Le culte du prophète Élie

et sa figure dans la tradition orientale

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Théodosy SPASKY

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans les ouvrages liturgiques de l’Église Orthodoxe Orientale on distingue nettement deux aspects différents dans le culte du prophète Élie. Nous nous proposons d’essayer de découvrir la figure d’Élie telle qu’elle nous a été transmise par la tradition.

La tradition orientale se fonde essentiellement sur les textes et les homélies des Pères de l’Église Orientale.

Ce sont en premier lieu les hymnes liturgiques en l’honneur d’un saint ou d’un évènement ; ces textes expriment toujours le résumé des conceptions théologiques et des croyances anciennes de l’orthodoxie orientale. Ils sont, par conséquent, la synthèse de la tradition orientale qui est communiquée aux fidèles directement par l’office divin, et non par la catéchisation. C’est là une particularité de l’Église Orthodoxe.

En second lieu il faut mentionner les icônes qui, dans l’Église Orientale, illustrent toujours fidèlement les textes évangéliques et liturgiques. On peut mettre l’iconographie au même rang que les textes liturgiques, car, selon saint Jean Damascène, elle joue le même rôle de source de la foi pour les analphabètes.

Enfin, l’édification des églises en l’honneur des saints ou des évènements et des icônes miraculeuses, est une expression matérielle du culte. Ces églises, avec la date précise de leur édification, peuvent orienter les recherches concernant l’origine et le développement du culte des saints. Ainsi, dans notre étude, nous aurons recours à ces trois sources, qui sont l’expression matérielle de la tradition de l’Église Orientale.

La fête de saint Élie, célébrée dans l’Église Orientale le 20 juillet par une vigile qu’indique le Typicon, pendant assez longtemps n’a pas été consacrée à Élie seul. Elle était associée au culte du prophète Élisée, dont on honore maintenant la mémoire séparément, le 14 juin 1. Cette fusion des fêtes de deux saints existait encore dans la tradition orientale au VIIIe siècle. Nous trouvons, dans la Ménée grecque et slave contemporaine, des stychères de saint Jean Damascène et de l’empereur Léon le Sage qui glorifient les deux prophètes ensemble, ainsi qu’une église consacrée à leur mémoire à Constantinople. Ces stychères se trouvent dans la vigile du prophète Élie, aussi bien que dans celle du prophète Élisée. Cette célébration commune s’explique non seulement par le récit de la Bible qui associe les deux prophètes dans une unité de lieu et d’actes, mais aussi par les circonstances qui furent à l’origine de la fête d’Élie. Sous le patriarche Théophile d’Alexandrie (fin du IVe s.) les reliques du prophète Élisée ont été retrouvées (ce fait est marqué dans les Acta Sanctorum à la date du 27 mai – mois de Baunae). Quelques fragments des reliques (qui avaient été brûlées) furent transférées à Constantinople, et de là, sous le règne de Théodose, à Ravenne. À Constantinople elles furent déposées dans la basilique des saints Apôtres. Selon certaines indications 2, la date du 20 juillet était justement la date commémorative du transfert des reliques du prophète Élisée. Il est évident qu’au VIIIe et au IXe siècles on commémorait à Constantinople les deux prophètes ensemble, et dans la même basilique des saints Apôtres. En même temps il existait aussi des célébrations séparées. La preuve en est que saint Jean Damascène a composé deux canons différents : pour le 20 juillet au prophète Élie, et pour le 14 juin au prophète Élisée. Sans doute saint Jean Damascène exprime-t-il la tradition palestinienne, car il était lié au monastère (Laura) de saint Sabba, et il suivait le calendrier palestinien. En effet, le Typicum Sabbae marque un jour spécial pour la célébration de la fête « τοΰ άγίου προφήτου Ήλίου » (saint prophète Élie). Cependant cette fête n’était pas liée au 20 juillet. Elle appartenait au cycle pascal : « Le lundi, après le dimanche nouveau (Dominica in albis) nous commémorons saint Élie et nous allons en procession en chantant des litanies jusqu’à la basilique qui lui est consacrée où nous célébrons la liturgie 3. » Le ménologe de l’empereur Basile détermine le jour de la fête comme « ή πύρφορος άνάβασις είςούρανοΰς Ήλίου τοΰ προφήτου » (l’ascension en feu au ciel d’Élie le prophète). Ainsi, nous trouvons des indications de célébrations liturgiques des deux prophètes distinctes.

