Les paysans de la chair

 

 

« Ce qu’on aura semé, on le moissonnera... »

Entre chair et esprit faut-il donc un combat ?

C’est dans la chair, saint Paul, que nous avons semé,

Mais plus que de la chair nous avons moissonné.

Le cœur multiplié, l’automne reculé,

Nous sommes dépassés par nos arbres plantés,

Et Jésus dans son ciel, par les cris des enfants,

Entend notre maison ouverte à tous les vents.

 

Oui, j’ai choisi la chair, mais une chair féconde ;

C’était trop pour moi seul ce cœur chaud et ce monde,

Et ce bonheur d’avoir découvert cette vie,

Bonheur fait de bonté, de crainte et de folie :

Et le miracle du désir, de la poussière,

Je voulais à mon tour, par mon sang, le refaire.

Vivre, voici la grâce ! Et la grâce reçue,

Femme, tu sais avec quel feu je l’ai rendue.

 

Tu sais aussi combien les enfants sont pesants,

Mais devant les champs d’or et les vergers croulants,

Nous ne pouvions rester le cœur creux, les bras vides,

Regardant sans payer notre siècle intrépide !

Vois maintenant comme sera douce la mort :

Toutes ces mains d’enfants soutenant nos vieux corps...

Bénis les paysans de la chair que nous sommes

D’avoir semé et de semer encor des hommes.

 

 

 

Robert-Lucien GEERAERT, Au Nom du Père, C.E.L.F.

 

Recueilli dans Panorama de la nouvelle poésie

d’expression française, Unimuse, Tournai, 1963.

 

 

 

 

 

 

 

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