J’ai blessé Dieu

 

 

J’ai blessé Dieu,

Clamait ton frère,

Pleurant tout haut

Parmi les fleurs.

 

J’en fais l’aveu,

Cette chimère

Toujours prévaut

Lourde, en mon cœur.

 

Suis-je donc né

Le dard aux lèvres

Pour percer Dieu

Dessus sa croix ?

 

Je suis damné !

Craignez ma fièvre,

Ôtez le feu,

Geignait la voix.

 

.  .  .

 

À quelques pas,

Nu, sur la paille,

Job, les yeux clos,

Parlait au Ciel :

 

– Tu me frappas

Dans mes entrailles

Et dans mes os,

Grand-Éternel.

 

Si tu m’ôtas

Les fruits, les gages,

Seigneur vivant,

C’était ton droit.

 

Me reste un tas

D’herbes sauvages,

Un peu de vent...

Mais sans effroi,

 

L’exiges-tu ?

Voici ma vie,

Reprends ce don,

C’est le meilleur. –

 

Alors s’est tu

Celui qui prie

Quand le pardon

Sourd des douleurs.

 

Ils étaient deux :

L’Autre et toi-même.

Ils étaient un,

Double et si seul !

 

Et pour tous deux

Même problème,

Et pour chacun

Même linceul.

 

Nul n’est humain

S’il ne défaille

Et nul n’est riche

S’il ne fut gueux.

 

Avant le pain

Sont les semailles.

La terre en friche

Boit l’eau des cieux.

 

 

 

Lucy ABRASSART, Le cri neuf et le don,

Éditions du C.E.L.F., 1961.

 

 

 

 

 

 

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