J’ai vu

 

 

J’ai vu...

J’ai vu des catholiques sans foi fréquenter les églises.

J’ai vu des protestants sans conviction franchir à nouveau la porte des temples.

J’ai vu des israélites incrédules relire leur tefila.

J’ai vu dans le porte-monnaie d’indifférents des médailles de sainteté et sur leurs poitrines des images du Sacré-Cœur.

J’ai vu que des athées avaient au fond de leurs poches des pommes de terre et des marrons sacrés.

J’ai vu dans les accessoires d’automobilistes sans foi et sans moralité des médailles de Saint-Christophe.

J’ai vu des aviateurs nous rappeler l’Orient avec leurs bracelets aux multiples fétiches.

J’ai vu des nègres avec leurs gris-gris.

J’ai vu dans les écrits de Pascal cette pensée :

« L’esprit croit naturellement et la volonté aime naturellement, de sorte que, faute de vrais objets, il faut qu’ils s’attachent aux faux. »

J’ai vu dans cette foule inquiète survivre la crainte de l’inconnu qui faisait trembler nos ancêtres de la préhistoire.

J’ai vu qu’à Sychar, appuyé sur la margelle du puits de Jacob, Jésus de Nazareth annonça à la Samaritaine que : « L’heure vient et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en Esprit et en Vérité, car ce sont là les adorateurs que le Père demande. »

J’ai vu enfin des hommes tomber au Champ d’honneur qui ne portaient rien sur leur poitrine, rien au poignet, rien dans leur poche, mais dont le cœur était rempli des espérances et des certitudes éternelles.

Ce sont là les adorateurs que le Père demande.

 

 

Paru dans L’Espérance, de Blaye, puis dans Psyché en 1910.

 

 

 

 

 

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