L’Ange et l’Enfant

 

 

À travers la forêt, sur la sainte colline,

Avez-vous de l’airain, dans la tour qui domine,

          Entendu les joyeux concerts ?

Avez-vous, au signal, vu les anges fidèles,

Pour entourer leur frère, ouvrant leurs blanches ailes,

          Descendre du plus haut des airs ?

 

Quand le prêtre de Dieu, versant l’eau du baptême

Sur le front de l’enfant, effaçait l’anathème,

          Ils étaient autour de l’autel,

Recueillis et voilés sous les voûtes rustiques

Comme ils sont dans les cieux en chantant leurs cantiques

          En présence de l’Éternel.

 

Ils étaient là tous ceux sur qui tu te reposes,

          Ô Dieu, du soin de l’univers !

Ceux qui font succéder les printemps aux hivers,

          L’automne à la saison des roses ;

 

Ceux qui, près du torrent, aux créneaux de la tour,

De ses climats lointains ramènent l’hirondelle

Et qui font dans les bois, à la chute du jour,

Chanter le rossignol à son arbre fidèle ;

 

Et ceux qui, le matin, les premiers aux labeurs

          Agitent leurs ailes humides

          Au-dessus des guérets arides,

Pour qu’en se réveillant les pauvres laboureurs

          Voient sous des perles de rosée,

          Dans la moisson fertilisée,

          Germer les fruits de leurs sueurs !

          

          Et ceux qui font rouler la sphère

          Du soleil géant et vainqueur ;

          Ceux qui de l’astre du mystère

          Voilent la tremblante lueur ;

          Ceux qui chargés d’un saint message,

          Montent de nuage en nuage,

          Portant l’encens de notre amour

          Aux pieds de celui qu’on adore,

          Soit qu’il fasse lever l’aurore,

          Soit qu’il fasse coucher le jour.

 

Ils étaient là tous ceux que les enfants des hommes

Ont pour amis secrets dans l’exil où nous sommes,

          Qui nous prennent dès le berceau ;

Qui, pour nous consoler des ombres de la vie,

Font briller à nos yeux la céleste patrie,

          Et pleurent sur notre tombeau !

Et tous ils attendaient... quand du sein des phalanges,

D’après l’ordre de Dieu, le plus jeune des anges

          S’approche de l’enfant qui dort,

Et, d’un baiser divin touchant son front limpide,

Élève autour de lui cette invisible égide

          Devant qui se brise le sort.

 

Qu’il est joli l’enfant qui, tandis qu’il repose,

Sourit en sommeillant, comme une jeune rose

          Qui fleurit aux bords d’un ruisseau !

Qu’il est divin, penché sur l’enfant qui sommeille

L’ange qui voit sourire une image pareille

          À la sienne, dans le berceau !

 

Qu’il est joli l’enfant à qui sa jeune mère

Apprend à répéter le doux nom de son père,

          Brillante de joie et d’amour !

Qu’il est divin, voilé par son aile flottante,

L’ange en aidant les sons de cette voix tremblante

          Qui bénira le ciel un jour !

 

Qu’il est joli l’enfant qui, rouvrant sa paupière,

À l’ombre de son lit, adresse sa prière

          À Jésus, petit comme lui !

Qu’il est divin, seconde et douce providence,

L’ange qui porte à Dieu l’hymne plein d’innocence

          De l’enfant, quand le jour a lui !

 

Qu’il est joli l’enfant dont le jeune courage

Fait de ses premiers pas l’heureux apprentissage,

          Soutenu du bras maternel !

Qu’il est divin, prêtant son appui tutélaire,

L’ange qui suit tout bas cette course première

          De l’enfant qu’il conduit au ciel !...

 

 

 

Henry DU COLOMBIER.

 

Paru dans les Annales romantiques en 1834.

 

 

 

 

 

 

 

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