l’homme adultère brise les liens de la famille ; il détruit la pureté et la vie même. Le vol est un péché parce que le voleur s’empare du salaire d’autrui. Il trouve son bonheur dans leur ruine. Il est donc nécessaire que nous nous repentions de ces péchés-là et de tous les autres et que nous obtenions le salut, pour que la volonté de Dieu s’accomplisse dans nos vies terrestres, comme elle est faite dans le ciel parmi les bienheureux et les anges.

 

5. Les savants et les philosophes partisans de l’évolution parlent de la survivance du plus apte par le moyen de la sélection naturelle. Il y a cependant un autre fait capital, et qui est prouvé par la vie transformée de millions d’êtres, c’est que grâce à la sélection divine, il y a une survivance des inaptes, c’est-à-dire des pécheurs. Des ivrognes, des adultères, des meurtriers, des voleurs ont été tirés des abîmes du péché et de la misère, et ont reçu la grâce d’une existence nouvelle faite de paix et de joie. Voilà le salut qui nous a été obtenu par Jésus-Christ, qui est venu dans le monde pour sauver les pécheurs (I Tim. 1, 15).

 

 

 

 

 

XIX

 

 

Le péché originel

 

 

1. Il arrive que les enfants héritent les maladies des parents, mais si ceux-ci perdent par accident les mains, les pieds ou les yeux, les enfants ne naissent pas nécessairement boiteux, manchots ou aveugles. Le cas est le même pour le péché originel. Les enfants n’héritent pas toutes les qualités ni tous les défauts de leurs parents ; le caractère des enfants résulte dans une large mesure de leurs actes délibérés. S’ils héritaient tous les traits de caractère de leurs parents, ils ne pourraient pas être rendus responsables de leurs propres actions. Les capacités et le tempérament ne sont que partiellement héréditaires ; leur développement et leur maturité dépendent principalement d’un effort personnel.

 

2. Si un objet quelconque intercepte la lumière, il projette une ombre ou produit l’obscurité. Une éclipse de lune est causée par la gravitation de la terre qui, à un moment donné, se trouve entre le soleil et la lune. Quand l’ombre d’un objet éloigné nous couvre, nous n’en sommes pas responsables, puisque ce n’est pas nous mais cet objet extérieur qui projette son ombre sur nous. Nous trouvant dans la portée de cette ombre, nous en sommes affectés, mais nous n’en sommes pas responsables. Par contre, nous sommes responsables des mauvaises pensées qui montent dans nos cœurs et nous enveloppent d’ombre comme les nuages flottant dans le ciel produisent de l’obscurité.

 

3. Les péchés et leurs conséquences, quoique dangereux, ne sont pas éternels. Excepté Dieu et ceux auxquels il a accordé la vie éternelle, rien n’est éternel. Si un autre que Dieu pouvait exister par lui-même, distinct de Dieu, il faudrait qu’il possédât aussi les attributs infinis qui sont inhérents à la divinité. Cela est impossible, car il ne peut y avoir qu’un seul absolu.

L’existence de Dieu est la garantie d’un ordre de choses idéal, qui doit être à jamais à l’abri de toute atteinte. Tout ce qui s’oppose à sa nature, c’est-à-dire le mal, ne pourra exister pour toujours en sa présence. C’est pourquoi la création tout entière, qui soupire et est en travail parce qu’elle est assujettie au mal et à la vanité, sera délivrée à jamais de l’esclavage de la corruption et amenée à la liberté glorieuse des enfants de Dieu. (Rom. 8 : 20, 22.)

 

 

 

 

 

XX

 

 

Les Védas et le Panthéisme

 

 

1. Selon les Védas, Dieu (Brahma) seul est réel : tout le reste n’est qu’illusion. L’âme humaine est identique à Dieu, quoique, étant donnée notre ignorance, elle semble avoir une existence distincte de lui. Si cela était vrai, cela voudrait dire que Dieu lui aussi est soumis à l’illusion. Dans ce cas, il ne pourrait pas être Dieu. En réalité. Dieu est affranchi de toute illusion et connaît toute chose. Les Védantistes prétendent aussi que, plongé dans une contemplation profonde (samadhi), le dévot se dépouille de l’illusion (maya) par le moyen d’une connaissance directe. La question se pose maintenant : si tout est illusion, comment pouvons-nous être certains que le dévot absorbé dans le samadhi et la connaissance qui découle de cet état ne sont pas aussi illusion ?

