Dix-huit ans !

 

 

J’ai dix-huit ans ! Mon cœur bat vite ;

J’ignore où mène mon chemin ;

Je vais où le bonheur m’invite ;

Je cède à qui me prend la main.

Viens, frère, entonnons mon aurore !

Viens, jouons comme des enfants !

N’est-ce pas ? C’est permis encore

             À dix-huit ans ?

 

Aux tendresses de la famille

Mes jours empruntent leur clarté.

Père, ne gronde pas ta fille,

Si sa vertu c’est la gaîté.

Je veux être ton Antigone,

S’il vient plus tard d’obscurs instants ;

Mais aujourd’hui je ris... Pardonne !

             J’ai dix-huit ans.

 

Je passe au monde, je l’admire

Et lui souris en liberté ;

Mais tu m’appris que le sourire,

Mère, n’est rien sans la bonté.

Est-ce donc vrai, ma bonne mère,

Qu’on souffre et pleure avec le temps ?

Est-ce vrai que c’est éphémère,

             Nos dix-huit ans ?

 

Heureux le front à qui Dieu laisse,

Pour se reposer ici-bas,

Une aïeule que la jeunesse

Égaie et n’effarouche pas !

C’est si bon de valser, grand’mère !

Si doux d’aspirer le printemps !

T’en souviens-tu, toi qui naguère

             Eus dix-huit ans ?

 

J’ai dix-huit ans ! Mon cœur bat vite ;

J’ignore où mène mon chemin ;

Je vais où le bonheur m’invite ;

Je cède à qui me prend la main.

Souvent, le soir, ma fantaisie

Se berce de rêves charmants,

Ô rêves d’or ! Ô poésie !

             Ô dix-huit ans !

 

 

 

Albert GÉRARD.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1895.

 

 

 

 

 

 

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