En chuchotant

 

 

En chuchotant, confiez-vous à votre petit frère !

– Fleurs fleurissant plus ardentes que le soleil –

Causons un peu, fleurs mes sœurs.

À quoi songez-vous et pourquoi êtes-vous voilées de tristesse,

Figées debout dans votre rêve ?

Le sommeil des siècles terrestres sera-t-il bientôt fini ?

Pourquoi ces années passant l’une après l’autre comme l’eau qui s’écoule ?

Pourquoi ne pas vous échapper vers la lumière du bon Dieu ?

Lièvres agiles, ne courez plus au loin !

Confiez-vous à moi, bêtes sauvages,

Bêtes sauvages et pierres des montagnes,

Pierres des montagnes, rivières calmes, eaux pures,

Car j’erre dans ma prison

Et j’attends la réponse des prisons où sont mes camarades.

Je connais ces prisons-là,

Je fus esclave et roi dans tous les pays lointains.

Pendant des siècles, je fus pierre gisante dans le sein des montagnes,

Et, sur cette même montagne, loin, j’ai hurlé.

Sur la même montagne, mon feuillage a donné son ombre ;

Sur la même montagne, homme, j’ai sangloté.

Le sommeil des siècles sera-t-il bientôt fini ?

Pourquoi ne vous échappez-vous point tous librement ?

Auriez-vous oublié votre liberté ?

 

 

 

Alexandre DOBROLIOUBOV,

Le livre invisible.

 

Recueilli dans Anthologie de la poésie russe

du XVIIIe siècle à nos jours, par Jacques Robert

et Emmanuel Rais, Bordas, 1947.

 

 

 

 

 

 

 

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