 

2. Si nous admettons l’autorité des Védas, nous serons obligés d’admettre – l’homme étant identique à Dieu – que Dieu lui aussi est dans un état d’évolution, et que par le moyen de l’illusion et de la transformation de la matière il cherche à atteindre la perfection. Si la maya n’opère pas cette œuvre pour Dieu, que les Védantistes nous disent tout d’abord : 1o quelle est la cause première de la maya ; 2o à la suite de quels évènements nous sommes enveloppés par la « maya » : 3o quel est le but et l’utilité dernière de la « maya ». Il est incontestable que Dieu est « en » toutes choses et que toutes choses sont « en » Dieu. Mais Dieu « n’est » pas toutes choses, et toutes choses ne sont pas Dieu. Ceux qui confondent le Créateur avec sa création sont plongés dans l’ignorance.

 

 

 

 

 

XXI

 

 

Christ notre refuge

 

 

1. L’abeille vole de fleur en fleur pour recueillir du miel. Tandis qu’elle est absorbée par ce travail délicieux, il se peut qu’elle soit piquée par une araignée. Cette piqûre l’engourdit et l’abeille devient une proie facile pour son ennemie. De façon semblable, Satan peut nous surprendre non seulement dans des lieux mauvais, mais aussi quand nous sommes occupés à faire le bien ou engagés dans une œuvre utile et agréable. Si nous ne prions pas avec vigilance, nous courons le risque d’être surpris et vaincus par Satan.

 

2. Le péché engourdit la conscience ; il affaiblit et désarme la volonté. L’homme réduit à cet état-là, lorsqu’il se trouve face à face avec le danger et la mort, est tellement impuissant que, malgré tous ses efforts, il ne peut leur échapper. Un jour, en plein hiver, un oiseau de proie s’était posé sur un cadavre qui s’en allait à la dérive vers les chutes du Niagara et il était en train de dévorer. Quand l’oiseau fut tout près de la cataracte, il voulut quitter le cadavre et s’envoler. Mais ses serres étaient gelées à tel point qu’il ne put lâcher prise ; il fut englouti par les eaux mugissantes et périt misérablement.

 

3. Pour être à l’abri de toute attaque et de tout danger de la part de l’ennemi, nous devons, en vivant dans une communion permanente avec le Seigneur, devenir semblables à lui. Dans les pays septentrionaux, la nature revêt de blanc les quadrupèdes et les oiseaux, de façon qu’ils ne se distinguent pas de la neige qui les entoure et qu’ils sont à abri des attaques de leurs ennemis. Là où le milieu est différent, les animaux sont vêtus différemment. Le caméléon et le turbot changent de couleur en un instant ; en prenant la nuance de ce qui les entoure ils échappent eux aussi à leurs ennemis. Les poissons aveugles, par contre, ne peuvent pas les imiter, car ils ne discernent pas les couleurs autour d’eux. Il est donc capital d’avoir une vision spirituelle bien nette afin qu’en regardant toujours à Christ et en le suivant nous puissions devenir semblables à lui ; alors, nous vivons en lui dans une sécurité absolue, protégés contre toutes les embûches de l’ennemi.

 

 

 

 

 

XXII

 

 

Les ennemis, grands et petits

 

 

1. Les ennemis mortels de l’homme ne sont pas seulement les gros animaux comme les tigres, les loups et les serpents. De petits germes qu’on ne voit qu’au microscope, pénétrant dans notre corps avec la nourriture, l’eau ou l’air, sont souvent plus dangereux et entraînent des maladies fatales. De même, ce ne sont pas seulement les grands péchés qui sont funestes à l’âme ; les pensées cachées et coupables, germes de péchés de toute espèce, sont souvent plus destructrices. Il nous faut nous efforcer dès le début d’arracher de nos cœurs ces germes de mal afin que nous-mêmes et les autres hommes, nous puissions être affranchis de leurs conséquences fatales.

 

2. Notre corps renferme des germes de santé, les phagocytes, aussi bien que des germes de maladie, les bactéries. Si par suite des circonstances, les germes nuisibles s’accroissent et étouffent les germes de santé, l’homme tombe malade, et s’il n’est pas soumis à un traitement approprié, il succombe. Si au contraire les germes vitaux sont les plus forts, ils résistent et tuent les germes morbides et l’homme jouit d’une santé parfaite. De façon analogue, nos bonnes pensées triomphent des mauvaises et favorisent en nous l’épanouissement de la santé morale, à l’abri des ravages du mal. Cette victoire ne peut être acquise sans le secours du Saint Esprit qui est la source de toute bonté, de toute joie et d’une vie parfaite.

