L’ange joujou

 

 

Il est des esprits puissants

Qui dirigent les planètes,

Qui font voler les tempêtes

Et s’allumer les volcans,

Qui règnent sur l’air et l’onde,

Qui creusent le lit des mers,

Qui règlent le cours du monde

Et prennent soin des déserts,

Qui sèment l’or et le sable,

Lis et roses dans les champs ;

Et dans le nombre innombrable

De ces esprits bienfaisants,

Il est un ange adorable

Que Dieu fit pour les enfants,

Un ange à l’aile vermeille,

Une céleste merveille.

Du paradis le bijou,

Le petit ange Joujou,

De l’ange gardien le frère ;

Mais l’un guide l’âme aux cieux

Et l’autre enchante la terre

Et ne préside qu’aux jeux.

Il inventa la poupée,

Tant d’objets d’amusement

Dont l’enfance est occupée,

Qui portent un nom charmant.

Avant l’aurore il se lève ;

Riant il s’en vint du ciel

Dans l’éden jouer près d’Ève

Avec le petit Abel.

Il fait les boutons de rose,

Les colliers de perle et d’or,

Les colibris qu’il dépose

Dans les fleurs du Labrador.

Il n’est merveilleuse chose

Qu’il n’ait faite ou fasse encor ;

Soufflant sur l’eau savonneuse,

Grâce à ses enchantements

Brille un palais de diamants

À rendre une reine heureuse ;

Il fait le baume et le miel ;

De son souffle naît la brise ;

Il a planté le cytise

Et dessiné l’arc-en-ciel.

Passant du Gange en Norvège,

Il se mêle au beau cortège

Des cygnes éblouissants,

Et sème avec ses doigts blancs

Les jolis flocons de neige

Pour amuser les enfants :

Et ces concerts des campagnes,

Cette musique des bois

Qui charme vals et montagnes,

De notre ange c’est la voix.

Ah ! que cet ange nous aime

Et que ses pouvoirs sont beaux,

Pouvoirs qu’il tient de Dieu même !

Il veille au nid des oiseaux ;

Il leur porte du ciel même

Leur vêtement radieux

Et deux perles pour leurs yeux.

Il est de toutes nos fêtes ;

Il tient pour nous toujours prêtes

Des coupes sans aucun fiel,

Et, grâce enfin à ses charmes,

On dit que toutes nos larmes

Ne sont que gouttes de miel.

Puis, quand les dernières heures

Sonnent aux pieux enfants,

On les retrouve aux demeures

Où sont les saints innocents,

Jouant avec leur couronne

Et leurs palmes de martyrs,

Bénissant Dieu qui leur donne

Tout le ciel pour leurs plaisirs.

 

 

 

Eugénie de GUÉRIN.

 

 

 

 

 

 

 

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