L’Angélus

 

(D’APRÈS LE TABLEAU DE MILLET)

 

 

L’immensité des champs remplit tout le tableau ;

Au loin, sur l’horizon, dressant sa pointe fine

Entre des peupliers, le clocher d’un hameau

Des derniers feux du jour doucement s’illumine.

 

C’est l’heure où du berger l’étoile se fait voir

Dans l’or rosé du ciel, dont pâlit la lumière ;

C’est l’heure où l’Angelus, dans le calme du soir,

De sa voix argentine appelle à la prière.

 

On dirait qu’on entend le léger tremblement

Dont chaque coup frappé tour à tour s’accompagne ;

Il s’élève, il faiblit, puis s’endort lentement,

Et longtemps semble encor planer sur la campagne.

 

Attardés dans leur champ, deux jeunes travailleurs,

L’homme et la femme, au son de la cloche connue,

Ont essuyé leurs fronts, et, cessant leurs labeurs,

Debout, ils font tout bas leur prière ingénue.

 

L’homme vient dans le sol de planter son trident ;

Grave, il tient son béret pressé sur sa poitrine.

La femme joint les mains sur son sein, et l’on sent

L’ardeur de sa prière à son front qui s’incline.

 

Que disent-ils à Dieu, ces humbles, ces petits ?

Quelque formule apprise à l’école... Qu’importe ?

Ces mots, depuis longtemps gravés dans leurs esprits,

C’est l’aile qui vers Dieu chaque jour les emporte !

 

Ces champs où l’Angelus résonne, harmonieux,

Cet horizon lointain où s’éteint la lumière,

Ce groupe recueilli sous la voûte des cieux,

C’est, dans la paix du soir, la paix de la prière !

 

 

 

A. DECOPPET.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1895.

 

 

 

 

 

 

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