Potius mori

 

 

Je vis – mais n’ayant d’espérer

Plus ni la force ni l’envie,

Et vivant sans croire à la vie,

Au banquet où Dieu me convie,

Je ne m’assieds que pour pleurer.

 

Je pleure – mais de mes pleurs même,

Il faut, je crois, me réjouir,

Car mon malheur n’est pas extrême,

Ni ma déchéance suprême,

Si je puis encore en souffrir.

 

Je souffre – donc la pure flamme

De l’idéal qu’on doit chérir

Est encor vivante en mon âme,

Et le seul bien que je réclame

Est tout simplement d’en mourir.

 

Je meurs, – mais j’ai vécu mon rêve,

Et puisqu’il faut lui dire adieu,

Je veux qu’en ce jour il s’achève,

Pour se recommencer sans trêve

Demain, dans l’infini de Dieu !

 

 

 

Raoul de CHAMBERET.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1896.

 

 

 

 

 

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