Louanges de la Vierge Marie

 

 

                                    I

 

Moi, Bonvesin de la Rive, je veux maintenant faire un chant,

Je veux faire ici un sermon de la Vierge Marie,

De la mère de Jésus Christ, de cette lumière accomplie,

De la plus noble madone qu’il y ait au ciel et sur la terre.

 

 

                                    II

 

Elle est une violette odorante, elle est une rose fleurie,

Elle est un lis très blanc, elle est une gemme polie,

Elle est sur terre notre avocate, notre espérance et notre voie,

Elle est pleine de grâce, pleine de courtoisie.

 

 

                                    III

 

Elle est une étoile qui donne une très claire clarté

Qui luit admirablement dans la cité éternelle.

Elle est la Dame des anges, la Reine de sainteté,

Elle est notre damoiselle, mère de pitié.

 

 

                                    IV

 

Elle est le salut du monde, le vaisseau de la divinité,

Vaisseau très précieux et plein de toute bonté,

Vierge au-dessus de toutes les vierges, souveraine par sa beauté,

Maitresse de courtoisie et de grande humilité.

 

 

                                    V

 

Elle est la couronne d’en dans la contrée éternelle,

Couronne d’or gemmée (et) ornée de bonne vertu,

Consolation et allégresse de toute personne née

Femme aussi admirable jamais ne fut trouvée.

 

 

                                    VI

 

Elle est la noble madone de toutes façons, à bon droit,

Par (sa) grâce, par (ses) mœurs et aussi par (sa) naissance ;

Le monde ne fit jamais aussi noble femme à bon droit,

Que (le) fut cette reine dont je fais sermon.

 

 

                                    VII

 

Par grâce, elle fut noble et de Dieu elle fut chérie,

Parce qu’elle fut du Très-Haut fille et mère et épouse ;

Par ses bonnes mœurs, elle fut noble comme une femme vertueuse,

Comme une femme chaste et généreuse, humble, non point dédaigneuse.

 

 

                                    VIII

 

En outre, elle fut du sang noble et grand

De la maison du roi David : ainsi naquit la glorieuse :

Tant ne pourrait être dit de la Vierge précieuse,

Qu’il en fût de plus noble (qu’elle) et jamais (plus) pleine de dignité.

 

 

                                    IX

 

Cette noble pucelle, avant qu’elle naquit,

Dans le ventre de sa mère fut sanctifiée ;

Tant qu’elle fut au monde, cette Vierge bienheureuse

Ne passa jamais la mesure en paroles ni en actes.

 

 

                                    X

 

En toute sa vie aussi bien petite que grande,

On ne la vit jamais faire d’excès en actes ni en paroles ;

Jamais elle ne fit péché, la Vierge bienheureuse ;

Aussi fut-elle élue entre toutes les femmes.

 

 

                                    XI

 

Elle est notre protectrice, notre gonfalonière ;

Elle défend tous ceux qui veulent se grouper autour d’elle ;

Contre nos ennemis, elle est très forte ennemie ;

Bienheureux l’homme et la femme qui sont sous sa bannière.

 

 

                                    XII

 

Elle est notre refuge, si l’on veut se tourner vers elle :

Chaque homme qui pèche, elle se met à le protéger,

S’il veut seulement être repentant et [veut] faire amende,

Et [s’il veut] grandement se recommander à elle.

 

 

                                    XIII

 

Cette reine douce aime beaucoup ses amis ;

S’ils lui sont bien dévoués et sont épris de l’amour d’elle ;

S’ils la prient justement, ils seront bien entendus,

Et elle les protège avec grand soin des ennemis infernaux.

 

 

                                    XIV

 

Elle est courtoise et libérale, elle est toute amoureuse ;

Des pauvres ni des riches elle n’est dédaigneuse,

Elle reçoit chacun, si modeste soit-il ;

Qui veut être son ami, chacun lui est plaisir.

 

 

                                    XV

 

Elle est douceur et repos à tous ceux (qui sont) las,

Pourvu qu’ils soient recommandés, entre ses bras ;

Elle est la consolatrice de tous les affligés,

Elle est la grande espérance de ceux qui sont désespérés.

 

 

                                    XVI

 

Elle est maintenant debout devant le Sauveur,

Elle prie maintenant son Fils pour tous les pécheurs,

Et s’il n’y avait pas ses prières, le monde est dans une telle erreur

Que Dieu l’anéantirait par le feu et par la flamme.

 

 

                                    XVII

 

Les gens de ce monde sont si corrompus et pervertis,

Que, s’il n’y avait les prières de la Vierge Marie,

Le monde serait anéanti pour nos péchés ;

Bienheureuse cette Dame qui a un tel pouvoir.

 

 

                                    XVIII

 

Elle est le conseil des veuves, la mère des orphelins,

L’asile des égarés, le repos des fatigués,

Le remède des malheureux, la voie des dévoyés ;

Elle est le doux remède de ceux qui sont malades.

 

 

                                    XIX

 

De ceux qui ont faim et soif, elle est la restauration ;

De ceux qui ont chaud ou froid, elle est le tempérament ;

Richesse et grande consolation des bons pauvres,

Elle est la colonne et le grand support du monde.

 

 

                                    XX

 

L’homme et la femme qui se mettent entre ses bras,

Elle les secourt et les défend de maints grands dangers ;

Donc qui met son amour en cette Dame

Il doit en retirer beaucoup de bien dans toutes ses affaires.

 

 

                                    XXI

 

Les pécheurs même qui ont grand amour pour elle,

S’ils se recommandent à elle et lui rendent honneur,

Elle les aide à sortir de leur mauvaise erreur,

Et les amène à pénitence pour servir le Seigneur.

 

 

                                    XXII

 

Elle en arrache beaucoup des mains du fourbe Serpent,

Et si elle n’était pas là, nous mourrions de male mort :

Ce pécheur est sage qui l’aime étroitement,

(Et) qui se jette avec foi entre ses bras.

 

 

                                    XXIII

 

Elle protège maints hommes de maints dangers mortels ;

Elle console et encourage ses amis qui sont des justes,

Et elle convertit à bien faire ceux qui sont pécheurs.

Bienheureux l’homme et la femme qui finissent dans l’amour d’elle.

 

 

                                    XXIV

 

Aussi, il ne doit être homme, ni pécheur, ni bon,

Qui ne se recommande à elle avec de bonnes intentions,

Et ne salue la Vierge aussi souvent qu’il le peut,

En disant Ave Maria avec grande dévotion.

 

 

 

 

BONVESIN DE LA RIVE.

 

Recueilli dans Poésie italienne du Moyen Âge,

textes recueillis, traduits et commentés

par Henry Spitzmuller,

Desclée De Brouwer, 1975.

 

 

 

 

 

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