Par conséquent une question se pose : quel sens attribuait-on à la célébration de la fête de saint Élie ? La réponse se trouve dans les hymnes poétiques de l’office du 20 juillet. On y trouve d’abord la glorification de l’enlèvement du prophète au ciel dans un char de feu. Ce fait est décrit par saint Jean Damascène ainsi que par le patriarche Germain. Le patriarche Germain a composé une partie des stychères, tandis que saint Jean Damascène en a écrit d’autres ainsi que le canon. Dans ces textes, l’enlèvement d’Élie est considéré comme faisant partie des trois visions de Dieu par le prophète : à Horeb, au Thabor, et enfin au second avènement du Christ. Élie est le second Précurseur de l’avènement du Christ ; ceci est aussi noté dans le Troparion (partie centrale de l’office qui expose le sens essentiel de la fête). Cette interprétation théologique est un bref résumé de toutes les mentions concernant Élie en rapport avec saint Jean le Précurseur, qui se trouvent dans les Évangiles et dans l’Apocalypse (ch. XI). Comme nous l’avons vu, le ménologe de l’empereur Basile ne mentionne la fête que dans le sens de l’élévation d’Élie au ciel, élévation qui a été aussi contée dans un apocryphe portant ce nom.

Cependant les hymnes liturgiques élargissent le sens de cette fête et nombreux sont les auteurs des hymnes qui glorifient le jour de saint Élie. Cela illustre le développement du culte rendu au prophète. Durant les trois siècles de l’âge d’or de l’hymnographie grecque, nous rencontrons les noms de saint Jean Damascène (VIIIe s.), du patriarche Germain (VIIIe s.), de l’empereur Léon le Sage (IXe s.), d’Arsène de Cercyre (IXe s.), de Joseph l’Hymnographe (IXe s.), de Jean Mauropus (XIe s.) et de Georges (Xe s.). Ils donnent d’ailleurs dans leurs œuvres des interprétations diverses du sens de la fête. Élie est généralement glorifié pour les exploits de son activité prophétique. D’autre part, il est représenté comme un ascète et un anachorète aspirant à la perfection spirituelle. Selon l’expression de Léon le Sage (qui était adoptée par l’Église pour la célébration des saints-moines du christianisme), Élie est célébré comme « ange terrestre et homme céleste », « le semeur de la vertu ». D’après saint Jean Damascène, Élie est « le pilier de la piété et de la vie pure », « la floraison de la virginité ». Ces écrivains suivent la pensée de saint Jérôme 4, de Jean Cassien 5, et d’autres qui voyaient en Élie le fondateur du monachisme biblique. Dans son activité, Élie est un zélateur fervent, envoyé par Dieu pour dénoncer l’impiété d’Israël. Grâce à ses aspirations spirituelles, il reçoit de Dieu le don de guérison et, comme récompense suprême, le don de vision de Dieu. Grâce à sa perfection spirituelle et au don divin, Élie est le préfigurateur de la sainteté néotestamentaire, et, en même temps, en tant que Voyant au mont Thabor, il unit l’Ancien et le Nouveau Testament. Sans doute, cette idée a-t-elle été inspirée par les paroles du Sauveur concernant Élie en rapport avec saint Jean le Précurseur, mentionnées dans les Évangiles. Mais elle est à peine indiquée, et n’a jamais été vraiment approfondie. Les deux visions d’Élie doivent trouver leur accomplissement dans la troisième théophanie, lors du futur avènement du Christ. Cette triple vision trouve son interprétation dans la vigile du jour de la Transfiguration. Élie, n’étant pas mort, témoigne (martyros) de la Résurrection du Christ, comme le représentant des vivants, tandis que Moïse représente les défunts et la Loi. En même temps, Élie personnifie les actes des prophètes, annonçant l’avènement de la Nouvelle Alliance. Dans ce sens, Élie est appelé le « Prince » des prophètes.

Les hymnes liturgiques sont inspirés par le récit biblique du premier livre des Rois, dont les fragments concernant Élie sont lus in extenso pendant la vigile. Sur ce canevas, les hymnographes composent le dessin compliqué des interprétations poétiques glorifiant les actes d’Élie et sa vie spirituelle, suivant les deux tendances indiquées plus haut : d’une part, Élie et son service de prophète biblique, s’achevant par son enlèvement au ciel ; d’autre part, son ascension considérée comme le couronnement de ses aspirations spirituelles à la pureté et au sacrifice, qui sont déjà dans l’esprit du Nouveau Testament.

Nous trouvons dans les ménées toute une série de preuves de cette dernière tendance qui glorifie Élie, d’une part comme fondateur du monachisme en général, et, d’autre part, comme préfigurateur de la vie monastique personnelle.

Et tout d’abord, Antoine le Grand (mort en 356), un des premiers ascètes dont la vie est racontée par saint Athanase le Grand vers 365, est considéré dans une stychère du 17 janvier comme un second Élie, « ayant beaucoup de disciples, qui ont glorieusement suivi leur maître dans la voie de la perfection ».

