L’Ave Maria à Rome

 

 

                                          I

 

Dans la ville de Rome il est une heure sainte

Quand l’Ave Maria sonnant dans son enceinte,

Le divin Angelus vient sur l’aile du vent,

Et que la cité prie, ainsi qu’un grand couvent.

Les bruits du jour ont fui ; l’air est pur et tranquille ;

Tous les peintres français reviennent à la ville ;

Et, portant sous le bras leur fidèle carton,

Regagnent à pas lents la Trinité du Mont ;

Et les enfants romains, sur les marches de pierre,

Suspendent un instant le jeu pour la prière ;

Et le ciel et la terre, en ce pieux moment,

Ne respirent qu’amour et que recueillement.

Alors l’Italien sent dans son âme ardente

Retentir tout à coup ces deux beaux vers de Dante

« ...Car la cloche du soir vient émouvoir son cœur,

En paraissant pleurer le beau jour qui se meurt. »

 

 

                                         II

 

Le bel ange venait à l’horizon lointain,

Tremblotant comme fait l’étoile du matin,

Et frappant l’air du soir avec sa plume verte,

Approchait, approchait de la fenêtre ouverte.

Dans la petite chambre, en silence arrivé,

Il salua Marie en lui disant : Ave !

Et cependant la Vierge en son saint oratoire,

Demeurant humble et calme au sein de tant de gloire,

Répondit au salut d’un ton plein de douceur :

Vous voyez devant vous l’esclave du Seigneur.

 

 

                                         III

 

Après l’Ave Marie, au tomber de la nuit,

Le ciel étant serein et jusqu’au moindre bruit

S’éteignant par degrés : vers le midi de Rome,

Dans le quartier des Juifs et dans le lieu qu’on nomme

Le Campo Vaccino, tout respirant la paix,

Près de l’arc de Titus, sur les marbres épais

De la Via sacra, la solitude telle

Qu’on n’entendait passer ni bœufs ni caratelle ;

La foule s’avança vers le Trastévéré,

Car c’était vendredi, jour de Miserere.

Les carabiniers verts, ceints de jaunes ceintures,

Maintenaient sur le pont la file des voitures,

En laissant au milieu celles des cardinaux

Qu’on distinguait de loin aux plumets des chevaux.

Près du château Saint-Ange un piquet de la troupe,

Des Anglais à cheval, des capucins, un groupe

De ces Romains du peuple à l’œil sévère et noir,

La veste sur l’épaule, à la tête un mouchoir,

Debout et s’appuyant au parapet de pierre,

Regardaient les passants qui couraient à Saint-Pierre.

 

 

 

Antony DESCHAMPS.

 

Recueilli dans Rosa mystica :

Les poètes de la Vierge,

du XVe au XXe siècle, s. d.

 

 

 

 

 

 

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