Ta vie étincelante...

 

 

Ne va pas, je t’en prie, ô mon corps vulnérable,

Me faire au bord du jour l’injuste lâcheté

De tâtonner sous terre, inquiet grain de sable,

Toi qui roulas toujours au vent de la beauté,

Vent farouche qui tord ton infime puissance.

Objecte à son vertige un flamboyant défi

En ne dénouant pas le fil de l’existence

Sans avoir persisté jusqu’au bout, sans souci

Du mal montant ! Il creuse en toi la hardiesse,

L’ivre capacité de boire avidement

Le souffle de l’Amour qui te pousse sans cesse

Aux solitudes où, comme un blanc vêtement,

La Voix de Dieu t’étreint !... La Voix intérieure

Des grandes eaux rongeant les flancs chauds de ton cœur !...

Quand tu t’apercevras que c’est juste à point l’heure,

Que ce cœur ne peut plus tenir sa profondeur,

Tu pourras te défaire alors, pour qu’il s’enfièvre

Dans l’abîme d’extase, étourdi de clarté !...

Mais tu n’iras pas mettre une mesquine trêve

Au martyre acharné sur ton dos révolté

En t’endormant trop tôt sous l’ombre et la défaite !

Vois, le soleil d’avril soulève la villa...

Dresse debout tes os, puis porte sur ta tête,

Comme une urne en cristal qu’un choc rude étoila,

Ta vie étincelante éclose un soir de neige

Et qu’a toujours blessée une route d’hiver !...

Quoi ! tu profanerais la Main qui te protège ?

Cette divine Main qui s’imprime en ta chair

Et jamais ne s’épuise à renouer ton rêve !...

Tu lui refuserais de laisser émonder

Ton âme à chaque instant de cette heure si brève

Où tu n’auras pas eu le temps de t’accouder ?

Tout ce qui cesse est court... et pur tout ce qui taille !

Ne va pas marchander tes frugales douleurs

À ce Cœur qui te tend pour après la bataille

Sa Tendresse tressée en couronne de fleurs !

 

 

 

Marie-Anna FORTIN,

Bleu poudre, 1939.

 

 

 

 

 

 

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