En second lieu, Joseph l’Hymnographe écrit dans son canon du 12 juin, le jour de la fête du fondateur des couvents du Mont Athos, Pierre l’Athonite (VIIIe s.), peut-être le premier des hésychastes : « Tu es décidé d’habiter le Mont Athos, comme Élie sur le Carmel, pour chercher Dieu dans le silence (ήσυχία). » L’histoire des couvents de Mont Athos nous dit qu’au XVIIIe siècle, Païssios Velitschkovsky, le père spirituel du célèbre mouvement de « startzy 6 » en Russie, renouvela une cellule, déjà existante auparavant, à la mémoire d’Élie ; et bientôt, plus de 500 kelliotes (moines-anachorètes) venant du Sud de la Russie, formèrent un monastère.

Ainsi, nous trouvons au VIIIe siècle les traces des hésychastes au Mont Athos. Le père spirituel de l’hésychasme, saint Grégoire Palamas, développera ce mouvement au XIVe siècle. Il nous laissera quelques paroles significatives ayant trait aux exploits du prophète.

Il faut noter que les textes de la vie des saints étaient parfois inspirés par le récit biblique de la vie d’Élie. Les textes liturgiques traitent également ce sujet. Ainsi nous trouvons dans les stychères du jour de saint Benoît (mort en 543) l’expression suivante : « Comme Élie jadis par ses prières a fait tomber la pluie, a ressuscité un mort, tu as répété la même chose. » Dans la vie de Paul de Thébée (mort en 341), composée par saint Jérôme, saint Paul est nourri par un corbeau, ce que note saint Jean Damascène dans son canon le jour de saint Paul, le 15 janvier.

Le 20 janvier, dans une stychère du Patriarche Germain, saint Euthème le Grand (mort en 473) est comparé à saint Élie, « enlevé au ciel sur un char de vertu », préfiguration du Christ. Saint Patape, dont la vie fut glorifiée par saint André de Crète 7, se fait anachorète et imite les exploits d’Élie : une stychère du 8 décembre emploie cette formule. Saint Ioannikios le Grand, ascète sur le Mont Olympe d’Asie (mort au IXe s.) est nommé par Joseph dans son canon du 4 novembre « second Élie ». Saint Thomas de Maleï (probablement en Péloponnèse) au Xe siècle, mentionné dans le Ménologe de Basile à la date du 7 juillet, est glorifié comme disciple d’Élie : « Élie t’a guidé dans les déserts, et la montagne de Maleï était ton Carmel... » « En escaladant la montagne tu as suivi Élie dans la vie sacrée ». Saint Lazare (XIe s.), dont on célèbre la fête le 7 novembre, « a suivi la voie d’Élie dans la vertu ».

Enfin saint Grégoire Palamas dit dans la 2e lettre à Barlaam (inédit. cod. COISL 100, folio 100, Bibl. Nat.) – « Αύτός ό τήν θεοπτίαν τελεώτατος Ήλίας τήν χεφαλήν τοϊς γόνασιν έρείσας χαί οϋτω τόν νοϋν είς έαυτόν χαί τόν θεόν φιλοπονώτερον συναγαγών, τόν πολυετή έλυσεν αύχμόν » (voir I Rois, XVIII, 42-45) « Et Élie lui-même, le plus parfait dans les visions divines, ayant appuyé sa tête contre ses genoux et concentrant ainsi avec ardeur son esprit sur soi-même et vers Dieu, fit cesser cette sécheresse de plusieurs années. »

Dans une autre œuvre « ύπέρ τών ίερώςήσυχαζόντων », saint Grégoire cherche à appuyer sur l’Écriture les pratiques de son école monacale d’hésychastes (cod. COISL 100, folio 129, Bibl. Nat.) – il nomme Élie « le Théophane », à cause de la Lumière glorieuse du mont Thabor.

L’iconographie suit fidèlement les hymnographes, et dans ses compositions représente Élie sous deux aspects différents. Les icônes sont disposées dans les églises, selon la tradition, de manières différentes. Il existe des peintures murales inamovibles, des frontispices, qui sont l’héritage des fresques anciennes. Inamovible est également la disposition des icônes des prophètes sur l’iconostase, qui est le symbole de l’unité de l’Ancien et du Nouveau Testament, avec au centre les icônes de Jésus-Christ, de la Sainte Vierge, et des saints. Il existe, en outre, des icônes transportables, qui sont exposées à la vénération des fidèles sur des tables spéciales, aux jours de fêtes commémorant les saints de l’Ancien et du Nouveau Testament. Les fresques murales suivent les anciens modèles 8 qui datent du IVe siècle. Elles représentent toujours le même sujet – l’ascension d’Élie. Ce sujet est traité par les peintres de différentes manières. Toute une série d’icônes nous montre les différents aspects du même épisode. Lazareff dans son livre « L’art de Novgorod » M. 1947 nous présente une icône transportable du XIVe s. : Élie dans son char monte au ciel tandis qu’Élisée lui arrache son manteau (melotion) ; l’iconographie veut souligner la pressante demande d’Élisée de rendre plus puissante en lui la grâce prophétique. Une autre icône 9 représente Élie sur un char, au centre d’un cercle de feu ; ce cercle est enlevé par deux anges, symbolisant la volonté de Dieu. Tout autour sont représentés les épisodes de la vie d’Élie d’après le récit biblique : Élie nourri miraculeusement par le corbeau, la veuve de Sarepta, etc. « Russische Ikonen 10 » nous montre une composition différente : nous voyons ensemble Élie montant au ciel dans un char attelé de quatre chevaux et Élisée près du Jourdain accueillant le manteau ; sur le plan inférieur, Élie fendant les eaux du Jourdain, Élie dans une grotte avec le corbeau qui lui apporte sa nourriture, enfin, Élie couché sous un arbre et béni par un ange. Un ange encore, symbolisant la volonté divine, tient les rênes du char montant au ciel.

