La fontaine du Buis

 

 

Dans son bassin de pierres menues, elle coule et murmure tout doucement ; les mille fleurettes des touffes de genêts l’embaument au petit matin : sur un chêne-vert, les merles lui adressent des chants d’amour, tandis que, comme un long ruisseau de perles, elle répand ses eaux dans les prés.

 

Souvent la naïve bergère, qui garde ses agneaux non loin d’elle, s’y mire tout au bord en défaisant ses cheveux ; souvent sa douce chanson arrête brusquement le rossignol, qui s’approche... y boit une gorgée, et, joyeux, reprend son vol.

 

Et toujours elle coule, et toujours elle chante, elle répand toujours son frais trésor ; elle coule pour ce qui s’y penche, pour les oiseaux, les moucherons dorés, pour les coquelicots du bord, pour le vallon ou l’âpre colline, pour vous qui désirez de l’eau vive, et qui souffrez de la chaleur et de la soif.

 

Rien ne l’a jamais troublée : ni le piétinement du troupeau, ni les sauts de la chevrette hardie, ni la bave du veau, ni le vent qui, poussiéreux, s’incline sur elle et la retourne avec son tourbillon, ni la bouche ingrate du passant qui y crache pour lui dire merci.

 

Elle envoie ses eaux dans la plaine, sans se rendre compte que peut-être l’été, le soleil, la tramontane dessécheront bien vite les gras pâturages où elle va puiser sans cesse... et que ses parois n’auront plus hélas ! une seule goutte à garder...

 

Ô Fontaine du Buis, heureuse fontaine, souvent par une journée d’été, je vais, plein d’un impatient désir, savourer ton jet glacé. En te buvant dans le creux de ma main tendue, je dis accablé de soif : « Tu es le symbole de la simplicité de la Charité divine. »

 

 

Joseph BONAFONT.

 

Traduit du catalan par Jean Amade.

 

Recueilli dans Anthologie catalane (1re série : Les poètes roussillonnais),

avec Introduction, Bibliographie, Traduction française et Notes

par Jean Amade, agrégé de l’Université, professeur au Lycée

de Montpellier, 1908.

 

 

 

 

 

 

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