Hélène Picard

(1873-1945)

 

Notice biographique extraite de :

Gérard WALCH, Poètes nouveaux, Delagrave, 1924.

 

 

 

 

Hélène Picard, née à Toulouse, a habité pendant plusieurs années à Privas, où son mari, le poète Jean Picard, remplissait les fonctions de conseiller de préfecture. Lauréate des Jeux Floraux en 1899 et en 1900, elle publia en 1903 son premier volume, La Feuille Morte, magnifique poème, débordant de lyrisme, qui, malgré sa prosodie par trop frondeuse, trouva un accueil enthousiaste auprès des rares critiques qui eurent connaissance de son apparition. Émile Faguet le signala aux lecteurs du Journal des Débats dans son feuilleton dramatique du 7 septembre 1903. L’année suivante, Hélène Picard fut couronnée au concours de la revue Fémina; son poème À George Sand fut lu par Mme Worms-Baretta, au Luxembourg. Elle devint ensuite membre du jury de Fémina. L’Instant Éternel, paru en 1907 et couronné la même année par l’Académie française, obtint dans la presse un succès éclatant. Ce poème nous fait assister à l’éclosion de l’âme féminine à l’amour. « L’Instant Éternel, a dit Jean Bonnerot, est comme un développement, comme un commentaire enthousiaste du premier recueil d’Hélène Picard, La Feuille Morte. C’est le thème éternel de l’amour et de la nature. Le Poème de la Jeune Fille et le Poème du Bien-Aimé sont la transposition, la paraphrase du poème splendide qu’a été sa vie; et chaque pièce de ce livre est une strophe harmonieuse de son immense élégie. Il semble même que ce soit là comme un journal intime d’amour, la notation précise et lyrique au jour le jour du triomphe de sa passion.

« On songe souvent, en lisant ses vers, à ceux qu’écrivit Marceline Desbordes-Valmore. On y surprend le même gémissement douloureux et les mêmes plaintes amoureuses et vibrantes. Toute la nature et toutes les choses sont venues se refléter dans son âme. Les forêts et les jardins ont été les confidents de ces premiers émois, comme la Brise jaseuse était la confidente de la princesse Mirvianne (dans La Feuille morte). Elle raconte avec une touchante naïveté ses premiers effleurements avec la vie, et ses troubles, quand, essayant de comprendre l’amour, elle a demandé tout bas aux arbres, aux ruisseaux, à l’ombre solitaire, le secret du baiser. Elle évoque avec douceur les soirs de silence léger où l’on parle du passé, où dans la clarté des lampes d’or on écoute les bruits de la nuit s’assoupir, tandis que très loin, au fond de la mémoire somnolente, tournoie la ronde des rêves et des songes. Puis c’est la mélancolie des jours où l’on va, à chaque pas, plus avant dans l’ombre et dans la tristesse où l’on n’a pas d’espoir, pas de roses et pas de Bien-Aimé. Mais l’Amour est venu, et le cantique superbe éclate comme un chant de victoire.

            J’aime... Je te défie, ô ciel, d’être plus vaste

                        Que mon regard qui te contient;

            Je suis reine en n’ayant que ma tunique chaste

                        Et mes pleurs pour unique bien.

 

« L’Instant Éternel, c’est l’Amour, qui fait qu’un instant s’éternise, que l’immense éternité de joie et de volupté se résume et se resserre en un instant; elle a aimé violemment, avec toute son âme et toute sa naïveté de jeune fille, avec toute sa chair vierge et tout son corps; elle a aimé comme on n’aime qu’une seule fois dans sa vie, se donnant toute et librement. Aussi elle a voulu éterniser le souvenir de son amour, afin qu’un jour, si le mauvais destin abîmait sou rêve, elle pût du moins se rappeler son bonheur enfui et ses illusions mortes. Elle sait que la poésie est seule assez puissante pour fixer l’incertaine pensée et comme l’a dit Alfred de Musset :

            Éterniser peut-être un rêve d’un instant.

« Et c’est en strophes ardentes et mélodieuses qu’elle a retracé sa belle élégie. »

Hélène Picard a publié en juillet 1907 un troisième volume de vers : Petite Ville..., Beau Pays... [Souvenirs de séjour dans L’Ardèche], tiré à petit nombre et destiné à ses seuls amis. Ce livre, qui contient des pièces remarquables, d’un charme tout intime, a été couronné par une revue ardéchoise.

Dans Les Fresques (1908), Hélène Picard chante les rêves de son âme ardente, ses joies, ses douleurs, ses lassitudes. Elle a souffert par l’amour, elle a souffert de la vie, de la bassesse des hommes, de la perfidie des femmes; elle a cherché l’apaisement dans l’étude et dans la divine Sagesse. Elle a revécu les heures heureuses passées autrefois avec ses chers Maîtres, Dante, Pétrarque, le Tasse, Ronsard, Corneille, Racine, et plus près de nous Chateaubriand, Byron, Lamartine, Musset, et la Sagesse lui a dit :

            …Verse à mes pieds toute ta peine.

            Parce que tu voulus goûter les pleurs humains,

            N’en reste pas moins pure, ô pauvre femme humaine !

 

            Je sais combien, hélas ! tes instants furent fous;

            Mais tu gagnes ma paix après autant d’alarmes.

            Tu pleures... J’ai tes pleurs coupables... Je t’absous,

            Ô pauvre femme triste, avec ces mêmes larmes !...

 

            Apprends à devenir bien digne de la Mort,

            À marcher lentement quand le chemin dévie...

            Ah ! lorsque l’âme sait sanctifier son sort,

            Le visage est si beau qui souffrit de la vie !...

 

Hélène Picard ne s’est pas contentée de vivre « dans la parfaite vie qui nous donne l’air pur, l’ardeur et le soleil »; il ne lui a pas suffi « d’adorer les lacs et la musique, d’aimer l’amour, les roses du matin et la douceur du soir »; – puisque le Malheur est sur la race humaine, elle n’a pas voulu être une « femme heureuse », elle a dédaigné de s’étourdir de mots de joie, elle a voulu connaître la raison des misères humaines, et pour savoir le pourquoi du sombre drame de nos destins, elle a regardé les cieux, elle a cherché Dieu dans la Nature, et elle l’a trouvé, et c’est en Lui que, désormais, elle veut vivre. Elle dit cela dans le dernier poème des Fresques, Devant la Mer :

 

            . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

            À mon culte il se faut pas d’autel, d’encens bleu...

            Mais, éternellement, comme l’étoile errante

            Qui plonge dans l’Azur, je veux plonger dans Dieu !...

            Et comme l’astre aime l’azur, elle aime le Dieu vivant; le trouver, c’est l’aimer :

            Je l’aime, car il Est !... Écoute, j’ai rêvé

            Tant à ce Dieu profond, vivant, parfait, suprême,

            Que – je l’avoue, enfin ! – ce Dieu, je l’ai trouvé !...

            J’ai pu, grave, entrevoir la Face de Mystère

            Qui souffle la beauté dans l’infini désir...

            . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

            . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

            Ah ! vois-tu, maintenant, je vais resplendissante

            Dans toute la largeur de l’espace sans fin.

            Tu ne peux arrêter la flamme jaillissante,

            Tu ne peux effacer le stigmate divin !...

 

Et c’est sur des paroles d’Éternité que se termine le dernier livre d’Hélène Picard.

 

 

 

 

 

 

 

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