Sur l’icône de l’iconostase, dans le rang des prophètes, Élie est représenté en pied, tenant à la main un rouleau manuscrit. C’est la représentation traditionnelle des prophètes sur l’iconostase dans l’église orientale, ces prophètes étant placés dans le rang au-dessus des apôtres. Chaque prophète tient en main un rouleau qui porte une inscription se rapportant à l’exégèse christologique ou mariologique. Selon la coutume, le rouleau d’Élie porte l’inscription suivante : « J’étais plein de zèle pour Yahveh, le Dieu des Armées » (I Rois, XIX, 10). Il existe, en outre, une autre image traditionnelle d’Élie, représenté en moine – ascète des temps chrétiens. Une icône de l’école de Novgorod du XIVe siècle le peint en buste sur fond rouge-feu, reflet de la montée d’Élie sur le char de feu. L’aspect extérieur d’Élie, sa longue barbe, ses cheveux touffus, une fourrure ou une peau de bête en guise de manteau jetée sur les épaules, la position de ses mains, la maigreur du visage, tout reflète l’intention du peintre de représenter Élie en moine-ascète, semblable aux saints moines des temps chrétiens 11. En lisant le canon de saint Jean Damascène, on voit clairement que la tradition orthodoxe considère Élie comme précurseur de l’idée d’ascétisme et de sacrifice au nom du Christ, dans l’esprit du Nouveau Testament. Les « Podlinniki ikonopisnye » (recueil de modèles et instructions destinées aux iconographes dans l’art canonique de l’iconographie) adoptent volontiers cette image d’Élie et la reproduisent.

Ainsi, les expressions liturgiques aussi bien qu’iconographiques, ont les mêmes deux tendances dans leur glorification du prophète Élie.

L’illustration et l’explication de la vie et des actes d’Élie se trouve aussi dans les livres qui ne se rapportent pas au service divin. Dans ce genre, on a un intéressant Codex d’images des Apocalypses illustrées 12. On y trouve des explications des textes d’Apocalypse chapitre xi. Dans l’Apocalypse d’Altamirov 13 du XIIe siècle, Élie et Énoch sont représentés à côté de deux oliviers et de deux candélabres d’or (chapitre XI, 4 où les noms d’Élie et d’Énoch ne sont pas mentionnés). C’est une interprétation picturale, où les deux candélabres et les deux oliviers symbolisent les deux témoins de Dieu. L’Apocalypse du monastère de Solovetsk représente Élie et Énoch portant la cape monacale. Dans le texte même de l’Apocalypse on ne trouve aucune allusion expliquant une telle image. Sans doute le dessinateur voit-il dans les prophètes des précurseurs du monachisme. On trouve ici d’autres images : la lutte avec la Bête, le meurtre d’Énoch et d’Élie. Ce sont des illustrations des hymnes et des Vies des Saints. Le Synaxarium (textes explicatifs lus autrefois pendant l’office) et les Vies des Saints (écrits pour la lecture privée) nous racontent l’enlèvement d’Élie et sa vie au ciel, jusqu’au second avènement du Christ, où Élie et Énoch seront envoyés comme défenseurs et martyrs au nom du Christ. Ce martyre sera pour Élie une gloire encore plus grande que la théophanie au mont Thabor.

La « Vie d’Élie » dans les Actes des Saints raconte qu’Élie envoya « une épître à Jorame, le roi de Judée, du paradis », c’est-à-dire après sa mort. C’est une interprétation arbitraire 14. Le Prologue slave (sorte de Synaxarium) donne place à la traduction d’une homélie grecque de Grégoire le Moine, presbyter du monastère du Pantacrator, concernant les trois visions d’Élie. Grégoire résume les theologoumena grecques et interprète l’enlèvement d’Élie au ciel comme une condition de l’Incarnation du Christ (Kenosis) : « Monte vers Moi au ciel, pour que je descende recevoir la chair, Moi, l’Incorporel » (Asarkos).

