Les lamentations du Christ

 

 

                                   (FRAGMENT)

 

 

 

                              CHRIST IMPLORE :

 

Ne comprenez-vous point tout mon amour de feu,

Vaste comme l’azur auguste du ciel bleu,

Inaltérable et saint, immortel et céleste !

Vous êtes mon espoir et vous êtes mon vœu ;

Mes bien-aimés, sans vous que m’importe le reste !

Le reste ici n’est rien, votre bonheur ôté ;

Pas même l’existence au sein de la beauté

                        Lumineuse du Père.

Sans vous le ciel est vide, atroce et sans clarté !

Sans vous je me lamente et je me désespère !

Oh ! ma gloire n’est rien au fond du ciel jaloux,

S’il me faut à jamais la goûter loin de vous !

Tout ce que tous souffrez dans la torpeur du gouffre,

Là-haut, dans la clarté parfaite, je le souffre !

Quand un juste se meurt dans le deuil et la nuit,

J’agonise dans l’ombre et je meurs avec lui ;

Vos discordes, vos cris de meurtre et de rapines,

Me tressent sur le front des couronnes d’épines ;

Tous les êtres meurtris par vous, estropiés,

Font revivre les clous infâmes dans mes pieds ;

Tous les crimes d’en bas ravivent mon supplice ;

Et quand au noir poteau tous les bons sont liés,

                        Quand l’injustice,

Au masque bestial, raille le ciel divin,

Quand un malheureux dit : « Frère, je meurs de faim ! »

Quand, dans la nuit où rampe l’imposture,

On pervertit, on ment et l’on torture,

Et qu’on tue, et qu’on souille, et qu’on éteint les voix,

C’est moi qu’on crucifie une nouvelle fois.

 

 

 

Nicolas BEAUDUIN, La Divine Folie.

 

 

 

 

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