Détresse

 

 

Seigneur ! je suis sans pain, sans rêve et sans demeure,

Les hommes m’ont chassé parce que je suis nu,

Et ces frères en vous ne m’ont pas reconnu,

Parce que je suis pauvre et parce que je pleure.

 

Je les aime pourtant, comme c’était écrit,

Et j’ai connu par eux que la vie est amère,

Puisqu’il n’est pas de femme qui veuille être ma mère

Et qu’il n’est pas de cœur pour entendre mes cris.

 

Je sens autour de moi que les bruits sont calmés,

Que les hommes sont las de leur fête éternelle ;

Il est bien vrai qu’ils sont sourds à ceux qui appellent ;

Seigneur, pardonnez-moi, s’ils ne m’ont pas aimé !

 

Seigneur, j’étais sans rêve et voici que la lune

Ascende le ciel clair, comme une route haute ;

Je sens que son baiser m’est une pentecôte,

Et j’ai mené ma peine aux confins de sa dune.

 

Mais j’ai bien faim de pain, Seigneur, et de baisers,

Un grand besoin d’amour me tourmente et m’obsède,

Et sur mon banc de pierre rude se succèdent

Les fantômes de celles qui l’auraient apaisé.

 

Le vol de l’heure émigre en des infinis sombres ;

Le ciel plane, un pas se lève dans le silence,

L’aube indique les fûts dans la forêt de l’ombre,

Et c’est la vie énorme, encor, qui recommence !

 

 

 

Léon DEUBEL, Régner.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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