Après un rêve

 

 

Regardez-la dormir ! sa blonde chevelure

Caresse ses grands yeux de leurs cils abrités ;

Un sourire apparaît sur sa lèvre si pure,

Et trahit, un instant, ses songes enchantés.

Suivant dans le sommeil, ses heureuses chimères,

Elle semble du ciel un ange descendu,

Qui, trouvant ici-bas, les heures trop amères,

Des perfides humains se détourne éperdu.

Partout chagrins, sanglots et souffrances cruelles,

Partout la dure angoisse au moment du réveil,

Et l’ange féminin a replié ses ailes,

Pour chercher le bonheur du moins dans le sommeil !

Incline-toi sur elle, ô frêne du bocage,

De peur que le soleil ne trouble son repos !

Jamais âme plus noble, au plus noble visage

Ne vînt goûter la paix sous tes frêles rameaux.

« C’est une enfant encore ! » ainsi parle le monde,

Et le monde a raison, s’il faut compter les jours ;

Mais sous ce pâle front que le génie inonde,

La charité demeure et rayonne toujours.

Devinant l’existence avec ses mille peines,

Il a déjà saigné, ce cœur compatissant,

Et s’il n’a point de part aux faiblesses humaines,

Pour sauver le pécheur, il donnerait son sang !

 

Dors en paix, Séraphin, sous l’ombre bienfaisante,

Qui t’abrite, un moment, de l’orage irrité ;

Dieu te voit de la nue, et sa main est clémente,

Au travers de la vie avance en sûreté.

Qu’ils tombent devant toi, ceux que la lutte énerve !

Toi, remplis ton esprit d’un courage vainqueur,

Et, jaillissant des cieux, comme autrefois Minerve,

Montre qu’un grand génie est frère d’un grand cœur !

 

 

 

Thalès BERNARD.

 

Paru dans La Tribune lyrique populaire en 1860.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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