Noël ! Noël !

 

 

« Minuit, chrétiens, c’est l’heure solennelle. »

Il est minuit, en effet, et, là-haut, sur la tribune de l’orgue, le ténor en renom, soutenu par un chœur d’amateurs, est sur le point d’entonner le fameux, le trop fameux Noël d’Adam.

En bas, les fidèles sont tout oreilles et écoutent.

Eh bien ! je ne suis pas encore satisfait (voyez le mauvais caractère), et souhaiterais bien vivement qu’au lieu d’être « tout oreilles », ils fussent « tout voix ».

Oui, je voudrais qu’en toutes nos églises, le peuple chrétien tout entier appelé à chanter unanimement les mêmes chants. Et, surtout, en cette nuitée Noël.

Ô maîtres de chapelle, ô organistes de bonne volonté, imaginez un peu le prodigieux effet que produirait le chant à deux mille, à trois mille voix, de ces Noëls populaires qui sont encore gravés dans toutes les mémoires et dont vous soutiendriez la simple et vive mélodie avec toutes les énergies de vos grandes orgues, de cet incomparable instrument qui est mille fois supérieur au meilleur de tous les orchestres.

La joie, la vraie joie en enterait dans l’air, et les communions de la nuit de Noël seraient encore plus recueillies et plus pieuses.

Il faut pourtant y réfléchir, et revenir à la tradition chrétienne, à la tradition nationale, au chant unanime.

Nous en avons assez décès invasions scandaleuses de l’Opéra dans nos églises ; nous en avons assez de vos barytons et de vos ténors.

Vive le chant populaire ! Vivent les vieux Noëls chantés par toute la paroisse, par la voix branlante des vieilles, par la fraîche voix des jeunes filles, par la voix grave des ouvriers et des soldats !

Cher enfant Jésus, nous n’avons pas, mes enfants ni moi – moi surtout – une voix d’Opéra à vous offrir, et voici que, par ce temps d’influenza, nous sommes, hélas ! tout à fait enroués.

Mais, ô mon grand Dieu qui vous êtes fait si petit, vous voudrez bien, n’est-ce pas, agréer nos hommages, quand, durant la nuit de Noël, nous vous chanterons en chœur l’antique Noël : « On entend partout carillon » ; ou cet autre encore : « Il est beau, ce fils de Dieu le Père ? »

Ténors et barytons, chantez-les avec nous.

 

 

 

Christian DEFRANCE (pseud. de Léon GAUTIER),

Croquis honnêtes, 1892.

 

 

 

 

 

 

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