 

3. Les mauvaises pensées s’emparent de certains hommes avec tant de violence qu’ils semblent perdre toute espérance et que dans leur désespoir ils se donnent la mort. Mais au lieu de se tuer eux-mêmes, ils devraient plutôt, avec l’aide de Dieu, tuer ces pensées qui détruisent leurs espoirs et leur capacité de vaincre. Au lieu d’employer du poison ou des armes mortelles pour mettre fin à nos vies, employons des armes spirituelles, comme la prière, pour détruire le mal jusqu’à la racine. Alors, au lieu de nous détruire, nous nous sauverons, et par là-même nous aiderons à d’autres à trouver aussi le salut.

 

4. L’égoïsme aussi est une espèce de suicide, car Dieu nous a fait don de certaines capacités et de certaines qualités pour que nous les employions au service d’autrui. En aidant notre prochain, nous découvrons une joie nouvelle, et nous nous faisons du bien à nous-mêmes. C’est la loi de notre être intérieur. Si nous ne venons pas en aide aux autres, nous perdons cette joie. Si nous n’aimons pas notre prochain comme nous-mêmes, nous désobéissons à Dieu, et cette désobéissance nous prive de la joie qui est la nourriture par excellence de nos âmes. Or, la privation de cette nourriture nous fait mourir de faim. L’égoïste croit travailler à son propre bien-être, mais sans le savoir il se fait beaucoup de mal à lui-même. Si seulement chacun individuellement pouvait se décider à renoncer à l’égoïsme, toutes les querelles et toutes les luttes cesseraient dans le monde, et la terre deviendrait le ciel même. Tout péché a son origine dans l’égoïsme. C’est pourquoi le Seigneur nous a commandé de renoncer à nous-mêmes et de le suivre. (Luc 9 : 23.)

 

5. Si nous sommes toujours occupés à critiquer et à blâmer notre prochain, nous nous faisons beaucoup de mal, tant à lui qu’à nous. Mais si nous renonçons à notre propre justice et que nous nous appliquons à nous critiquer nous-mêmes, cela nous rendra meilleurs et nous apprendra à sympathiser avec les autres et à les aimer. De cette manière, nous ferons du bien aux autres et à nous-mêmes, et nous hériterons la terre promise qui est le royaume de l’amour véritable.

 

 

 

 

 

XXIII

 

 

Étrangers et pèlerins sur la terre

 

 

1. Un certain philosophe fit une fois un voyage autour du monde pour découvrir un lieu où régnassent le calme et le repos parfaits. Au lieu de cela, il trouva partout le péché, la douleur, la souffrance et la mort. La connaissance et les expériences acquises de cette façon l’amenèrent à la conclusion que ce monde-ci n’est pas destiné à être pour nous une demeure permanente et véritable, mais que la vraie patrie, celle après laquelle notre âme soupire est ailleurs. C’est là que l’âme trouvera un repos parfait.

Un oiseau fut capturé un jour près du golfe du Mexique et envoyé à huit cent cinquante milles de distance. On l’enferma dans une cage et il ne connaissait pas le chemin par lequel on l’avait fait passer. Mais lorsqu’il eut atteint toute sa croissance, il retourna sans l’aide d’un guide à l’endroit même d’où on l’avait emmené. Son instinct seul l’avait conduit. De même, l’homme dont par la grâce de Dieu la conscience reste éveillée, quitte ce monde transitoire et, guidé, fortifié par le Saint Esprit, il atteint le ciel, la patrie éternelle pour laquelle il a été créé.

 

3.  On raconte qu’un naturaliste emporta des œufs de rossignol dans un pays froid, espérant qu’une fois éclos, les oiselets s’y acclimateraient et l’adopteraient comme leur patrie. Ils brisèrent leur coquille et y vécurent tout un été, mais l’automne venu ils s’envolèrent dans leur pays d’origine et n’en revinrent jamais. Nous non plus, quoique nés dans ce monde, nous ne sommes pas faits pour ce monde. Dès que le moment viendra pour nous de quitter ce corps, nous nous envolerons vers la patrie céleste.

