Almaviva

 

REGARD SUR LE PASSÉ

 

 

            Sur le bord du chemin,

Je m’arrête un instant, pensive et recueillie ;

Pour contempler un peu, comme le pèlerin,

Ce que j’ai parcouru du sentier de la vie !

 

Que puis-je demander à mes jours révolus ?

Au Passé qui déjà n’est plus rien qu’un vain rêve ?

Quoi ! ma course ici-bas, déjà mon Dieu ! s’achève !

Moi qui pleure aujourd’hui, demain, ne serai plus !

 

Pauvre couronne hélas ! tu t’es vite flétrie,

Sur mon front qu’ont pâli les veilles et les pleurs !

Où j’ai senti, les mains de la pâle Insomnie,

Poser, en y creusant un sillon de douleurs.

 

Moi, si jeune ! et déjà, d’un regard triste et morne

Poursuivre et remonter la trace de mes pas,

Puis, lasse enfin des jours, m’arrêter sur la borne,

Appelant à mon aide ; à grands cris le trépas !

 

Et c’est là tout ce que me préparait la vie !...

– Comme d’amers remords dans une âme sans foi,

Les poisons, les tourments, seuls, habitent en toi,

Ô Monde !... et tes beaux jours, ne me font point envie !

 

Tes plaisirs les plus doux sont pétris de douleurs !

Ce qui pourrait me plaire est tout ce que j’abhorre !

Ah ! celui qu’ici-bas torture le Malheur,

Que ferait-il si Dieu ne lui restait encore ?

 

 

 

Maurice BAILLARGÉ,

Derniers adieux de Graziella

suivis de quelques autres poésies détachées, 1879.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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