Rimes folles

 

 

Souvent, sous le grand peuplier

Qu’en haut la brise fait plier,

Je vais seul pour vous oublier,

                Heures amères ;

Et je m’endors dans les roseaux,

Au murmure des claires eaux,

Tels les enfants dans leurs berceaux

                Au chant des mères.

 

Mon esprit sur les verts gazons

N’a ni cauchemars ni frissons ;

Mais dans de brillants horizons,

                En danse folle,

Vont des vierges aux yeux d’azur,

Si belles, que chacun, bien sûr,

Voudrait rêver, la tête sur

                Leur blanche épaule.

 

Puis, planent des airs incertains,

Tantôt mourants, tantôt distincts :

Bruits de cloches dans les lointains,

                Perçant l’aurore ;

Bruits pareils à l’hymne sans fin

Que chante le pur séraphin

Aux pieds de Dieu – Concert divin

                Du ciel sonore.

 

Mais surtout je revois toujours,

Dans mes rêves de tous les jours,

Deux vierges des lointains séjours

                Aux blanches ailes :

– Je suis la Poésie. – Et suis,

Moi, la Gloire que tu poursuis,

– Et sur la route que tu suis,

                Toujours fidèles ;

– Je brillerai sur toi. Ma main

Mettra des fleurs sur ton chemin.

– Je reviendrai vers toi, demain...

                Me disent-elles.

 

Comme en mes rêves d’autrefois

Me parlent ces troublantes voix.

Puis tout se tait ; et plus ne vois

                Leurs ailes blanches...

Ainsi je rêve, aux chants joyeux

Des rossignols audacieux,

Devant l’arbre silencieux

                Aux hautes branches.

 

Et je m’éveille au même chant.

La brise meurt. Vers le couchant,

L’ardent soleil va trébuchant

                Sur les collines...

Heureux qui peut dans les roseaux

Ouïr parmi des chants d’oiseaux

Et le doux murmure des eaux,

                Des voix divines !

 

 

 

Robert CAMPS.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1895.

 

 

 

 

 

 

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