Chant de David

 

SUR LA MORT DE SAUL ET DE JONATHAS

 

(IIe livre des Rois, ch. Ier)

 

 

     Israël, sur tes monts enveloppés de deuil,

L’élite de tes fils vient d’être moissonnée !

Comment sont-ils tombés, ces braves, ton orgueil ?

N’annoncez pas à Geth cette triste journée !

Ne la publiez pas dans les murs d’Ascalon !

Bientôt palpiteraient d’une joie effrénée,

Bientôt triompheraient des malheurs de Sion

Et les vierges de Geth et celles d’Ascalon !

 

     Que sur votre terre embrasée,

Ô monts de Gelboa ! la pluie et la rosée

     Jamais ne versent leurs bienfaits,

     Et que l’on n’y cueille jamais

Les premiers fruits des champs, la fleur à peine éclose !

     C’est là qu’après de vains efforts

     Tomba le bouclier des forts !

Là sur son bouclier le grand Saül repose,

          Comme s’il n’était pas

          L’oint du Dieu des combats !

 

               Toujours intrépide

               Marchait Jonathas ;

               Sa flèche rapide

               Du sang des soldats

               Toujours s’enivrait....

               Brûlant de courage,

               Aux champs du carnage,

               Saül se montrait,

               Et son fer s’ouvrait

               Un soudain passage

               À travers les rangs

               Des guerriers mourants.

 

          Tous deux d’une beauté suprême,

Jonathas et Saül se chérissaient tous deux.

          La mort n’a pas rompu leurs nœuds !...

Ils étaient plus légers, plus prompts que l’aigle même,

          Plus courageux que le lion !

     leurez, pleurez, ô filles de Sion !

Saül n’est plus, Saül qui, dans un jour de fête,

Vous revêtait de pourpre, et parait votre tête.

 

Israël, sur tes monts enveloppés de deuil,

Comment sont-ils tombés, ces braves, ton orgueil ?

 

Laissez un libre cours à ma douleur amère !

          Comment est tombé Jonathas ?

          Laissez-moi pleurer son trépas !

Comment es-tu tombé, toi que j’aimais, mon frère,

     D’une amitié plus forte que l’amour ;

          Toi qui me payais de retour ?

Comme un enfant unique est aimé de sa mère,

          Ainsi je t’aimais, ô mon frère !

 

Israël, sur tes monts enveloppés de deuil,

Comment sont-ils tombés, ces braves, ton orgueil ?

 

 

 

Alphonse AGNANT,

Gusman ou l’expiation, 1843.

 

 

 

 

 

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