Elle est morte !

 

 

Rose avait dix-sept ans ; elle était belle et blonde ;

Sur son front les rayons de la candeur brillaient ;

Les perles de sa bouche enchantaient tout le monde ;

Ses cheveux en flots d’or jusqu’à ses pieds roulaient.

 

Ses lèvres souriaient comme celles d’un ange ;

Son œil d’azur jetant un vif rayonnement ;

Sa voix avait parfois une harmonie étrange

Qui me plongeait soudain dans le ravissement !

 

Quand venait le printemps avec ses nids de mousse,

Ses brises, ses parfums, son soleil radieux,

Nous allions, elle et moi, – réminiscence douce –

Tout pensifs, nous asseoir sur le gazon soyeux.

 

Et là nous admirions le couchant et l’aurore

Déployant à notre œil leurs tableaux gracieux ;

Et nos cœurs bénissaient l’Artiste qui décore

Toute l’immensité de la terre et des cieux.

 

Aux coupes de l’espoir nous abreuvions notre âme ;

Un heureux avenir brillait dans le lointain ;

L’Hymen allait bientôt nous verser son dictame,

Mais, hélas ! nous comptions sans le cruel destin !

 

                                        *

                                     *     *

 

Et maintenant, voyez : elle est là qui repose

Sous la terre où chacun tôt ou tard doit dormir !

Et tout ce qui me reste aujourd’hui de ma Rose,

C’est le parfum que m’a laissé son souvenir...

 

 

Avril 1879.

 

 

J.-B. CAOUETTE,

Les voix intimes, 1892.

 

 

 

 

 

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