Aimer

 

 

 

                  À Mademoiselle Augustine P…

 

 

 

Écoute. Afin que toute chose

Pour l’homme ait du charme ici-bas,

Dieu donne à nos vallons la rose,

À l’aube des rayons lilas.

 

Dieu fait d’aimer une loi même :

Dans l’ombre du cœur c’est écrit.

Ainsi que l’on boit l’air on aime,

On aime ainsi que l’on sourit.

 

Le papillon à l’asphodèle,

Sais-tu ce qu’il dit ? – Aimons-nous !...

Et la blanche fleur sur son aile

Répand son parfum le plus doux.

 

Ouvre donc la cage à ton âme.

Aime : l’amour, c’est du bonheur.

Prête l’oreille aux mots de flamme

Qui font les surprises du cœur.

 

La montagne a le chant des pâtres,

L’océan vert, les goëlands,

La grève, les galets bleuâtres,

Et cette vie a son printemps !

 

Ô soleils d’or ! jeunesse pure !

Comme alors les sentiers sont verts !

Les heures que cet âge azure

Ont le chant léger des flots clairs.

 

Mais les heures sont fugitives.

Où sont-elles ? dit-on un jour.

Or la saison des aubes vives

Est aussi celle de l’amour.

 

Aime, pour qu’au bal qui flamboie.

Dans nos veilles sous le treillis,

On se dise : Comme la joie

Donne du charme à son souris !

 

Mais il est des hommes étranges

Qui font parfois cesser les jeux.

Garde-toi de ces mauvais anges.

Esprits sombres, cœurs envieux.

 

Vois-tu, de cette fleur brisée

Pour toi dans l’herbe ce matin,

S’il tombait des pleurs de rosée,

Ils diraient : voilà ton destin !

 

Enfant, de ces esprits moroses

N’écoute jamais les discours...

Pour moi, j’environne de roses

La coupe belle de tes jours.

 

 

 

Alfred GARNEAU, Poésies, 1906.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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