C’était l’heure

 

 

C’était l’heure où la douce alouette

descend de sa haute croisière

pour chercher sur la terre

de quoi manger, sans perdre une seconde,

puis en chantant rouvre les ailes et remonte

là-haut.

 

C’était l’heure où le vent se réveille

et lèche et rafraîchit les blés mouvants

et les fait bruire doucement,

où, par les terres molles souffle

l’air qui transmet l’aimable et douce vie

au sang tumultueux.

 

C’était l’heure où ta voix s’élève

et sonne, et frappe, et siffle et rit,

ô joyeux rossignol,

orgue, favori du champêtre accord,

que l’on entend le mieux et le plus fort

parmi tous les langages des oiseaux.

 

C’était l’heure où le laboureur

s’en va traçant une croix sur son cœur,

une croix sur son champ,

il va, priant, pleurant, semant

ce que peut-être un autre cueillera

et portera, joyeux, dans sa maison.

 

Le grain ! le grain ! cette merveille

que jamais homme, si puissant

fût-il, n’a fait éclore,

qui meurt avant de vivre, qui

sort vivant de la mort et qui

toujours mort vit encore ;

 

Et nous aussi portions en terre,

noble grain, le corps d’un ami.

Pleurant, exultant, le portions

vers le champ béni et fertile

qui le rendra aux temps écrits.

 

 

 

Guido GEZELLE, Exercices poétiques, 1858.

 

Traduit du néerlandais par Liliane Wouters.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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