En Orient, l’édification des églises consacrées à Élie tenait sa tradition du Carmel. Comme nous l’avons vu, le Typic de saint Sabba mentionne l’église Saint-Élie, située probablement non loin du monastère. L’historien Kodine nous indique l’église Saint-Élie à Constantinople, bâtie au Ve siècle sous le règne de Zénon. Les canons du IVe Concile œcuménique portent la signature d’Eusèbe, archimandrite du monastère Saint-Élie ; les ménées grecques anciennes contiennent une vigile en l’honneur de la reconstruction de l’église Saint-Élie (probablement celle construite sous Zénon) (Acta Sanctorum, juillet).

Au Xe siècle existait à Constantinople une église Saint-Élie pour les chrétiens-normands qui servaient dans l’armée impériale. Un fait historique, se rapportant à l’histoire du christianisme en Russie, est lié à cette église. On peut affirmer presque avec certitude, que, d’après les indications historiques des Chroniques anciennes, la première église sur le territoire russe, à Kiev, était consacrée au prophète Élie. On trouve dans les Chroniques de Troitsk 15 le récit de la ratification du traité entre le prince Igor et l’empereur Roman, en 944, en ces termes : « Igor convoqua les délégués et monta sur la colline où était le Péroun (l’idole d’un dieu païen). Ils ont déposé leurs armes, les boucliers et l’or, et Igor avec ses hommes, qui étaient païens, ont prêté serment. En même temps les Russes chrétiens ont prêté serment dans l’église de Saint-Élie qui est près du ruisseau... C’était une cathédrale (Sobornaia), les varègues chrétiens étant nombreux... »

L’existence d’une église d’Élie à Kiev était contestée par plusieurs historiens, mais dès 183o, leurs objections furent réfutées par Ostromyslensky 16. Après lui, l’historien de l’Église russe Goloubinsky, se basant sur les indications topographiques des Chroniques et sur les recherches ultérieures, a confirmé l’existence d’églises chrétiennes à Kiev, avant l’époque du prince Wladimir, baptiseur de la Russie. L’armée du prince Igor ainsi que celle de l’empereur de Byzance avaient dans leurs rangs des soldats mercenaires, pour la plupart des varègues-normands. Ces derniers, servant dans l’armée avec les guerriers autochtones, russes-païens, conservaient néanmoins leurs coutumes et leur foi. Ils avaient à Kiev leur église que le chroniqueur appelle « Soborni », c’est-à-dire « Cathédrale », par opposition aux chapelles privées. C’était une cathédrale centrale où avaient lieu des cérémonies officielles, semblables à celle décrite plus haut : signature de traités, prières publiques, etc., suivant un cérémonial établi. Selon l’expression de Goloubinsky 17 cette église était la fille de l’église de Constantinople dont fait mention l’historien Kodine, édifiée au Ve siècle sous Zénon, et reconstruite sous Basile le Macédonien sur la Corne d’Or (Bosphore).

Le christianisme, introduit comme religion d’État par le prince Wladimir, venu de Byzance, a trouvé déjà fortement établie sur le sol de Russie la vénération du prophète Élie, apportée par les soldats-mercenaires venus également de Byzance, ou de leur lointaine patrie du Nord. Il est indubitable que le culte du prophète Élie existait en Russie avant la christianisation officielle du peuple russe, même si la communauté qui le pratiquait était peu nombreuse et étrangère au pays. On peut supposer que ce culte fut implanté en Russie avec facilité. Il y avait pour cela des causes dont nous parlerons plus loin.

La vie de la communauté chrétienne à Kiev, d’où le christianisme a pris son essor en Russie, fut bientôt étouffée par l’invasion de hordes asiatiques du sud de la Russie. Le culte religieux fut transporté dans le nord, à Novgorod, épargné par l’invasion. Novgorod, dont les princes étaient originaires du sud, adopta la tradition de Kiev et, en 1198, on bâtit dans la ville l’église Saint-Élie-sur-la-Colline. En 1169, on trouve à Novgorod la rue Saint-Élie, mentionnée dans les Chroniques. Il est possible que la rue fût ainsi nommée en l’honneur du prince Élie Iaroslavitch, qui régnait à Novgorod au XIe siècle, mais il est plus probable que le chroniqueur, en notant la construction de l’église Saint-Élie, avait en vue la reconstruction ou élargissement d’une chapelle, déjà existante. Dans ce cas, la rue a pu prendre le nom de l’église, ce qui était fréquent en Russie jusqu’à nos jours. Cette église peut être considérée comme une seconde fille de la basilique d’Élie à Constantinople. D’autres sources nous apprennent qu’en 1134 un incendie détruisit à Novgorod dix églises (le pays riche en bois le fournissait pour ses constructions) ; les noms des églises n’étaient pas indiqués 18.

