Suave Mari Magno

 

VARIANTE CHRÉTIENNE

 

 

Si ton cœur est blessé, va t’asseoir en silence

Devant la mer qui songe à l’infini des cieux.

Et laisse-toi bercer du chant harmonieux.

À l’heure où nul esquif sur les flots ne s’élance.

 

Si ton cœur a souffert l’humaine perfidie,

Va parmi les rochers où se brise la mer,

Afin de contempler, d’une pointe hardie,

L’onde tumultueuse en proie aux souffles d’air.

 

Vois des flots soulevés l’immense inquiétude,

Et saisis en passant les échos du chemin.

L’accent de la tempête est sauvage, il dénude

Ton âme des rancœurs ou du mensonge humain.

 

Mais ton regard pensif entrevoit dans l’espace,

Sur les flots en courroux, l’aspect inattendu

D’un fragile bateau qui s’avance et qui passe,

Si faible, si vaillant à son labeur ardu !

 

Ah ! comme elle a vibré, ton âme fraternelle,

Omettant de haïr un peu l’humanité !

L’esquif dont le danger fascine ta prunelle

Est le seul point vivant de cette immensité.

 

Quel flot d’amour a pris ton âme et la soulève ?

Ton regard, éperdu, suit passionnément

Le combat ignoré, visible de la grève,

Que cet homme inconnu livre à cet élément.

 

Battu des vagues sur l’étroite passerelle,

Il apparaît un pauvre enfant tout délaissé.

Ton ennemi ne fut qu’un lutteur aussi frêle...

Et l’heure du pardon fleurit ton cœur blessé.

 

La cause du passant n’est-elle point ta cause ?

Oui, l’ouragan te prêche à son rude contact,

Toute une aube d’extase et de joie est éclose

En ton cœur triomphant pour ce navire intact.

 

L’homme vaut la pitié beaucoup plus que la haine ;

Dieu qui juge a béni l’ineffable transport,

Grâce auquel tu revins à la tendresse humaine,

Pour un pêcheur sauvé qui rentrait dans le port !

 

 

 

Lucie FÉLIX-FAURE-GOYAU.

 

Extrait de La Vie nuancée.

 

 

 

 

 

 

 

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