Apaisement

 

 

J’étais triste : mon cœur portait ces meurtrissures

Dont on ne parle pas, mais dont on se souvient.

J’étudiais ; le livre, hélas ! à mes blessures

                Ne faisait point de bien.

 

Navré, je suis allé vers la nature immense,

Pleine de chauds rayons, de parfums et de voix,

Et longtemps j’ai prêté l’oreille à la romance

                De l’oiseau dans les bois.

 

J’ai livré mon front pur à la vive caresse

Du zéphyre qui vient de la plaine et du mont,

Et j’ai senti passer, ainsi qu’une tendresse,

                Son souffle vagabond.

 

J’ai goûté lentement les suaves délices

De fleurs au fin velours dont l’odeur embaumait ;

Quand je me suis penché, j’ai vu dans les calices

                Une âme qui dormait.

 

Puis, du haut d’un rocher, j’ai contemplé l’abîme

De l’océan sans fond qui gronde éperdument,

Mais le zéphir, l’oiseau, la fleur, la mer sublime

                Ont accru mon tourment ;

 

Voyant venir l’orage et sourdre la tempête,

Je me suis recueilli dans un profond émoi ;

J’ai croisé les deux mains ; j’ai dit, courbant la tête :

                « Éternel, secours-moi ! »

 

Et Lui prit en pitié les graves meurtrissures

Dont souffrait durement mon cœur endolori ;

De son baume d’amour il pansa mes blessures ;

                Alors je fus guéri.

 

 

 

Raymond FÉVRIER.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1892.

 

 

 

 

 

 

 

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