Novgorod suit et continue la tradition de Kiev. La première église Saint-Élie fut bâtie en 1105 19. Par la suite tout le pays de Novgorod continua d’élever des églises consacrées à saint Élie. Ainsi, en 1416 est construit le couvent de Saint-Élie qui porte le nom pittoresque de « Élie-le-Trempé ». À Pskov, ville proche de Novgorod, est bâtie au XVe siècle une église Saint-Élie ; à la même époque, près de Moscou qui prend déjà en mains la centralisation des forces religieuses de la Russie, est fondé un couvent Saint-Élie sur le bord de la Vora.

Il faut mentionner un fait exceptionnel et unique dans l’histoire de la liturgie russe. Ce fait est directement lié aux circonstances du transfert de la tradition orthodoxe vers le nord de la Russie 20. L’office de saint Élie, traduit du grec, a perdu au cours du XVe siècle le canon composé par Joseph (IXe s.) qui fut remplacé par un autre, de composition russe, écrit vers 1430 à Novgorod par Pakhome le Serbe. Cette substitution peut être expliquée par le fait que Pakhome le Serbe fut chargé de rendre célèbre l’église Saint-Élie de Novgorod, ce qu’il dit clairement dans son canon : « Tu donnes la grâce à tous ceux qui viennent dans ton temple », « Prie pour tous, venus dans ton temple divin, car nous te vénérons comme notre puissant défenseur. » Ces paroles confirment la vénération particulière dont était entouré saint Élie dans la Russie du nord. Pakhome cite dans son canon l’homélie de Grégoire au prologue : « Monte vers Moi au ciel, pour que Je descende sur la terre. » La substitution d’une pièce de composition russe à celle qui faisait partie de l’office primitif, semblait pour les russes anciens une action révolutionnaire, car les livres liturgiques étaient vénérés comme l’Écriture sainte.

Goloubtsoff 21 cite une cérémonie religieuse particulière à Novgorod : le premier dimanche après Saint-Élie (une octave originale) les gens de Novgorod vont en procession à l’église du Signe-de-la-Sainte-Vierge, située dans la rue Saint-Élie, tandis que « l’archevêque, le clergé et les autorités descendent le fleuve (Volkhov) et rentrent par la porte Saint-Élie ». La deuxième supplication de la litanie était adressée à saint Élie.

Les deux centres religieux de la Russie – du nord et du sud, – sont unanimes dans leur culte envers saint Élie. Cette vénération exclusive est la cause d’une particularité dans la célébration religieuse de la fête de Saint-Élie dans le Typic, qui la distingue de la pratique grecque. De leur côté, les ménées grecques, celle de 1843 et celle de nos jours, ne sont pas non plus unanimes dans l’estimation du rang de la fête de saint Élie : la ménée 1843 note le jour du 20 juillet comme une fête minime, et ne donne même aucune indication sur la suite et la disposition de l’office au cas de coïncidence de la fête avec un dimanche, tandis que la ménée contemporaine donne en ce cas des indications précises. La ménée slave donne à la fête un rang plus élevé. Elle indique les vêpres, vigile avec le chant du psaume 135 (polyeleon), lecture de l’Évangile (Luc., IV, 23-31) et un canon complété, ce qui correspond à célébration d’une fête d’un rang moyen.

L’Anphologion, édité à Lvov en 1886, note une particularité slave des célébrations des fêtes (inexistante chez les grecs) – les exaltations. On chante un verset de composition slave : « Nous t’exaltons, Prophète et Précurseur de l’avènement du Christ, Élie glorieux, et nous vénérons ton ascension de feu au ciel, en chair. »

Ainsi, cet office qui place la fête de saint Élie dans un rang plus élevé est une particularité slave. Il y avait certainement pour cela des causes qu’on peut trouver dans les mœurs populaires. Dans les pays slaves, le christianisme a remplacé le paganisme profondément ancré dans les mœurs. La nouvelle religion devait lutter contre les conceptions et les coutumes imprégnées de paganisme, qui trouvaient leur expression dans les fêtes païennes. Ainsi qu’aux premiers siècles du christianisme, où la jeune Église cherchait et trouvait les moyens de substituer ses fêtes aux fêtes païennes 22, les églises des pays slaves (pays principalement agricoles) ont trouvé le moyen de faire oublier au peuple ses vieilles croyances, en proposant à sa vénération des saints chrétiens. Novgorod vénérait particulièrement saint Nicolas, saint Georges, saint Élie et saint Blaise 23.

