Le livre de l’étoile

 

 

                CANTIQUE DE L’ÉTOILE

 

 

ÉTOILE secrète,

        élue parmi les Vierges sages,

        tes compagnes de silence

        invisibles dans le sommeil de l’Univers ;

Choisie parmi les folles, les Vierges folles

        dont les chants aux yeux des hommes s’illuminent,

 

Seul je psalmodie tes louanges.

Et par lentes vagues bleutées,

Couvrant les plaines sidérales

Elles se posent aux pieds de Dieu.

 

Naîtra-t-il une voix d’enfant,

Ou de fleur nocturne,

Pour cette phrase qui est prière,

Autant brûlante qu’une chair entr’ouverte,

Aussi close que les lèvres d’un mort ?

 

Étoile, mon étoile,

        de toute éternité ma Promise,

Ô ma folle sagesse inconnue,

Plus secrète que l’amour des roches,

Tu écoutes, immobile, consumée,

Longuement, éternellement immobile,

Le tumulte et la sourde harmonie

        traversés de stridentes lumières

De mon espérance sauvage.

 

Éternellement immobile...

 

Dans le fond du puits de ténèbres,

Sur la face la plus lointaine

Où la matière ardente en étoiles palpite,

Ton visage d’enfant ne transparaît pas ;

Car tu es plus secrète,

Plus recouverte encore de voiles couleur de nuit,

Plus insaisissable

Que le fond d’une âme.

 

Et pourtant je sais que tu es là.

Mes bras et mes jambes sont autour de toi,

Ma bouche te respire.

Le battement muet de tes feux invisibles

C’est la pulsation régulière de mon cœur.

 

 

 

                    PAROLES DE L’ÉTOILE

 

                                        I

 

JE suis Celle qui a traversé les âges,

La Lointaine, entrevue dans le silence nocturne des Origines,

Un germe d’astre suspendu au battement du Cœur divin.

 

Avant la Lumière,

Avant les Eaux endormies où l’Esprit contemplait son visage,

Avant les Étoiles,

Avant les Univers déserts,

Avant les germinations séminales,

Fille innomée,

J’étais présente dans l’intention secrète du Semeur de mondes.

 

En même temps, dans le même battement de l’Unité créatrice,

Dans l’Éternité d’avant le Paradis terrestre,

Nous sommes nés, toi avec moi,

Et voici que tu m’implores et me salues avec tes chants,

Toi, mon Père futur.

 

Tu me contemples comme un visage de femme

Qui porte dans ses yeux la Lumière de l’Éden perdu ;

Je ne verse pas sur toi une lumière étrangère ;

La mouvante harmonie de mon corps et l’or lointain de mon visage

Prennent leur source dans ton âme qui rayonne.

 

Je ne puis être que par toi,

Car si tu n’alimentes pas ma flamme

Du souffle de ta vie expirante,

Globe mort-né, je me couvrirai de cendres grises

Et il ne demeurera pas même de moi poussière...

 

Avec ta défection serait morte l’intention unique de Dieu

Qui ne voulait plus de solitude.

 

Et toi-même tu n’auras d’être que par moi,

En moi.

C’est ainsi ô mon Père que fille nourrie de ton sang,

Je suis aussi l’Épouse et la Mère

Qui t’enfanterai à la Lumière.

 

Père,

Quand tu profères la Parole,

Quand elle émerge lentement des couches insonores de l’inintelligible accumulé,

Quand elle germe dans la moelle blanche, lisse et veinée de sang,

Quand elle monte à travers la chair lourde, humide et chaude

Où le sang se joue en silence,

Quand elle traverse la Terre, les générations endormies dont tu es la seule espérance,

Tu me délies des bandelettes qui me retiennent prisonnière,

Et, semblable à Dieu,

Tu m’élèves au-dessus de l’Azur,

Et la Lumière primordiale se reflète sur mon visage.

 

 

 

                   CANTIQUE DE L’OR

 

 

ÉCOUTE maintenant mes dernières paroles,

La voix de l’Or chanteur qui frémit dans la nuit.

 

Au Fleuve universel les Sources réveillées

Versent le chant captif des formes immobiles.

 

Il faudra délivrer la gloire ensevelie

Des Choses qui veillaient au Jardin de la Faute.

 

Ne cherche pas la clef des musiques perdues.

Chante la vie sacrée sans connaître le Pôle

Où s’orienteront les rythmes et les nombres.

 

Le Maître est inconnu, Sa parole est silence ;

Mais Sa Voix et Ses Mains brillent par transparence.

 

Tu seras le héraut des continents dormants,

Et qui rêvent, la nuit, au silence d’or vierge,

Quand leur souffle chantait parmi le chœur des Anges ;

Car tu es source, réceptacle

Et confluent des voix du monde.

 

L’inconnu glisse à l’inconnu.

L’entre-deux n’est qu’une illusion.

L’absence est Présence éternelle

Où la mort est la vie unique.

 

Les corps gonflés de sang n’étouffent pas les âmes.

Que leurs combats mortels s’achèvent dans l’Amour !

La nuit du sang est cette nuit spirituelle

Où les corps revêtus de la gloire de l’âme

Prennent l’éclat divin de l’Or universel.

 

Ne t’abandonne pas au charme des légendes,

À ce parfum lointain qui flotte sur leur monde ;

Mais au cœur du réel cherche la Nuit divine

Et l’ultime sommeil dans l’Or spirituel.

 

 

 

Jean AMROUCHE, Étoile secrète, 1983.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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