Le Christ de la mosquée

 

 

Au pied d’une colonne, après une bataille,

On lia le captif. Là, les fils du Croissant

Le toisent d’un œil dur, laissant la valetaille,

Sans respect du vaincu, l’insulter en passant.

 

Plus vil est son geôlier, plus il courbe la taille

Vers le fût où ses fers sont rivés : l’ongle en sang,

Il a pu, grain à grain, élargissant l’entaille,

Creuser un crucifix dans le marbre grinçant.

 

Et depuis, qu’on l’outrage ou le frappe, qu’importe ?

La Mosquée est un temple où son Christ le conforte,

Sous l’arcade mauresque et les lampes de feu.

 

Et lorsque le vainqueur, du bout de ses sandales,

Vers l’orbe du Mihrab le couche sur les dalles,

Sur le flanc du porphyre il adore son Dieu.

 

 

 

Abbé J. BARTHÈS.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1895.

 

 

 

 

 

 

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