Les derniers vers de Chaucer

 

 

Sauve-toi de la foule et garde le contentement,

Que ton bien te suffise, quoiqu’il ne soit pas richesse ;

Épargne excite haine, on trouve danger en montant,

La lutte amène l’envie, et la prospérité cesse.

Ne goûte plus rien, hormis ce qu’il te faut en largesse,

Conseille-toi bien, ô toi qui peux si bien conseiller,

Et la vérité, sans nul doute, va te délivrer.

 

Ce qui se donne à toi prends toujours avec gratitude,

Les luttes du monde entraînent des maux, la jalousie.

Ici point de foyer, ici rien qu’un désert bien rude.

Avance, pèlerin ! Bête, sors de ta stalle impie !

Regarde en haut, et le Ciel de tous tes biens remercie,

Détruis tes désirs, laisse ton âme te gouverner,

Et la vérité, sans nul doute, va te délivrer.

 

Ne cherche à redresser toute chose tordue, en vain,

Par ta confiance en celle tournant comme un brin de paille,

En peu d’affaires se trouve un bien grand repos serein,

Prends garde de te cogner contre un dur clou qui t’entaille,

Ne lutte pas en pot de terre contre la muraille,

Toi, qui juges la conduite d’autrui, va te juger,

Et la vérité, sans nul doute, va te délivrer.

 

 

 

Geoffrey CHAUCER, en 1390, sur son lit de mort.

 

Traduit par sir Tollemache Sinclair.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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