La fête de saint Élie a pris dans les mœurs slaves une importance particulière, qui la distinguait des autres. « Élie-le-Tonnerre », c’est ainsi qu’on appelait le jour de Saint-Élie. Ce jour était considéré en Russie comme une fête, sans pourtant figurer sur la liste des fêtes obligatoires. On attendait ce jour comme on attend un jour de repos, interrompant les travaux agricoles ; d’après les croyances populaires, Élie commande le tonnerre et la pluie ; dans sa colère il peut envoyer la sécheresse. L’historien Zabeline 24 ayant analysé les anciennes coutumes et croyances russes, affirme que dans la conscience populaire de la vieille Russie, Péroune, le dieu païen du tonnerre et de la foudre, a cédé la place au prophète Élie. Il est significatif que les bouriates, peuple païen, et les tartares vénèrent le jour de Saint-Élie. Le récit biblique de la vie du prophète correspondait aux conceptions primitives des païens qui liaient Élie aux phénomènes célestes – tonnerre, pluie, sécheresse. Le peuple voyait en Élie son intercesseur devant Dieu dans le pénible labeur de la terre. De même l’Euchologe (le livre des rites 25) introduit dans les prières au temps de sécheresse des processions aux champs et des litanies de Calliste, patriarche de Constantinople (XIVe s.), qui mentionne le prophète Élie : « Notre Seigneur, Tu as entendu ton fervent prophète Élie, le Thesbitain, veuille donner la pluie », « Notre Seigneur, grâce à Élie Ton prophète Tu as résolu la sécheresse... accorde nous maintenant la pluie. » L’Euchologe d’édition plus récente (1902) continue la tradition en ajoutant un canon d’un auteur inconnu (qu’on a beaucoup de raisons de supposer d’origine grecque), et en introduisant 7 prières, signées du nom du même patriarche Calliste. Presque toutes mentionnent le nom du prophète, ainsi que le canon. Les ménées russes mentionnent deux fois Élie. Le jour de la fête de saint Cyril Belosersky (mort 1427), le 9 juin, Pakhome le Serbe dit dans une stychère : « Tu as purifié ton cœur comme jadis Élie. » Le prêtre Élie en 1537 dans le canon en honneur de saint Michel Klopsky de Novgorod (mort en 1456) dit : « Dans ta vie tu as suivi Élie dans son zèle et ses exploits. »

Les hymnes liturgiques et l’iconographie du prophète Élie ont inspiré les prédicateurs dans leurs sermons aux jours de sa fête. Ainsi, Nikanor, archevêque de Kherson 26 parle du prophète Élie comme du fondateur de l’école de vie monacale. L’action des prophètes peut être comparée à une école qui transmet la tradition. Ainsi, Élisée a suivi Élie. De même nos couvents et les monastères des anachorètes rassemblent les disciples autour d’un Maître. Élie était le prédicateur de la pureté, de la chasteté et du sacrifice ; c’est pour cela qu’il a reçu le don des miracles. Il aspirait, et il est parvenu, à se résoudre en Dieu, comme le sel se dissout dans l’eau ; c’est pour cela qu’il a reçu le don de la théophanie à Horeb, et au moment de la Transfiguration.

Philarète 27, métropolite de Moscou, note les particularités slaves des offices qui se pratiquent dans maintes églises selon le rituel des grandes fêtes, en particulier la coutume des processions. Celles-ci symbolisent l’action d’Élie qui allait dans le monde selon la volonté de Dieu : « Sa marche était dans ce monde, mais du monde vers Dieu ; en corps, mais du corps vers l’esprit, sur la terre, mais de la terre vers le ciel. » Dans un autre sermon, le métropolite Philarète donne une interprétation théologique : « C’est sur le mont Sinaï et Horeb que la Toute-Puissance et la Gloire de Dieu se sont manifestées aux hommes à travers les forces de la nature visible. » « Sur le mont Thabor ce n’est pas seulement Dieu qui apparaît aux hommes, mais c’est aussi l’humanité qui apparaît dans sa gloire divine. Moïse tremblait sur le mont Sinaï, Élie gémissait au Horeb, mais sur le mont Thabor, à travers la terreur des apôtres, rayonnait la joie : Maître, il est bon que nous soyons ici. »

Les hymnes liturgiques et les sermons des prédicateurs exaltent la gloire d’Élie, acquise par sa vie pure et sa ferveur pour Dieu.

