Le jubilé de Sedan

 

 

De la ville montaient des clameurs gutturales ;

Les fils des assassins festoyaient, et leurs chants

Se mêlaient dans la nuit au murmure des champs

D’où s’exhalent encor des sanglots et des râles.

 

Sur le mont dominant les plaines sépulcrales

Deux vierges écoutaient debout les cris méchants

Des féroces vainqueurs, et de leurs fronts penchants

Une douleur plissait les blancheurs sculpturales ;

 

L’une portait un glaive et l’autre une ancre d’or.

À l’aube, les hurrah ! maudits tonnant encor,

La Justice baisa le front de l’Espérance,

 

Puis, saisissant sa main douce qu’elle serra :

« Pars, ma sœur, lui dit-elle, et va dire à la France

Que j’attends sur ce roc mon heure, qui viendra ! »

 

 

 

Camille BAZELET.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1895.

 

 

 

 

 

 

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