Serena vox

 

 

Sur de grands murs coupant la vue

Reposaient tristement les yeux ;

La cour était petite et nue,

Le ciel étroit et nébuleux.

 

À peine en ce lieu solitaire

Un pauvre arbuste et quelques fleurs

Qui manquaient d’air ; nature austère,

Veuve de force et de couleurs.

 

Sous les grands toits pas un bruit d’aile,

Sur les fleurs pas un papillon ;

Pas un écho de cascatelle,

Pas un zéphir, pas un grillon.

 

Soudain – comment donc ? je l’ignore –

En ce réduit morne et désert

Un éclat bruyant et sonore

Naît et monte comme un concert.

 

Ô douceur de l’azur qui brille !

Ô splendeur des champs émaillés !

Par ce gai refrain qui pétille

Que de charmes sont éveillés !

 

Une cigale !... et dans l’espace,

À travers les murs élevés,

Le regard qui plonge embrasse

Mille trésors souvent rêvés.

 

Prés verdoyants que l’onde arrose,

Bois pleins de murmures joyeux,

Nature que métamorphose

Tout rayon qui tombe des cieux ;

 

Clairières où l’âme s’abreuve

De parfums, d’air et d’infini ;

Sève débordant comme un fleuve,

Amour partout épanoui !

 

Par la vive et chaude lumière

Les regards sont presque aveuglés ;

Voici la source fraîche et claire,

Les beaux sainfoins et les beaux blés !

 

Ô chanson pétillante et folle !

Hosanna qui monte vers Dieu

Laissant partout son auréole !

Ô bonheur qui vient de si peu !

 

 

 

Alexis CLAVERIE.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1897.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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