Vision québécoise

 

 

À LA SOCIÉTÉ DU PARLER FRANÇAIS AU CANADA

 

 

Québec, ô noble terre, héroïque patrie

Où, depuis que Champlain sur la grève aborda,

Le doux parler de France enseigne, chante et prie,

Ô toi, cité fidèle, orgueil du Canada !

 

Comme le premier chantre amoureux de ta gloire,

Jadis, rêvant pour toi d’immortelles chansons,

T’évoquait quand les nuits baignaient ton promontoire,

Ainsi, je chanterai l’honneur de tes maisons.

 

Souvent, ô cher pays, emporté par le Rêve,

Avide des grandeurs de ton sol vénéré,

J’ai foulé le rivage où ton granit s’élève,

Où l’idéal des preux d’antan s’est emmuré.

 

Invisible écouteur, buvant le pot des brises

Qui font dans les couchants houler ton fleuve bleu,

J’ai laissé l’Angélus berceur de tes églises

D’un vol agile et clair porter mon âme à Dieu !

 

Sur tes murs, ô Québec, se lit une épopée.

Salut à nos aïeux épris des Fleurs de Lys !

Je bénis les grands noms et je baise l’épée

Des héros que le temps n’a pas ensevelis.

 

Ému des souvenirs dont lu charmes les âmes,

J’ai compris la douleur de ce Passé sanglant

Qn’endeuilla le sanglot des vieillards et des femmes

Qui pleurèrent Montcalm mort pour son drapeau blanc.

 

J’ai vu, plus proche encor des faits de ta genèse,

Les navires de Phipps hanter tes flots profonds,

Puis, altier, Frontenac, du haut de ta falaise,

Répondre à l’amiral par le feu des canons.

 

J’ai vu ta primitive et lointaine chapelle

Dont l’Indien étonné vit l’image sur l’eau.

Ah ! ces jours où l’Hostie en l’église nouvelle

Fut offerte à tes fils par le Père Dolbeau !

 

Dans le recul des ans une foret sauvage

Enserre les guérets des colons de jadis.

Hébert, t’en souviens-tu, déboisa ce rivage :

Où sont nés tes foyers blondissait son maïs.

 

La foi des conquérants éclaire ta naissance.

Je rois surgir encor du sombre Saguenay

Les vaisseaux gue Cartier au nom du Dieu de France,

Intrépide, guidait devers Stadaconé.

 

Ô blanche vision des nefs aventureuses

Dont s’effraya l’esprit du roi Donnacona,

Si prompt à pressentir les heures douloureuses

Qui devaient angoisser son cœur d’Agouhanna !

 

En vain Cudoagny, le dieu du fleuve auguste,

Incita le grand chef à chasser l’Étranger ;

La croix des marins blancs monta du sol robuste ;

Cet arbre aux bras tendus devait le protéger.

 

Fier Québec, penche-loi sur ces pages divines.

Aux mystiques combats tu fus prédestiné.

Rappelle, plein d’orgueil, tes hautes origines.

L’amour des preux dès ton berceau te fut donné.

 

Pensif, sur les tombeaux, écoute les prières

Des martyrs dont le sang paya ta liberté ;

Entends les mots sacrés du credo de nos pères,

Entends parler en toi l’ancestrale fierté.

 

Sur ton cap, à Québec, de tragiques empreintes

Témoignent que tes fils follement t’ont aimé.

Oh ! dis-moi si le feu des espérances saintes

Dans tes enfants au cœur hautain reste allumé !

 

 

 

Albert FERLAND, Montréal, février 1910.

 

Paru dans Le Parler français, bulletin de la Société

du Parler français au Canada, en avril 1910.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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