 

4. À l’instant de la mort, l’âme ne meurt pas ; elle ne s’en va pas non plus dans un lieu éloigné. Mais, au travers de la mort, elle commence une existence nouvelle, elle entre dans un nouvel état. Comme l’enfant qui vient de naître commence une existence nouvelle en entrant dans un état nouveau, quoique le lieu dans lequel il continue à vivre soit le même, ainsi l’esprit, après s’être détaché du corps, entre dans un état spirituel qui est beaucoup meilleur, quoique le monde dans lequel il vit soit le même qu’auparavant. Le sein maternel pour l’enfant et le corps pour l’âme sont des lieux de préparation pour l’avenir. Du corps l’esprit passe devant la face de Dieu, où il réalise sa destinée véritable et la perfection.

 

 

 

 

 

XXIV

 

 

Foi et pureté

 

 

1. Sans la foi, aucune œuvre, religieuse ou non, ne peut être menée à bonne fin. Si nous n’avions pas confiance les uns dans les autres, la vie dans le monde serait impossible. Puisque toutes choses ici-bas dépendent ainsi de la confiance mutuelle, combien il est honteux de ne pas nous confier en celui qui a mis en nous la puissance de croire ! Il est évident que si notre savoir était sans bornes, la foi serait inutile ; mais puisque notre science équivaut à si peu de chose qu’elle dépasse à peine le néant, tant que nous sommes dans ce monde, nous ne pourrons pas nous passer de la foi. Dans le monde à venir, nous ne pourrons pas non plus nous en passer, car même alors notre connaissance aura ses limites.

La foi, comme l’amour, peut être comparée à la jeune tige de la vie qui s’attache à Dieu ; elle pousse ensuite des rameaux et des feuilles, et produit en abondance du fruit spirituel.

 

2. Par la foi, nous recevons le baptême de feu du Saint Esprit, sans lequel le baptême d’eau est insuffisant pour purifier et pour sauver. Ni l’argent ni l’or ne peuvent être purifiés par l’eau extérieure, puisqu’elle ne peut pénétrer au-dedans des métaux pour en ôter les impuretés. Le feu est nécessaire pour les affiner. Le baptême de feu de l’Esprit Saint est nécessaire pour purifier l’âme complètement.

 

 

 

 

 

XXV

 

 

Révélations de Jésus-Christ

 

 

l. Avant d’avoir reçu le Saint Esprit, nous ne pouvons comprendre la grandeur et la divinité de Jésus-Christ, même si nous l’avons suivi toute notre vie. Ceci ressort clairement des expériences des disciples. Christ appela les disciples qui avaient une occupation très humble et leur confia une tâche plus noble et plus haute ; du métier de pêcheurs il les fit passer à celui de pêcheurs d’hommes. Ils vécurent avec lui trois années pendant lesquelles ils accomplirent l’œuvre la plus élevée, celle qui consiste à prêcher aux hommes la bonne nouvelle du salut. Mais lorsque Christ fut crucifié et enseveli, toutes leurs espérances descendirent avec lui dans la tombe. Les disciples retournèrent à la besogne qui avait été jadis leur gagne-pain. Mais Christ qu’ils croyaient mort ressuscita d’entre les morts et leur apparut à diverses reprises. Un jour qu’il se montra à ses disciples près de la mer de Galilée, Pierre le reconnut comme le Seigneur, et fut si confus qu’il sauta à l’eau pour se cacher et ceci pour deux raisons très probables : l’une parce que c’était la première fois qu’il revoyait Jésus après son reniement et qu’il avait honte en se disant : j’ai déclaré solennellement que je donnerais ma vie même pour Christ et que je ne le renierais à aucun prix. Mais je l’ai renié quand même. Comment puis-je maintenant me présenter devant lui ? La seconde raison était très probablement celle-ci : qu’il était plein de confusion à l’idée que trois ans auparavant, à cet endroit même, lui et les autres disciples avaient été choisis pour l’œuvre magnifique d’appeler les hommes à Christ et qu’au bout de trois ans ils avaient renoncé à cette noble vocation pour reprendre à la même place leur occupation d’autrefois tandis qu’ils auraient dû poursuivre le travail urgent pour lequel Christ les avait mis à part. Lorsque Jésus ressuscita des morts, leurs espérances anéanties revinrent aussi à la vie, et lorsqu’ils reçurent ensuite la plénitude du Saint Esprit, ils se convainquirent à nouveau de la divinité de Jésus-Christ. En dépit de la persécution et du martyre, ils prêchèrent son nom et continuèrent jusqu’à la fin l’œuvre à laquelle ils avaient été appelés.

