Marthe et Marie

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

Ben TOBIE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une fois de plus, nous prendrons une scène évangélique comme sujet de méditation : plaise à Dieu que nous ne nous lassions jamais de le faire.

La réalité spirituelle ou l’essence des choses ne peut être pénétrée par notre compréhension, parce qu’étant trop subtile, elle ne peut faire corps avec notre domaine mental ; mais notre Seigneur Jésus-Christ, le divin Médiateur, en est la manifestation sublime, ainsi qu’il est écrit : « Dieu, personne ne le vit jamais ; le Fils unique qui est dans le sein du Père, c’est lui qui l’a fait connaître 1. »

Les paraboles et les faits évangéliques forment le corps de ses enseignements, l’écrin où se cache le joyau pur de sa doctrine : inaccessible à l’être du temps, elle est à la fois la clef des clefs et le mystère des mystères.

Les apôtres vécurent, par la grâce du Maître, les Vérités cachées dans les Saintes Écritures. Saint Paul nous dit : « Notre conservation est dans le ciel 2 » ; Saint Jean : « Celui qui m’a envoyé baptiser d’eau m’avait dit : Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et s’arrêter, c’est celui qui baptise de l’Esprit 3 » et : « À celui qui vaincra, je donnerai de la manne cachée ; et je lui donnerai une pierre blanche, et sur cette pierre est écrit un nom nouveau, que personne ne connaît, si ce n’est celui qui le reçoit 4. »

Soupirer après le baptême de l’Esprit ou le don de la pierre blanche, abandonner toute volonté propre et toute affection temporelle pour ne vivre que dans le désir de la rédemption, ce fut le dur sentier que gravirent les prophètes, les saints et les justes.

Humains, mes frères, nous sommes trop faibles pour pouvoir regagner par nous-mêmes le pays de l’Éden où primitivement nous fûmes créés ; des forêts ténébreuses et pleines de dangers nous en séparent, où, sans guide, nous risquerions de nous égarer.

Confions-nous au Rédempteur, il se chargera de notre salut ; employons le temps en œuvre purificatrice ; cherchons dans la pénitence, la résignation et la prière une trêve à nos passions.

Par la sincérité de notre effort, nous ferons place en nous à notre Seigneur ; Lui-même nous aidera à chasser l’usurpateur qui règne en notre être. Nos passions s’apaisant peu à peu, il en résultera une viduité de nous-même qui permettra la pénétration des chauds rayons de l’Amour régénérateur...

 

 

« Pendant qu’ils étaient en chemin, Jésus entra dans un village, et une femme, nommé Marthe le reçut dans sa maison. Elle avait une sœur, nommée Marie, qui, s’étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole, tandis que Marthe s’empressait aux divers soins du service. S’étant donc arrêtée : Seigneur, dit-elle, ne vous mettez-vous pas en peine que ma sœur m’ait laissée servir seule ? Dites-lui donc de m’aider. Le Seigneur lui répondit : Marthe, Marthe, vous vous inquiétez et vous agitez pour beaucoup de choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la bonne part qui ne lui sera point ôtée 5. »

Marthe caractérise l’esprit humain déjà évolué, ouvert aux idées généreuses, mais non encore mûr pour la renonciation à soi-même, condition indispensable de la régénération ; ses inquiétudes appartiennent au domaine de la chair encore prédominante ; c’est, le « vieil homme » qui veut se sauver par lui-même et avec lui-même.

Appelée au suprême bonheur de la présence du Prince de la Vie, jusqu’en ces instants bénis et trop courts, devant ces prémisses délicieuses d’une félicité suprême, elle ne peut s’empêcher de se laisser reprendre par les inquiétudes matérielles, dont son cœur est rempli. L’abandon, le repos même dont Marie jouit, l’inquiètent et son aveuglement est tel qu’elle finit par se plaindre à Jésus de la passivité de sa sœur.

En veillant à l’ordre et à la propreté de sa maison, Marthe accomplit un devoir dont la peine est d’autant plus grande qu’elle se trouve seule à la supporter et qu’elle ne connaît pas ce véritable repos qui se goûte en Dieu seul et dont l’Écriture dit : « Ils courent et ne se fatiguent point ; ils marchent et ne se lassent point 6. »

Combien pourtant nous apparaît plus en harmonie avec la vérité l’attitude attentive et humble de Marie s’asseyant aux pieds de Jésus pour recueillir sa parole, cette parole qui est celle de la vie éternelle !

Les plus belles phrases, toute la pompe de l’esprit humain, tout le luxe extérieur ne sont rien : la sincérité des sentiments est tout. Marthe, en se créant mille soucis, se fait leur prisonnière et oublie que Jésus est venu chez elle, envoyé par le Père.

Marie simplement s’assied aux pieds de Jésus ; devant le Seigneur elle s’efface pour mieux entendre sa parole ; sa posture, toute de simplicité et d’abandon, manifeste, de plus, l’ardent amour dont son âme vibre.

Amour de Dieu, pourquoi es-tu si peu connu ? C’est cependant seulement par toi que nous serons jugés et que nous vaudrons d’être sauvés. Tu es l’unique don que nous puissions faire au divin Maître, parce que tu es la seule nourriture qui le satisfasse. Tu es le seul médecin, le seul point de contact, le seul pont entre Lui et nous !

Même impure, l’ardeur du cœur reste précieuse, car le jour où la Grâce touche l’être qui en est animé, la même force qu’il dépensait au mal se prodigue au bien. Jésus n’a-t-il pas dit à Marie-Madeleine : « Il lui sera beaucoup pardonné parce qu’elle a beaucoup aimé 7 » ?

Donnons donc à notre Sauveur le breuvage dont il a soif, il nous récompensera au centuple. Aimons-le de tout notre être, sacrifions tout pour Lui : Il prendra en cette vie même notre fardeau pour le porter et Il nous conduira à la maison de notre Père céleste.

Sans vouloir rendre par nos propres moyens un culte illusoire à Celui qui est le Maître de toutes choses, ouvrons-nous, de même que Marie, entièrement à Lui, laissons ses rayons nous pénétrer et nous régénérer, comme le soleil vivifie le corps des malades.

 

 

Ben TOBIE.

 

Paru dans Psyché, revue du spiritualisme intégral

en mars-avril 1923.

 

 

 



1  Jean : I, 18.

2  Philippiens : III, 20.

3  Jean : I, 33.

4  Apocalypse de St Jean : II, 17.

5  Luc : X, 38 à 42.

6  Isaïe : XL, 31.

7  Luc : VII, 47.

 

 

 

 

 

 

 

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