Tout finit par l’adieu

 

 

Tout finit par l’adieu.

À toute heure, en tout lieu,

Des âmes désolées

Se quittent, appelées

Par le devoir ou Dieu,

Tout finit par l’adieu ;

 

Jusqu’à l’adieu suprême

C’est un peu de nous-même

Qui reste accroché là,

Là, partout où parla

Notre cœur, – car il aime

Jusqu’à l’adieu suprême.

 

Se voir et se quitter,

Espérer, regretter,

Douter, chercher à croire,

De nous tous c’est l’histoire

Cruelle à méditer :

Se voir et se quitter !

 

Et toujours le temps passe,

Inflexible et vorace,

Emportant, sans rien voir,

Mal, bien, souffrance, espoir ;

Tout s’amoindrit, s’efface,

Et toujours le temps passe !

 

Oh ! les départs cruels,

Les serments solennels ! –

Dérision amère,

Il n’est, même sur terre,

De chagrins éternels ;

Oh ! les départs cruels !...

 

Oh ! la grande amertume

De tout, et qui résume

La vie et ses douleurs,

Ses fugitifs bonheurs,

Sa lie et son écume,

Oh ! la grande amertume !

 

Toujours il faut partir

De quelque endroit, souffrir

Toujours en quelque chose,

Pour l’une ou l’autre cause,

Pour vivre ou pour mourir,

Toujours il faut partir !

 

Et nous voyons nos rêves

Mourir : les heures brèves

Meurent, et dans l’adieu

Un peu de nous, un peu

Meurt... Il n’est pas de trêves

Pour nous et pour nos rêves !

 

Tout finit par l’adieu ;

À toute heure, en tout lieu

Des âmes désolées

Se quittent, appelées

Par le devoir ou Dieu...

Tout finit par l’adieu !

 

 

 

Comtesse de GRIVEL.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1893.

 

 

 

 

 

 

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