Il faut constater pourtant que certaines indications sur la vie du prophète et la signification de ses actions ne sont pas suffisamment utilisées, ni par les hymnographes ni par les prédicateurs. Les fréquentes mentions du nom d’Élie dans les Évangiles, surtout celles faites par Jésus-Christ lui-même, passent inaperçues des hymnographes. Seul, Théophane, dans son canon du jour de Saint-Jean Baptiste (le 7 janvier), fait une allusion à ce sujet ; il appelle le Précurseur « le nouvel Élie », grâce à sa vie « immatérielle » et grâce à la similitude des faits extérieurs : la dénonciation du roi impie, les vêtements, l’ascétisme. Le sens profond des paroles du Christ comparant Élie au Précurseur reste obscur, et n’est pas élucidé par l’exégèse orientale. Cette question est à peine effleurée par le R. P. Boulgakov dans un bref chapitre « Jean et Élie » de son livre L’Ami du Fiancé, consacré au Précurseur. Il constate que la comparaison de saint Jean à Élie est fondée, non seulement sur la ressemblance du service terrestre des deux prophètes (notée par saint Jean Chrysostome), mais surtout sur un certain mystère de corrélation personnelle entre saint Jean et Élie, dont le sens nous est caché. Bien qu’Élie incarne le type du prophète biblique, il s’apparente par certains côtés au Nouveau Testament : il apparaît sur le mont Thabor se tenant avec Moïse aux côtés du Christ. Élie est le prophète de l’Ancien et du Nouveau Testament, ainsi que saint Jean. C’est pour cela qu’il peut être considéré comme un second Précurseur. Il doit accepter la mort pour ressusciter, et à nouveau monter au ciel. Dans l’identification d’Élie et de saint Jean, l’accent logique est mis non sur l’identité personnelle, mais sur le moment messianique. Néanmoins, le R. P. Boulgakov reconnaît que dans ce rapprochement des deux prophètes, il reste un profond mystère non résolu.

En terminant notre étude, nous pouvons constater que l’Église Orientale a deux conceptions différentes du prophète Élie

D’une part – Élie, prophète biblique, dénonciateur de l’impiété d’Israël, est en même temps lié au Nouveau Testament, non seulement par l’apparition sur le mont Thabor, mais aussi par la promesse de son intervention dans la lutte contre l’Antéchrist à la fin des siècles. Cette conception théologique n’a pas reçu de développement suffisant dans la tradition orientale.

D’autre part, Élie, appartenant à l’Ancien Testament, est en même temps le précurseur de la vie monastique dans l’esprit du Nouveau Testament. Par son action, il a montré la voie du salut dans le Christ. Cette interprétation d’Élie comme saint religieux, apparaît plus clairement dans la tradition de l’Église Orientale.

L’œuvre liturgique de l’Église Orientale – les hymnes liturgiques et l’iconographie – nous autorisent à tirer cette conclusion.

 

 

 

Théodosy SPASKY.

 

Receuilli dans Élie le prophète,

« Études carmélitaines »,

Desclée De Brouwer, 1956.

 

 

 

 

 



1 Voir Menologion dans le Lectionnaire du Xe siècle, Bibl. Publ. de Saint-Petersbourg, mentionné par l’archevêque SERGE, Menol. Orthodoxe d’Orient, t. I, Vladimir, 1901.

2 Voir Arch. SERGE, Menologion Orth. d’Orient, t. II, 14 juin.

3 Arch. SERGE, t II, p. 129.

4 Migne, P. L., t. XXX, p. 523.

5 Migre, P. L., t. I, p. 62 et commentaires.

6 Voir E. BEHRS-SIEGEL, Prière et sainteté dans l’Église Russe, édit. du Cerf, 1950, pp. 104 et suiv.

7 Voir Migne, t. XCVII, 1206-1254.

8 Voir Dict. de la Liturgie, « Élie ».

9 KONDAROFF, L’Icône russe, tab. 32.

10 WALDEMAR KLEIN, Russische Ikonen, Verl. Baden-Baden.

11 MOURATOFF, L’Iconographie ancienne russe, collection d’Ostroukhoff, Moscou.

12 BOUSLAEFF, M. 1884.

13 BOUSLAEFF, p. 36.

14 Cf. II Paralipomènes, XXI, 12.

15 Voir PRISELKOV, Chroniques de Troitsk, p. 78, Moscou, 1950.

16 Voir E. OSTROMYSLENSKY, L’église ancienne de saint Élie à Kiev, Kiev, 1830.

17 Goloubinsky, Histoire de l’église russe, t. I, 2, p. 70, Moscou, 1904.

18 La Lecture du Chrétien, 1855, t. II, p. 59.

19 SOBOLEV, Compagnon de route à Novgorod, Novgorod, 1896.

20 Voir TH. SPASKY, Les œuvres liturgiques russes, Paris, Ymca-Press, p. 150.

21 GOLOUBTSOFF, Typic de la cathédrale de Novgorod, M. 1905, p. 128.

22 Dict. de la liturgie : « Noël et Épiphanie ».

23 Comp. Rituale Romanum, « Benedictio panis, vini, aquae et fructorum in festo S. Blasii » et les autres jours des saints.

24 ZABELINE, Les coutumes, les traditions, les légendes, les superstitions et la poésie russes, p. 96, Moscou, 1880.

25 Euchologe, Lvov, 1695 (une réimpression de Pierre Moguila de Kiev).

26 NICANOR, archevêque de Kherson, t. III, Sermons, Odessa, 1890.

27 PHILARÈTE, Œuvres, homélies, sermons, t. III, p. 139, M., 1877.

 

 

 

 

 

 

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