 

2. À l’heure actuelle, beaucoup de chrétiens se proclament disciples de Jésus-Christ sans avoir toutefois l’expérience de sa grandeur et de sa divinité dans leur vie personnelle. Ainsi ils s’égarent et se figurent que Christ était un homme supérieur et parfait qui vécut et mourut il y a des siècles. Mais à ceux qui se repentent et qui l’invoquent, il accorde une nouvelle révélation de lui-même et se montre à eux revêtu de gloire et de puissance, comme à saint Paul. Ils renouvellent leur communion avec lui et, par le secours du Saint Esprit, ils le servent fidèlement jusqu’à la fin de leur vie.

 

 

 

 

 

XXVI

 

 

L’humilité

 

 

1. Si l’esprit de Christ n’habite pas en nous, nous ne pouvons être humbles et doux comme celui qui, étant Dieu, prit la forme d’un serviteur (Phil. 2 : 6, 7). Ne nourrissons pas un faux orgueil dans nos cœurs, oubliant ce que nous sommes en réalité. L’orgueil nous éloignera de la vérité et nous nous perdrons nous-mêmes. Quand même nous serions plus avancés que d’autres hommes, nous ne devons pas oublier que le diamant et le charbon sont faits de la même substance, c’est-à-dire de carbone. Grâce à des conditions diverses, ils ont pris des formes différentes, mais le diamant, tout en étant de grande valeur, se consume aussi complètement que le charbon.

 

2. Quand nous nous trouvons au bord d’un précipice et que nous regardons en bas, nous sommes pris de vertige et remplis d’effroi, bien que la profondeur ne soit peut-être que de quelques centaines de pieds. Mais nous n’avons jamais peur en regardant les cieux, quoique notre regard atteigne à des hauteurs beaucoup plus considérables. Pourquoi ? Parce que nous ne pouvons tomber en haut ; tandis que nous risquons de choir dans l’abîme et d’être brisés en morceaux. Quand nous regardons à Dieu, nous nous sentons en sécurité en lui, et nous ne craignons aucun danger. Mais si nous détournons notre visage de lui, nous sommes remplis de terreur à l’idée de tomber loin des réalités et d’être mis en pièces.

 

 

 

 

 

XXVII

 

 

Le temps et l’éternité

 

 

1. Le temps réel, c’est-à-dire le temps par rapport à Dieu, c’est l’éternité. Le temps tel que nous le connaissons n’est que l’ombre éphémère de ce temps réel. Pour Dieu, il n’y a ni passé, ni futur, tout est présent. Sa connaissance étant illimitée, le passé et l’avenir sont perpétuellement devant lui. Mais pour nous le présent n’existe pas, car il n’est qu’un passage du futur dans le passé. Chaque instant émerge de l’avenir et glisse dans le passé avec une rapidité inimaginable. Ni le passé, ni l’avenir n’existent pour nous, car ils sont au-delà de nos prises. Le temps n’a donc aucune réalité pour nous.

Lorsque nous nous éveillons, il nous est presque impossible de dire combien de temps s’est écoulé pendant notre sommeil. Même dans nos heures de veille le temps est si irréel ! Dans la tristesse et la souffrance, un jour semble une année ; dans la joie, une année est comme un jour. Le temps n’a donc pas de réalité, car ce qui existe réellement est vrai en toute circonstance ; or nous n’avons pas le sentiment du temps qui fuit parce que nous avons été créés pour la réalité qui est éternelle.

 

2. Une année, un mois, un jour, une heure, une minute, une seconde constituent ce que nous appelons le temps par rapport aux incidents ou aux transformations qu’éprouvent les corps dans l’espace. Prenez n’importe quel objet dans l’espace : les changements qu’il subit créent le temps. Le moment où la transformation s’effectue, c’est le présent ; mais dès qu’elle est accomplie, c’est le passé ; si elle est encore à venir, c’est le futur. Quand les objets se transforment, le temps aussi se transforme avec eux en futur ou en passé. Par contre, les réalités ne subissent aucun changement, non plus que l’éternité dans laquelle elles plongent.

 

3. Le temps peut changer et se perdre dans l’oubli ; mais rien de ce que nous avons fait dans le temps ne s’effacera jamais : tout cela passera dans l’éternité. « Le monde passe et sa convoitise, mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure à toujours. » (I Jean 2 : 17.)

 

 

 

 

 

 

 

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